| PÈLERINAGE, subst. masc. A. − 1. Voyage individuel ou collectif effectué dans un lieu saint à des fins religieuses et dans un esprit de dévotion. Aller en pèlerinage, faire un pèlerinage; pèlerinage diocésain, aux lieux saints, à Saint-Jacques-de-Compostelle, aux Saintes-Maries-de-la-Mer; pèlerinage de l'Ascension, du 15 août, des malades. Les pèlerinages catholiques font voir merveilleusement que cette méthode d'exaltation intellectuelle réunit toutes les conditions pour tourner en passions la curiosité et le respect (Barrès, Renan, Trois stations de psychothérapie, 1891, p.132).Elle laissait depuis trois ans son mari à Trouville (...) pour accompagner le pèlerinage national, en qualité de dame hospitalière (Zola, Lourdes, 1894, p.55): . Peu après, sur la remarque que le pèlerinage de La Mecque, qui se pratiquait déjà et qui devait s'accomplir en automne, avait du retard, on ajouta un treizième mois. Un ministre fut établi dont la fonction spéciale était de régler cette intercalation et de la faire savoir au peuple. L'intercalation était empruntée aux Juifs de Médine. Elle ne remédia pas parfaitement à l'erreur signalée, car, de 412 à 632, c'est-à-dire en l'espace de 220 ans, la date du pèlerinage de La Mecque avait passé de l'automne au printemps. Mahomet, qui fit au mois d'avril son pèlerinage, trois mois avant sa mort, interdit l'intercalation du 13emois.
Chauve-Bertrand, Question calendrier, 1920, p.58. − P. métaph. Déplacements en longue file. Ces pèlerinages de phoques, ces communautés de pingouins, ces naufrages, ont une poésie effrayante (Morand, Paris-Tombouctou, 1929, p.30). 2. P. méton. a) Le lieu lui même de ce pèlerinage; l'église du pèlerinage. Notre-Dame de Lorette est un des plus fameux pèlerinages de la chrétienté (Ac.).C'est du moins ce que je présume d'une sainte Visite d'un pèlerinage sous le feu Solaire inscrivant un triangle d'ombre peinte Peinte on dirait sur la demi-face de Chleuh (Cocteau, Clair-obscur, 1954, p.191). b) L'ensemble des pèlerins se rendant ou participant à un pèlerinage. C'était le moment où les escadres italiennes débarquaient en terre sainte le pèlerinage annuel (Grousset, Croisades, 1939, p.95). B. − P. anal. 1. Voyage que l'on fait en un lieu avec l'intention de se recueillir ou visite que l'on rend à quelqu'un que l'on admire, à qui on veut rendre hommage ou dont on vénère la mémoire. Pèlerinage historique, musical, sentimental. Leur pèlerinage le plus cher était d'aller passer l'après-midi à la petite maison que Madeleine avait habitée (Zola, M. Férat, 1868, p.112).Les poètes prétendent que nous retrouvons un moment ce que nous avons jadis été en rentrant dans telle maison, dans tel jardin où nous avons vécu jeunes. Ce sont là pèlerinages fort hasardeux et à la suite desquels on compte autant de déceptions que de succès (Proust, Guermantes 1, 1920, p.91).Je connais peu de plaisirs plus vifs qu'un pèlerinage littéraire, fait en un lieu consacré par la présence d'un grand homme (Maurois, Mes songes, 1933, p.157). 2. P. ext. Tout long voyage. Synon. périple.Pèlerinage aux sources. Cette terreur des brigands doit être exagérée [en Espagne], car, dans un très long pèlerinage à travers les provinces réputées les plus dangereuses, nous n'avons jamais rien vu qui pût justifier cette panique (Gautier, Tra los montes, 1843, p.137).Tous, à commencer par Chateaubriand lui-même (...) ils parcourront avec des variantes d'impressions le même cercle, et recommenceront le même pèlerinage: l'Italie, la Grèce, l'Orient (Sainte-Beuve, Chateaubr., t.1, 1860, p.372). − P. anal. Voilà au reste un jour des Rois bien triste pour moi, je le passe seul, loin de ce qui m'est cher. Quand finirai-je mes pèlerinages sur la terre? Je suis comme le vieux voyageur Jacob (Chateaubr., Corresp., t.2, 1821, p.102).La vie envisagée comme un voyage. Je ne t'ai pas écrit; il eût fallu te raconter ma vie entière. C'est un long et triste pèlerinage que je n'avais pas le courage de retracer (Sand, Corresp., t.1, 1834, p.278). Prononc. et Orth.: [pεlʀina:ʒ], [pe-]. Ac. 1694: pellerinage; 1718, 1740: pele-; 1762: péle-; dep.1798: pèle-. Étymol. et Hist.1. a) Ca 1135 «voyage entrepris dans un but religieux, vers un lieu saint» (Couronnement de Louis, éd. Y. A. Lepage, 265, 386); b) ca 1210 «croisade» (Herbert de Dammartin, Fouque de Candie, 14108 ds T.-L.); c) 1240-80 en parlant de la vie du chrétien considérée comme une marche vers la Jérusalem céleste; ici, le périple est accompli au cours d'un songe (Baudouin de Condé, Voie de paradis, 56 ds OEuvres, éd. A. Scheler, t.1, p.207); 2. a) ca 1170 «voyage» (Rois, IV, VIII, 1, éd. E. R. Curtius, p.188: Va t'en, tu e ta maigniée, en pelerinage la u te plarrad [vade... et peregrinare ubicumque repereris]); ca 1210 (Herbert de Dammartin, op. cit., 3707, ds T.-L.); b) déb. xiiies. en parlant de la vie humaine (Chardry, Petit plet, éd. J. Koch, 362); 3. 1718 «lieu où l'on se rend par dévotion» (Ac.); 4. 1836 voyage fait en un lieu pour rendre hommage, se recueillir» faire un pèlerinage à Ferney (Stendhal, Vie de H. Brulard, III, Paris, éd. H. Debraye, t.1, 1913, p.34); 5. 1884 «cohorte de pèlerins» (Péladan, Vice supr., p.219: tout le pèlerinage prosterné). Dér. de pèlerin*; suff. -age*. Fréq. abs. littér.: 675 dont 78 pélerinage. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 817, b) 889; xxes.: a) 1031, b) 744. |