| PUISER, verbe trans. A. − Prendre une partie d'un liquide à l'aide d'un récipient ou du creux de la main dans une réserve de ce liquide. Puiser du vin dans une cuve. Il mangea avec appétit cette maigre nourriture, qu'il arrosa d'un peu d'eau fraîche, puisée à la rivière dans une vaste coquille (Verne, Île myst., 1874, p. 76).Les femmes viennent puiser l'eau de la fontaine dans des vases de cuivre rouge à large panse (T'Serstevens, Itinér. esp., 1933, p. 201).Quand les gelées survinrent, la conduite fut bloquée. Pendant trois ou quatre jours, nous dûmes dresser des échelles, faire la chaîne et puiser l'eau après avoir brisé la glace (Duhamel, Désert Bièvres, 1937, p. 108). − Absol. Puiser à la rivière; puiser au bassin de la fontaine, au courant de l'eau; puiser à la source. J'en ai aperçu un qui puisait avec son casque, au fond d'un tonneau de mélasse (Zola, Débâcle, 1892, p. 167).Une femme vient puiser à la fontaine (Valéry, Variété III, 1936, p. 103). B. − P. anal. Prélever, saisir un objet de petite taille parmi d'autres ou une partie de quelque chose parmi une masse plus importante. Puiser de l'argent dans sa poche. Cette fourchette sert aux paysans, dans mon pays, à puiser le pain, le lard et les choux dans l'écuelle où ils mangent la soupe (Lamart., Confid., 1849, p. 55).Le panier de bois empli de blé, passé au bras gauche, où l'on puise le grain de la main droite en marchant (Pesquidoux, Livre raison, 1928, p. 2).Une forte fille étendait les pièces d'une lessive. Elle se penchait, puisait le linge dans une seille de bois (Daniel-Rops, Mort, 1934, p. 438). − Absol. La misère acheva Claude. Elle avait grandi peu à peu, à mesure que le ménage puisait sans compter; et, lorsque plus un sou ne resta des vingt mille francs, elle s'abattit, affreuse, irréparable (Zola, L'Œuvre, 1886, p. 270).Il y avait de gros tas tout préparés, chacun puisait dedans et lançait des blocs de pierre dans le trou (Martin du G., Thib., Belle sais., 1923, p. 981). C. − Au fig. Prendre, tirer, emprunter (un élément positif). Puiser le courage de résister à qqc. Le chirurgien puise alors les motifs de sa conduite dans des considérations tirées du siége de la plaie, de l'étendue qu'elle présente, des désordres qui accompagnent la fracture (Nélaton, Pathol. chir., t. 1, 1844, p. 223).Son œuvre [de Marc] se faisait d'une marche bien lente, mais il puisait dans les quelques résultats acquis la force de la continuer (Zola, Vérité, 1902, p. 229).Je pus me rendre compte du réconfort qu'ils puisaient à voir le calme et la fermeté de ma femme (Gide, Journal, 1914, p. 490). − En partic. Emprunter (à quelqu'un, à quelque chose) des éléments nécessaires à l'élaboration d'une manifestation de l'activité intellectuelle ou artistique. Puiser des renseignements à diverses sources. Molière puisa dans une conversation avec Ninon, qui se trouvait là, la peinture de l'hypocrisie dont il fit ensuite le Tartufe (Chateaubr., Rancé, 1844, p. 21).Par contraste avec sa vie brisée, ce climat des images inconscientes lui fut bienfaisant. Il s'y complut, passivement d'abord, et n'arriva que petit à petit à y puiser les éléments d'un vaste poème (Béguin, Âme romant., 1939, p. 286): Je profite de cette période de tranquillité exceptionnelle dont j'ai la chance de bénéficier ici cet été, et de cette disposition favorable où je me trouve d'imaginer, de créer. Je sais trop bien que de tels moments sont rares et irremplaçables. Je m'assure des réserves, dans lesquelles je pourrai puiser les éléments de mon livre futur.
Martin du G., Souv. autobiogr. et littér., 1942, p. CXI. − Absol. Cela raconté dans un style d'une verdeur étrange, d'une couleur précise, dans un style puisant à tous les dialectes, empruntant des expressions à toutes les langues charriées dans Rome (Huysmans, À rebours, 1884, p. 41).Ces rencontres attestent le même besoin chez les contemporains d'élargir les sources d'inspiration, de ne plus se contenter des sujets mythologiques ou légendaires où avaient puisé les musiciens des deux siècles précédents, mais d'emprunter aux poètes et aux romanciers de leur temps les thèmes qu'ils vont traiter (Dumesnil, Hist. théâtre lyr., 1953, p. 110). − Puiser à la source, aux sources. Consulter les auteurs ou les documents originaux. Nos habitudes étaient celles d'étudiants libres à qui leurs goûts ou leur position permettent de choisir, de s'instruire un peu au hasard et de puiser à plusieurs sources avant de déterminer celle où leur esprit devra s'arrêter (Fromentin, Dominique, 1863, p. 134).Il a d'inépuisables réserves de renseignements précis, de documents puisés à la source même sur tous les hommes les plus importants ou intéressants de ces quarante dernières années (Du Bos, Journal, 1922, p. 165). Prononc. et Orth.: [pɥize], (il) puise [pɥi:z]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1160 absol. « (d'un bateau) faire eau » (Eneas, éd. J. J. Salverda de Grave, 2555); b) 1690 (Fur.: on dit aussi, qu'un soulier puise l'eau, lors qu'il n'est pas de bon cuir, et que l'eau le perce), a survécu dans certains parlers région., v. FEW t. 9, p. 630; 2. a) Ca 1200 (Aiol, éd. J. Normand et G. Raynaud, 5674: Li pelerins ot aigue puissie en .I. vivier); b) 1225-30 p. ext. « prendre largement, sans compter » (Guillaume de Lorris, Rose, éd. F. Lecoy, 1124); 3. a) ca 1220 (Gautier de Coinci, Miracles, éd. V.-F. Koenig, I Pr 1, 38: La Mere Dieu tel sens me doigne Ou aucun bien puisse puisier); b) 1585 (Noël du Fail, Contes d'Eutrapel, éd. J. Assézat, t. 2, p. 151: ... ceste doctrine qu'ils avoient puisiee... des livres des Hébrieux). Dér. de puits*; dés. -er. Fréq. abs. littér.: 1 730. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 3 472, b) 2 213; xxes.: a) 1 934, b) 2 040. DÉR. 1. Puisage, subst. masc.,technol. Action de prélever, d'extraire de l'eau ou toute autre matière dans une fosse, un puits ou un terrain spongieux. Si l'huile ne jaillit pas ou si elle ne jaillit plus, il faut l'extraire par pompage, puisage, capillarité ou émulsion (Chartrou, Pétroles natur. et artif., 1931, p. 58).Dr. Droit, servitude de puisage ,,Droit inhérent au fonds même et en vertu duquel celui qui le possède peut puiser, tirer, prendre de l'eau à un puits, à une citerne, à une fontaine`` (Chabat t. 2 1876). Les servitudes discontinues (...) ont besoin du fait actuel de l'homme pour être exercées: tels sont les droits de passage, puisage, pacage et autres semblables (Code civil, 1804, art. 688, p. 126).−[pɥiza:ʒ]. Att. ds Ac. dep. 1835. − 1resattest. a) 1466 puchage « action de puiser » (A.N.JJ 202, pièce 51 ds Gdf. Compl.), b) 1731 puisage (Merc. de France, avril, p. 760 ds DG); de puiser, suff. -age*. 2. Puisette, subst. fém.Vase, généralement en métal, muni d'une anse et quelquefois d'un ou de deux goulots, dont on se servait pour puiser de l'eau et l'apporter à la cuisine (d'apr. Havard 1830). Près du « cholier », par où l'on jette l'eau usagée, sont groupées les jattes, les cruches et les puisettes (Faral, Vie temps st Louis, 1942, p. 158).−[pɥizεt]. − 1reattest. 1328 « vase en bois ou en métal, servant à puiser l'eau et à l'apporter à la cuisine » (Inventaire de Clémence de Hongrie ds Havard), − 1621 (Cout. de Valenc., v. Gdf); de puiser, suff. -ette*. 3. Puisoir, subst. masc.Petit seau, écope, récipient servant à puiser des liquides. Quand on plongea la louche, l'huile était si lourde qu'il semblait qu'elle allait vous arracher le puisoir des mains avec son poids et, en la versant, elle coulait dans la bassine comme une belette (Giono, Triomphe vie, 1941, p. 160).− [pɥizwa:ʀ]. − 1resattest. a) 1289 puissouer « espèce de filet de pêche » (ds Du Cange, s.v. pressorium 2), xives. puisoir (Ord. de la ville de Reims, Arch. adm. de Reims, III, 486, Doc. inéd. ds Gdf.) − 1532 puysois (Arch. mun. Mézières, ibid.), b) 1701 « vaisseau de cuivre employé pour tirer le salpêtre de la chaudière où on le cuit » (Fur.), 1765 « petit baril muni d'un manche servant à puiser l'eau dans les salines » (Encyclop. t. 14, p. 551 s.v. salines); de puiser, suff. -oir*, puchoir, puisoir a également signifié « lieu où l'on puise l'eau à la rivière » (1308-1565, v. Gdf.), sens conservé dans le parler norm. (v. Du Bois, Moisy). |