| PUDIQUE, adj. A. − 1. Qui se retient ou qui appréhende de montrer, d'observer, de faire état de certaines parties du corps, principalement celles de nature sexuelle, ou de montrer, d'observer, de faire état de choses considérées comme étant plus ou moins directement d'ordre sexuel. Synon. bégueule (fam.), prude, pudibond; anton. dévergondé, égrillard, gaillard, grivois, impudique, lubrique, paillard.Sitôt qu'une chose est de mon intérêt elle me devient tabou, et je ne puis plus la demander ni la poursuivre. Cela m'est aussi impossible qu'à une vierge pudique de faire des avances à l'homme auquel elle pense (Amiel, Journal, 1866, p. 133).La prisonnière a fait le tour du monde, y compris la pudique Amérique (Colette, Jumelle, 1938, p. 191). − Empl. attributif. Et, aussitôt qu'elle sentit qu'elle l'aimait, elle fut si pudique que le moindre mot malséant (...) lui devint désagréable (Boylesve, Leçon d'amour, 1902, p. 271).MmeRouvier a sauvé Rouvier en disant: « Lui, Un homme si pudique, qui n'aurait pas ôté sa chemise devant moi! » (Barrès, Cahiers, t. 4, 1904, p. 31).[Jaurès] a toutes les audaces, mais il est pudique. Les gros mots de Viviani le choquent. Il ne peut pas s'y habituer (Renard, Journal, 1910, p. 641). 2. [P. méton.] Qui marque, qui manifeste la pudeur de quelqu'un. Synon. prude, pudibond; anton. dévergondé, égrillard, grivois, impudique, lubrique, paillard. a) [En parlant d'une partie du corps] Main pudique. L'enfant sourit tout bas, baissa sur les étoiles De ses pudiques yeux l'ébène de leurs voiles (Banville, Cariat., 1842, p. 49).C'est un exquis plaisir que d'émouvoir un cœur palpitant d'amour divin, et de déboutonner les gorges pudiques où se cache un médaillon béni (Flaub., Tentation, 1849, p. 342): 1. Marguerite portait une robe habillée (...) dont les manches laissaient apercevoir en transparence de jolis bras ronds: cette pudique nudité me bouleversa.
Beauvoir, Mém. j. fille, 1958, p. 105. b) [En parlant d'un comportement, d'un affect, d'un état] Regard pudique; afféteries pudiques; pudique ignorance. Ses mouvements avaient la pudique simplicité de ceux des jeunes filles (Balzac, Méd. camp., 1833, p. 142).Elle préférait la pudique réserve des Anglaises à ce trop expansif génie italien (Maurois, Ariel, 1923, p. 270).Un coup d'œil où se mêlent on ne sait quels regrets, quelle honte pudique, quel enchantement de mélancolie (Arnoux, Solde, 1958, p. 94). B. − 1. Qui se retient ou qui appréhende de montrer, d'observer, de faire état de ce qui met en jeu (ou d'agir lorsque cela met en jeu) ce qui touche de près à la personnalité ou à la vie intime de quelqu'un. Synon. prude, réservé; anton. inconvenant, indécent, éhonté.L'Anglais mourut à Paris (...). Ce philanthrope était un marchand d'opium. La pudique veuve ordonna de vendre le scandaleux immeuble (Balzac, Fausse maîtr., 1841, p. 11).L'âme, trop pudique pour se montrer, finit toujours par l'isolement et par l'oubli (Amiel, Journal, 1866, p. 457): 2. J'ai bien fait la bégueule envers lui, ce bon Gautier. Voilà longtemps qu'il me demande que je lui montre quelque chose et que je lui promets toujours. C'est étonnant comme je suis pudique là-dessus.
Flaub., Corresp., 1852, p. 384. 2. [P. méton.] Qui marque, qui manifeste la pudeur de quelqu'un. Synon. prude, pudibond; anton. inconvenant, indécent, éhonté.Valentine, par un mouvement de fierté pudique, détourna les yeux (Dumas père, Monte-Cristo, t. 2, 1846, p. 559).Pas la moindre effronterie. Une sorte de grâce pudique et même de gravité rituelle (Tharaud, Rabat, 1918, p. 120).Visages tendus, fraternité menacée, amitié si forte et si pudique des hommes entre eux, ce sont les vraies richesses puisqu'elles sont périssables (Camus, Sisyphe, 1942, p. 121): 3. Un homme à qui on pourrait (...) le comparer [Delacroix] (...) pour les manières serait M. Mérimée. C'était la même froideur apparente, (...) le même manteau de glace recouvrant une pudique sensibilité...
Baudel., Curios. esthét., 1867, p. 310. − Empl. attributif. Les poèmes en prose de Mallarmé (...). L'émotion y est si fine, si vraie et si pudique. L'enfant qui chante dans les cours (Green, Journal, 1956, p. 209). Prononc. et Orth.: [pydik]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. [Ca 1370, le dér. pudiquement*] 1. Déb. xves. « qui appréhende ce qui peut blesser la pudeur » fillette la moins pudique (P. Salem. [Pierre Le Fruitier dit Salmon], ms. Genève 165, fol. 201 v ods Gdf. Compl.); 2. 1444 [ms. déb. xvies.] « empreint de pudeur » pudicque enfance ([Jean Vauquelin] Trad. du Gouv. des princ. de Gilles Colonne, Ars. 5069 [lire 5062], fol. 1 v o, ibid.); 3. 1601 « qui s'exprime, s'explique avec discrétion » (Charron, Sagesse, I, 23 ds Littré); 4. 1640 « qui respecte la pudeur, empreint de retenue » flamme pudique (Corneille, Horace, IV, 7). Empr. au lat.pudicus « chaste, vertueux, modeste ». Fréq. abs. littér.: 266. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 413, b) 508; xxes.: a) 438, b) 242. DÉR. Pudiquement, adv.a) D'une manière pudique. [Corresp. à supra A] Synon. pudibondement; anton. gaillardement, grivoisement, impudiquement.Le jour de l'entrée de monsieur le légat, et où il y avait trois belles filles faisant personnages... − De sirènes, dit Liénarde. − Et toutes nues, ajouta le jeune homme. Liénarde baissa pudiquement les yeux (Hugo, N.-D. Paris, 1832, p. 32).Elle serra pudiquement ses coudes contre son corps (Colette, Duo, 1934, p. 33).Quand il voulait pisser, il se retournait pudiquement vers la dune (Queffélec, Recteur, 1944, p. 164).b) [Corresp. à supra B] Synon. pudibondement, discrètement.En France, où les groupes parlementaires sont nombreux, de telles évolutions [politiques] s'abritent pudiquement derrière des étiquettes inintelligibles (Maurois, Édouard VII, 1933, p. 100).Les catégories soumises à la pression désinflationniste se tournent vers l'état pour exiger une compensation, pudiquement appelée indemnité de reconversion (Perroux, Écon. XXes., 1964, p. 536).− [pydikmɑ
̃]. Att. ds Ac. dep. 1694. − 1resattest. ca 1370 (Jean Lefevre, Matheolus, éd. A. G. van Hamel, III, 2855: ... puis qu'il se vueille Maintenir bien pudiquement Sans faire fol attouchement), 1694 « en termes discrets, réservés » s'expliquer pudiquement (Ac.); de pudique, suff. -ment2*. − Fréq. abs. littér.: 49. |