| PRÉTENDRE, verbe trans. I. A. − Revendiquer, poursuivre quelque chose comme un dû, comme la rétribution nécessaire d'une certaine activité, position ou qualité. Synon. briguer, exiger, postuler, réclamer; anton. abdiquer, se désister, renoncer, résigner. 1. Vx. Prétendre + subst. ou pron.Cet amour (...) d'un dévouement à tout péril, osant tout mériter et n'osant rien prétendre (Marmontel, Essai sur rom., 1799, p.299).L'Église ne saurait prétendre suzeraineté sur l'Empire: elle n'eut aucune part à son établissement; aucun titre légal ne l'autorise à en revendiquer l'hommage (Ozanam, Philos. Dante, 1838, p.183). 2. Prétendre à + subst. ou pron.Le peuple ne demande que le nécessaire, il ne veut que justice et tranquillité; les riches prétendent à tout, ils veulent tout envahir et tout dominer (Robesp., Discours, Marc d'argent, t.7, 1791, p.166).Ses droits à pension au regard du régime général recommencent à courir à compter de ladite réintégration. Toutefois, dans le cas où il ne pourrait prétendre à pension au titre du régime de retraite auquel il a été affilié pendant sa mise hors cadre, il pourra (...) solliciter la prise en compte dans le régime général (Encyclop. éduc., 1960, p.297). 3. Absol. N'avoir rien à prétendre. Vous êtes un homme de la justice; vous êtes bien pressé de venir mettre les scellés chez nous. On n'a pas besoin de vous; la fille est majeure; et puisque je n'ai rien à prétendre (...) je n'en veux rien détourner (Sand, Jeanne, 1844, p.63). B. − 1. Vouloir fermement, se proposer de faire telle chose (avec la conviction d'en avoir le droit, le pouvoir). Synon. entendre, tenir à. a) Vx. Prétendre + subst. ou pron. (de/sur qqn.).Il vient un moment triste dans la vie, c'est lorsqu'on sent qu'on est arrivé à tout ce qu'on pouvait espérer, qu'on a acquis tout ce qu'on pouvait raisonnablement prétendre (Sainte-Beuve, Portr. contemp., t.5, 1846, p.465).Ce que je prétends de vous, c'est de m'aider à démêler quel genre de vie religieuse me peut convenir davantage (Gobineau, Pléiades, 1874, p.178).Je dis à Amour, mon ennemi: Toi qui oses, page Menu, prétendre sur moi quelque avantage (Moréas, Pèlerin pass., 1891, p.75). b) Vieilli, littér. Prétendre + inf.Un cocher qu'on paie, et qui doit nous mener, non où il veut, ni comme il veut, mais où nous prétendons aller (Courier, Pamphlets pol., Au réd. «Censeur», 1820, p.36). − Prétendre ne pas + inf.Refuser nettement de. Il ne voyageait pas seul et bien plus il prétendait ne pas être invité sans sa compagne (Proust, J. filles en fleurs, 1918, p.475). c) Vieilli, littér. Prétendre que + prop. au subj.: . Au Théâtre-Français, elle [une pièce intitulée L'Intérêt général] garderait, je pense, l'aspect d'une comédie «de caractères», ce que je prétends qu'elle soit, ce qu'elle est, réussie ou non; plutôt que d'une satire sociale (ce qu'elle prétendait être d'abord, et qui reste son point faible, car je n'ai pu faire disparaître complètement toutes les traces de cette première intention, désastreuse).
Gide, Journal, 1943, p.252. 2. Prétendre à.Aspirer à telle chose (à juste titre). Synon. ambitionner, convoiter, désirer, rêver, souhaiter, soupirer après, viser. a) Prétendre à + subst. ou pron.Il reste pour moi quelque chose de surnaturel dans les circonstances d'un effacement humain aussi complet. Il serait par trop vain d'y prétendre et je me persuade aisément que cette ambition (...) ne témoigne de rien que de peu honorable (Breton, Nadja, 1928, p.18).Tout désirer, tout deviner, prétendre à tout au fond de soi-même, c'est un grand malheur pour un garçon qui est obligé de vivre médiocrement (Colette, Naiss. jour, 1928, p.54). − En partic., vieilli. Prétendre à (la main de) telle personne. Souhaiter l'épouser. Je touchais cet anneau qui me séparait d'elle à jamais (...). −Quoi! me disais-je, j'aurais pu prétendre aussi à elle! (...) mon nom, mon âge, ma fortune, tout me rapprochait d'elle (Krüdener, Valérie, 1803, p.80).[La demoiselle de compagnie] n'avait pas tardé à reconnaître que tous ces prétendants dont elle était assiégée prétendaient à tout excepté à sa main (Feuillet, Honn. d'artiste, 1890, p.22). b) Prétendre à + inf.Il est vraiment, dans ce Paris admirable, bien des maisons qui, chacune, peuvent prétendre à être la première, et toutes le sont (Mallarmé, Dern. mode, 1874, p.728).Pour avoir prétendu à tout expliquer, il n'a rien expliqué (Massis, Jugements, 1923, p.127). − Rare, vx. Prétendre de + inf.L'homme peut aspirer à la vertu: il ne peut raisonnablement prétendre de trouver la vérité (Chamfort, Max. et pens., 1794, p.59). C. − Péj. Avoir des ambitions exagérées, des visées hors de proportion avec ses capacités ou avec les possibilités réelles. Synon. se flatter, se piquer, se targuer, se vanter de. 1. a) Prétendre + inf.Prétendre connaître, démontrer, expliquer, faire, imposer, juger, posséder, savoir, trouver. Rien de plus périlleux et de moins justifié que de prétendre établir une exacte proportion entre le châtiment et la faute morale (Blondel, Action, 1893, p.270).Les hommes qui ont la triste audace de prétendre conserver l'unité nationale dans la honte de l'armistice sont les mêmes qui, déjà, passent leur temps à calculer quelle police, (...) quel système de menaces, de censure, de délation leur sont nécessaires pour maintenir autour d'eux quelque apparence d'ordre public (De Gaulle, Mém. guerre, 1954, p.675). − Sans prétendre + inf.V. âme ex. 25. − Ne pas prétendre + inf.N'avoir pas la prétention de. Je ne prétends pas être infaillible (Beauvoir, Mandarins, 1954, p.177). b) Rare. Prétendre que + prop. au subj.Quand une chose me plaira, je ne prétends pas qu'elle te plaise, encore moins qu'elle plaise aux autres. Le ciel nous préserve des législateurs en matière de beauté, de plaisir et d'émotion! (Taine, Voy. Ital., t.1, 1866, p.4). 2. Prétendre à + subst. ou inf.Elle prétendait à une finesse sans bornes, et toujours souriait avec malice; (...) elle voulait, par un sourire malin, faire entendre autre chose que ce que disaient ses paroles (Stendhal, Chartreuse, 1839, p.109).Non qu'elle eût le ridicule de prétendre à le diriger dans l'art: elle (...) connaissait ses limites (Rolland, J.-Chr., Nouv. journée, 1912, p.1549). II. − Affirmer catégoriquement (généralement quelque chose de contestable), soutenir une hypothèse peu crédible avec une assurance exagérée, sans preuve à l'appui. Synon. assurer, avancer, déclarer, garantir. A. − 1. Prétendre + subst. ou pron.Vous allez prétendre que j'ai accepté en paiement des tissus mités? −Je ne prétends rien. Je dis seulement que le marché a été conclu (Van der Meersch, Invas. 14, 1935, p.317). 2. Prétendre + subst. + attribut.Assurer fermement que telle chose ou personne est pourvue de telle qualité. V. appareillage ex. 3. − Empl. pronom. réfl. Se prétendre + attribut.Se présenter (généralement à tort) comme pourvu de certaine qualité, se faire passer pour. Vous vous prétendez sans talent littéraire, jeune présomptueux! (...) Vous vous vantez! (Villiers de L'I.-A., Contes cruels, 1883, p.48).Rapaces qui se prétendent leurs bienfaiteurs (Maran, Batouala, 1921, p.10).Il prétend qu'il descend en droite ligne de Scipion l'Africain. Ce sont des choses auxquelles il ne croit pas (...). Nombre de hauts personnages, à notre époque, se prétendent issus d'un héros antique (Montherl., Malatesta, 1946, iii, 5, p.502). B. − Prétendre + inf.Prétendre tenir de. Un interminable monologue, où elle prétendait confusément en avoir assez de tout, et se libérer, (...) enfin des exagérations (Miomandre, Écrit sur eau, 1908, p.263).Descartes prétendait être le maître de ses rêves: la médecine contemporaine nous affirme que ce n'est pas impossible (Mounier, Traité caract., 1946, p.61). C. − 1. Prétendre que + adv. d'affirm. ou de nég.Je ne suis plus qu'un honnête bourgeois (...) encore, honnête, c'est moi qui le dis, mais il y en a qui prétendent que non (Barrès, Cahiers, t.11, 1917, p.234). 2. Prétendre que + prop. à l'ind. ou au subj. après nég., interr. ou au cond. si le fait est considéré comme éventuel.Oser prétendre que. Ma femme prétendait que vous tomberiez amoureux de la jeune lady et moi j'affirmais que les philosophes sceptiques ne s'enflamment pas si aisément (Tocqueville, Corresp.[avec Gobineau], 1844, p.75).J'ai reçu une lettre de reproches de la jeune Bosquet, qui prétend que je l'oublie. Cela est parfaitement vrai; mais s'il fallait fréquenter tous ses amis, on ne rentrerait pas chez soi (Flaub., Corresp., 1865, p.174).Je ne prétends pas que je fusse coupable: c'était ainsi, voilà tout (Sartre, Mots, 1964, p.54).V. dieu 1reSection III B ex. de Ponchon. Rem. Le subj. n'est pas nécessairement utilisé après une prop. avec prétendre à la tournure nég. ou interr.: Manente: Prétendez-vous que votre Silvio a posé ses pieds dans le feu? (...) Bartholomeo: Pas un honnête homme ne prétendra que Silvio a eu peur (Salacrou, Terre ronde, 1938, III, 2, p.237). D. − Rare, empl. abs. On avait beau (...) jurer! prétendre! même exagérer si possible!... Elle hochait quand même incrédule! (Céline, Mort à crédit, 1936, p.492). Prononc. et Orth.: [pʀetɑ
̃:dʀ
̥]. Ac. 1694, 1718: pre-; dep. 1740: pré-. Étymol. et Hist.I. A. 1. 1320 pretendre de suivi d'un subst. désignant une chose «demander, réclamer (un droit)» (ds Isambert, Rec. gén. des anc. lois fr., t.3, p.252); 2. 1587 pretendre de suivi d'un inf. «avoir l'intention de, espérer pouvoir faire» (Lanoue, [Discours pol. et milit.] 632 ds Littré). B. Pretendre a 1. a) suivi d'un subst. désignant une chose [empl. att. au sens de «réclamer (un droit)» ds N. de Wailly, Elém. de paloégr., Paris, t.1, 1838, p.160: copie de 1665 d'un vidimus en date de juin 1313 par Renaud, évêque de Metz, d'un acte de Renaud, comte de Bar, de mars 1118, Arch. nat. T 201, no70, cf. Gdf. Compl.]
α) 1409 «aspirer à, rechercher» pretendre a union (Boucicaut, Mém., III, V ds Nouv. coll. de mém. rel. à l'Hist. de France, éd. Michaud et Poujoulat, t.2, p.295b); 1remoit. xves. [ms. xvies.] pretendre a la bonne foi (St Eustache, éd. H. Petersen, 176, Mém. Sté neo-philol. de Helsingfors, t.7, 1924, p.196);
β) 1559 spéc. (Amyot, trad. Plutarque, Hommes illustres, Comp. de Timoléon avec Paul-Emile, II, éd. G. Walter, t.1, p.615: Il [Dion] aspirait et pretendait a ne sais quelle seigneurie et principauté); b) 1668 suivi d'un subst. désignant une pers. pretendre a [une femme] (Molière, Avare, IV, 4); 2. Ca 1470 suivi d'un inf. «chercher à, tenter de» (Georges Chastellain, Chron., éd. Kervyn de Lettenhove, t.4, p.323: ceux qui ont pretendu à moy desfaire). C. Pretendre 1. suivi de l'inf. a) 1459 «chercher à, aspirer à, tenter de» pretendre avoir vain pasturage (Coutumes de Bourgogne, XIII, V ds Nouv. coutumier gén., éd. Bourdot de Richebourg, t.2, p.1180); ca 1590 (Montaigne, Essais, III, IX, éd. P. Villey et V. L. Saulnier, p.949); b) 1531 [éd.] «vouloir fermement» (J. de Vignay, Mir. hist., II, fol. 10b ds Gdf. Compl.); c) 1670 «avoir la prétention de, se flatter de» (Pascal, Pensées, 84 ds OEuvres, éd. J. Chevalier, p.1108: il est arrivé à peu de prétendre connaître toute chose); 2. suivi d'un subst. désignant une pers. 1638, 8 janv. prétendre [une femme] (Voiture, Lettres, LXXXVI ds OEuvres, éd. Paris, J. Clousier, t.1, 1734, p.200: de tant de belles il n'y en a pas une seule que je prétende). D. 1669 prétendre que suivi du subj. je ne prétends pas que «je n'admets pas, je ne veux pas que...» (Molière, Pourceaugnac, I, 4). II. 1. Ca 1380 «affirmer fermement, soutenir, alléguer» (Jean Lefèvre, Vieille, 6 ds T.-L.); fin xves. empl. avec attribut (Commynes, Mém., V, 11, éd. J. Calmette, t.2, p.164: disant que le roi la pretendoit sienne [la ville d'Arras)]; 1759 réfl. empl. avec attribut (Voltaire, Candide, XXII, éd. R. Pomeau, 1979, p.188: jugea que la dame qui se prétendait Cunégonde était une friponne); 2. 1661 prétendre que suivi du subj. (Molière, École des maris, II, 8). Empr. au lat. praetendere prop. «tendre en avant; être situé devant» fig. «alléguer, invoquer, prétexter» à l'époque class.; «réclamer (une dette)» à basse époque (Digeste de Justinien); «affirmer fermement» au Moy. Âge (1310 ds Du Cange). Fréq. abs. littér.: 6710. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 9981, b) 6803; xxes.: a) 8813, b) 11074. Bbg. Berrendonner (A.). Le Fantôme de la vérité. Ling. Sémiol. 1977, no4, pp.130-160. |