| PRÉROGATIVE, subst. fém. A. − Avantage, droit, pouvoir lié (exclusivement) à certaines fonctions ou à certaines dignités. Ce pouvoir exécutif n'avait point encore l'autorité nécessaire pour maintenir l'ordre; il lui manquait plusieurs prérogatives indispensables, et dont la privation amena (...) des convulsions destructives (Staël, Consid. Révol. fr., t.1, 1817, p.459).Sous les Tudor la couronne avait accordé des représentants aux bourgs qu'elle savait fidèles. Sous les Stuart cette prérogative avait été supprimée (Maurois, Disraëli, 1927, p.60): 1. Parmi les secrétaires d'État, chefs des grandes administrations, certains ont rang de ministres. Ceci leur confère deux prérogatives spéciales: celle de participer au conseil des ministres, et celle d'exercer une autorité et un contrôle sur les secrétaires d'État n'ayant pas rang de ministres...
Vedel, Dr. constit., 1949, p.261. SYNT. Prérogative exclusive, théorique, reconnue; abolir, accorder, défendre, établir, proclamer, réclamer, rendre, restaurer une/des prérogative(s); céder, cacher, maintenir ses prérogatives; renoncer à ses prérogatives; jouir de, user de ses prérogatives; avoir (la) prérogative sur qqn; priver qqn d'une prérogative; s'insurger contre les prérogatives. − [Avec un adj. ou un compl. prép.] ♦ [indiquant le domaine d'application des prérogatives] Prérogative constitutionnelle. Toute organisation politique (...) deviendrait nécessairement une démagogie effrénée et turbulente, à moins que le despotisme, suppléant par des coups d'autorité aux prérogatives légales, ne réduisît les assemblées au rôle d'instruments passifs, muets et aveugles (Constant, Princ. pol., 1815, p.30).Une société fondée sur la puissance de l'argent, les prérogatives de la naissance, l'intérêt et la haine mutuelle (Arts et litt., 1936, p.54-10). ♦ [indiquant la personne, l'institution, bénéficiant de la prérogative] Prérogative de l'aristocratie, de la Couronne, de l'Église, de l'État; prérogative parlementaire, féodale. Peut-être le roi de France (...) réclama-t-il ce prisonnier (...) Telle était la prérogative royale (A. France, J. d'Arc, t.2, 1908, p.151).À cet évêque, Rome avait pourtant fait une pension convenable et (...) restitué ses prérogatives épiscopales en le nommant évêque titulaire de Dionysiopolis (Billy, Introïbo, 1939, p.230).Le bureau d'administration de l'ancien collège communal devient le conseil d'administration du collège national avec toutes les attributions et prérogatives du conseil du lycée (Encyclop. éduc., 1960, p.156). ♦ [indiquant le domaine d'application de prérogatives] Dès son installation dans le siége métropolitain de Tours, Grégoire, en vertu des prérogatives politiques attachées alors à la dignité épiscopale (...) se vit investi d'une suprême influence sur les affaires de la ville (Thierry, Récits mérov., t.2, 1840, p.203). − DR. ,,Droit exclusif attaché à certaines fonctions ou à certaines dignités`` (Cap. 1936). Tenant compte de l'idée selon laquelle la puissance publique a la mission de garantir l'exercice de tous les droits déterminés par les lois, ils lui reconnaîtront des prérogatives dérogatoires aux règles régissant les rapports entre particuliers pour lui permettre l'accomplissement de sa fonction d'ordre public (Belorgey, Gouvern. et admin. Fr., 1967, p.37). − En partic. Droits, honneurs accordés à quelqu'un ou à une institution. Hérodote décrit leurs prérogatives [aux rois]: «Si la cité fait un sacrifice, ils ont la première place au repas sacré; on les sert les premiers et on leur donne double portion (...)» (Fustel de Coul., Cité antique, 1864, p.308).Ces deux hommes (...) étaient devenus des familiers de la maison, de ces familiers à qui on accorde des faveurs spéciales, des prérogatives sensibles (Maupass., Bel-Ami, 1885, p.350). B. − P. ext. 1. Avantage, pouvoir (exclusif) dont peut jouir quelqu'un. La raison et la parole sont les prérogatives de l'homme (Ac.1935).C'est le type même du peintre tel que l'entendent en général les romanciers et les poètes, à ce point jaloux de leurs prérogatives intellectuelles qu'ils souffrent d'en voir des artisans pourvus (Lhote, Peint. d'abord, 1942, p.149): 2. Il abusait de ce privilège au point de nous exaspérer parfois en embrassant Mouche devant nous, en l'asseyant sur ses genoux à la fin des repas et par beaucoup d'autres prérogatives humiliantes autant qu'irritantes.
Maupass., Contes et nouv., t.1, Mouche, 1890, p.1342. 2. Avantage inhérent à quelque chose. À quoi tient donc cette singulière prérogative des idées de nombre et de quantité ? (...) à ce que l'expression symbolique des nombres peut être systématisée de manière qu'avec un nombre limité de signes conventionnels (...) on ait la faculté d'exprimer tous les nombres possibles (Cournot, Fond. connaiss., 1851, p.305). Prononc. et Orth.: [pʀeʀ
ɔgati:v]. Ac. 1694 et 1718: pre-; dep. 1740: pré-. Étymol. et Hist. 1234 (Huon de Mery, Antéchrist, G. Wimmer, Marburg, 1888, p.64, vers 1420). Empr. au lat. praerogativa, subst. de l'adj. praerogativus, -a, -um «qui vote le premier» notamment dans l'expr. praerogativa centuria «centurie qui vote la première» d'où praerogativa «id.» p.ell. de centuria puis, plus gén., «prérogative, privilège». Fréq. abs. littér.: 297. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 822, b) 285; xxes.: a) 190, b) 293. Bbg. Quem. DDL t.11. |