| PRÉDESTINER, verbe trans. A. − THÉOL. Dieu prédestine qqn (à qqc.).Vouer d'avance, de manière inéluctable au salut ou à la damnation. Peut-on concevoir un visage, des gestes plus reposés, plus calmes, en un mot moins jansénistes, je veux dire, moins dominés par une religion de terreur. Assurément le Dieu qu'elle prie ne commande pas l'impossible et ne prédestine personne à l'enfer (Bremond, Hist. sent. relig., t.4, 1920, p.179). B. − P. ext. 1. Prédisposer quelqu'un à l'accomplissement de grandes choses ou à un destin particulier, heureux ou malheureux. a) Dieu prédestine qqn (à, ou moins usuel, pour + subst. ou inf.)Dieu avait prédestiné Moïse pour être le conducteur de son peuple (Ac.).Si jamais peuple fut prédestiné par le ciel pour un destin spécial et mérite le nom de peuple de Dieu, ce fut celui-là [la Grèce] (Jouffroy, Mél. philos., 1833, p.66). b) Souvent au passif. Qqn est prédestiné (à + subst. ou inf.).Être prédestiné au bonheur, aux catastrophes, à la révolte, à la solitude; être prédestiné à souffrir. Décidément j'étais prédestiné. Je n'allais plus que les regards en l'air, attendant du ciel, comme Élie, mon plaisir et ma nourriture (Gide, Si le grain, 1924, p.479): . Allons, se disait-il tout en cheminant, j'étais prédestiné à mourir de faim et d'ennui entre ces murailles lézardées, sous ce toit qui laisse passer la pluie comme un crime. Nul n'évite son sort et j'accomplirai le mien: je serai le dernier des Sigognac.
Gautier, Fracasse, 1863, p.454. 2. Qqc. prédestine qqn ou qqc. (à + subst. ou inf.).Prédisposer à un destin particulier. Son caractère, plein de douceur et de tendresse, le prédestinait à l'exploitation que les faibles femmes pratiquent sur les hommes forts (Balzac, Cous. Bette, 1846, p.164).Mon cou flexible, mes bras pendants, ma taille (...) me prédestinaient à obéir (Colette, Cl. s'en va, 1903, p.9).La structure de son pays prédestine le peuple japonais à la vie maritime (Albitreccia, Gds moyens transp., 1931, p.106). Prononc. et Orth.: [pʀedεstine], (il) prédestine [-dεstin]. Ac. 1694, 1718: pre-; dep. 1740: pré-. Étymol. et Hist. 1. Fin xiies. en parlant de Dieu «destiner quelqu'un au salut en prévision de ses mérites» (Sermons St Bernard, 32, 14 ds T.-L.); 2. 1541 «destiner chaque homme d'une façon infaillible et éternellement vraie à être sauvé ou damné» (Calvin, Institution Chrétienne, III, XXII, 9, éd. J. D. Benoit, t.3, p.428); 3. 1555 «choisir de toute éternité une personne pour qu'elle accomplisse telle ou telle action sur terre» (Ronsard, Les Hymnes, éd. P. Laumonier, t.8, p.9, vers 74). Empr. au lat. chrét. praedestinare «préparer à l'avance de toute éternité» (St Jérome ds Blaise Lat. chrét.), lat. class. «réserver par avance» comp. de prae- «en avant» et destinare «destiner à, affecter à». Fréq. abs. littér.: 26. |