| PRÉCIPITATION, subst. fém. A. − [Corresp. à précipiter A] 1. Action de jeter, de faire tomber de haut; résultat de cette action. Sa puissance [de Rubens] est la même pour une précipitation d'anges ou de damnés que pour une ronde de buveurs (Gautier,Guide Louvre, 1872, p.133).Qu'elles [trois blessures] étaient de nature à amener la mort en quelques heures, mais qu'elles avaient été, à très-peu d'instants d'intervalle, suivies de la précipitation dans l'eau de l'individu blessé (Gaz. des Trib., 22-23 mars 1875, p.287, 2ecol. ds Littré). 2. CHIM. Réaction qui a pour résultat la production d'un précipité. Précipitation fractionnée. Dans une fabrique de couleurs, l'atelier de précipitation est celui qui occupe le plus grand emplacement (Coffignier,Coul. et peint., 1924, p.59).V. floculation ex. de Gasnier. − P. métaph. Ces deux réformes sont prêtes; un coup léger suffirait à déterminer la précipitation chimique (Barrès,Scènes et doctr., t.1, 1902, p.99). 3. MÉTÉOR., au plur. Formes de l'eau à l'état liquide ou solide provenant de l'atmosphère; p.méton., ce qui tombe be ainsi. Précipitations atmosphériques, aqueuses liquides, (pluie, brouillard), solides (neige, grêle). Malgré l'importance des précipitations et de la rosée en montagne, les plantes alpines ont des caractères xénophytiques (Plantefol,Bot. et biol. végét., t.2, 1931, p.542): 1. La quantité des précipitations décroît normalement quand la latitude augmente (...) sur les côtes du Groenland, le total des précipitations diminue très rapidement à mesure qu'on monte vers le nord.
Rouch,Régions polaires, 1927, p.50. 4. OENOL. Dépôt de crème de tartre (bitartrate de potassium) qui peut apparaître sous forme de petits cristaux dans les vins jeunes exposés au froid (d'apr. Lich. Vins 1984). B. − [Corresp. à précipiter B] 1. Grande hâte, rapidité excessive. Synon. empressement, impétuosité.Par précipitation. Dans ta précipitation à venir au-devant de moi, ne fais pas comme MmeJourdan, ne tombe pas dans l'eau, en sautant par-dessus le bastingage du navire (Flaub.,Corresp., 1851, p.135).On chargea les fusils et les carabines, tous ensemble, sans précipitation, avec une gravité solennelle (Hugo,Misér., t.2, 1862, p.336).À ce moment, la porte s'ouvrit avec précipitation, et Jérôme parut (Martin du G.,Thib., Belle sais., 1923, p.939). 2. Hâte excessive qui donne à ce que l'on fait un caractère irréfléchi et désordonné. Confondre vitesse et précipitation. Ce que l'impatience et la précipitation avaient fait chez les Grecs, le despotisme des opinions religieuses a pensé le faire chez nous (Destutt de Tr.,Idéol. 2, 1803, p.6).Le commandant Plée, toujours rond et souriant d'ailleurs, invoqua la «pagaille» qu'un excès de précipitation ne manquerait pas d'apporter, et réussit à faire reculer l'exécution de l'ordre jusqu'au lendemain midi (Romains,Hommes bonne vol., 1938, p.74): 2. L'événement a levé ce qu'il pouvait rester de doutes et montré la sagesse de cet atermoiement, alors que la précipitation risquait de tout compromettre.
Gide,Journal, 1943, p.241. REM. Précipiteux, -euse, adj.,région., vieilli. Qui fait preuve d'un caractère brusque, vif et irréfléchi (supra B 2). Faisons la paix sur cette chose-là et n'y pensons plus. Peut-être que j'ai été un peu trop précipiteux dans mes paroles (Sand,Fr. le Champi, 1848, p.90).Il avait bien jugé l'humeur de la petite Mariette, qui était précipiteuse et combustible comme celle de son défunt frère (Sand,Fr. le Champi, 1848, p.157). Prononc. et Orth.: [pʀesipitasjɔ
̃]. Ac. 1694, 1718: pre-; dep. 1740: pré-. Étymol. et Hist. A. 1. 1362-65 [ms. de 1429] méd. «expulsion (de l'arrière-faix)» (Martin de Saint-Gille, Amphorismes Ypocras, éd. G. Lafeuille, V, 49, p.86: a la precipitation de la marriz); 2. a) déb. xvies. «chute, ruine» (J. Fossetier, Chron. Margaritique, ms. Bruxelles, 10509, fo89 rods Gdf. Compl. : ruyne ou precipitation) sens incertain; b) 1527 «action de jeter d'un lieu élevé» (J. Bouchet, Panégyric de L. de La Trémoille, éd. Buchon, p.791 ds Fonds Barbier: mort [...] par feu, par glayve, par precipitation); 3. 1663 chim. (Chr. Glaser, Traité de la chim., Paris, l. 1, p.25: la precipitation se fait pour le moyen des sels lesquels versez sur la dissolution); 1924 précipitation fractionnée (MmeP. Curie, Isotopie, p.20); 4. 1874 météor. (Lar. 19et.11, p.148a, s.v. météorognosie: la nature et la quantité de la précipitation aqueuse); 1907 précipitations atmosphériques (Boule, Conf. géol., p.58); 1927 précipitations (supra ex. 1). B. 1. 1471 «action de presser quelqu'un» (Ordonnances des Rois de France, t.17, p.436: par precipitation de requerans); 2. 1486 «hâte excessive» (Reigle Mgr St Benoît, fo58 d, éd. 1486 ds Gdf. Compl.). Empr. au lat. praecipitatio (dér. du verbe praecipitare, précipiter*) «chute», lat. chrét. «chute, ruine; précipitation, irréflexion» (Blaise Lat. chrét.); lat. sc. médiév. precipitatio matricis au sens A 1 (av. 1250 ds Latham). Au sens A 3, cf. l'angl. precipitation (1612 ds NED). Fréq. abs. littér.: 398. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 702, b) 579; xxes.: a) 332, b) 582. Bbg. Vaganay (H.). Pour l'hist. du fr. mod. Rom. Forsch. 1913, t.32, p.131. |