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PROTÉE, subst. masc.
A.− Littér. [Parfois avec une majuscule]
1. Gén. péj. Personne qui change constamment d'apparence, d'attitude ou d'opinion; personne qui joue toutes sortes de rôles, de personnages. C'est un protée, il est dans la même heure Jocrisse, Janot, Queue-Rouge, ou Mondor, ou Harpagon, ou Nicodème (Balzac, Cous. Pons,1847, p. 108):
Le monde de la politique ou des affaires a ses protées aux multiples visages, mais les tentations protéiformes du monde moderne sont moins redoutables que les fabuleuses apparitions de la légende antique. Dansel1979.
En appos. avec valeur d'adj. On voit défiler [au music-hall] toutes les sortes d'acrobates, des danseurs (...) des chanteurs en toutes langues, des imitateurs et des hommes protées, des parodistes (Arts et litt.,1935, p. 76-16).
2. Chose qui se présente sous les aspects les plus divers. Le doute revêt une foule de formes; c'est un Protée qui souvent s'ignore lui-même (Baudel., Salon,1846, p. 175).Véritable protée physiologique, la vigne est également un protée morphologique (Levadoux, Vigne,1961, p. 23).
En appos. avec valeur d'adj. Cet élément protée [la peinture] capable d'être tous les autres et en même temps d'exciter des plaisirs qui ne sont qu'à lui (Huyghe, Dialog. avec visible,1955, p. 199).
B.− ZOOLOGIE
1. HERPÉTOL. Amphibien cavernicole, au corps mince, nu, non pigmenté, virant au noir à la lumière, aux membres réduits, aux yeux rudimentaires recouverts de peau (d'apr. Animaux 1981). Les protées conservent peut-être, pendant toute leur vie, des poumons et des branchies, à moins que des observations ultérieures ne prouvent que ces derniers sont des larves de salamandres (Cuvier, Anat. comp.,t. 4, 1805, p. 348).Le célèbre protée est un batracien vraiment troglobie puisqu'il passe toute sa vie dans les rivières souterraines des Balkans et qu'il meurt presque toujours rapidement s'il s'est laissé entraîner au dehors par une crue brutale de son cours d'eau natal (Gèze, Spéléol. sc.,1965, p. 153).
2. Synon. anc. de amibe.Le genre Amibe, établi par M. Bory pour le Protée de Roesel et le Proteus diffluens de Müller (F. Dujardin, Hist. nat. des Zoophytes,Infusoires, 1841, p. 231).
Prononc. et Orth. : [pʀ ɔte]. Att. ds Ac. dep. 1762. Étymol. et Hist. A. 1. 1555 Prothé « personne qui change sans cesse d'opinions, de forme, d'humeur, etc. » (Ronsard, Continuation des Amours I, 12 ds Œuvres complètes, éd. P. Laumonier, t. 7, p. 116 : ce monstrueux Prothé [ici : le public des lecteurs au goût changeant]); 1563 Prothée (Id., Responce aux injures, 984, t. 11, p. 166); 1565 Protées plur. (Id., Élégies, t. 13, p. 103); 2. 1685 « ce qui peut prendre des formes diverses » (La Fontaine, Remerciement à l'Académie fr. ds Œuvres, éd. H. Régnier, t. 8, p. 308 : l'esprit des François est un véritable Protée). B. 1. 1800 zool. synon. anc. de amibe (Boiste); 2. 1805 « sorte de batracien urodèle » (Cuvier, op. cit., p. 332). Empl. comme nom commun de Protée, nom d'un dieu marin de la mythol. gr. qui avait le don de se métamorphoser à volonté, du lat. Proteus (également att. au sens fig. « homme versatile »), empr. au gr. Π ρ ω τ ε υ ́ ς. Au sens B 1, empr. au lat. sc. Proteus (1755, Roesel, Insecten Belustigungen t. 3, p. 621 ds Neave), au sens B 2, empr. au lat. sc. Proteus (1768, J. N. Laurenti, Synopsis Reptilium, Vienne, p. 35 ds Agassiz Rept. et Neave). Fréq. abs. littér. : 30.
DÉR. 1.
Protéen, -éenne, adj.,littér. Qui peut prendre les formes les plus variées, qui se présente sous des aspects très divers. Synon. protéiforme.a) [En parlant d'une pers.] Écrivain protéen et prolifique, Anthony Burgess sait traverser siècles, sociétés et genres littéraires en faisant montre d'un mimétisme éblouissant et dans le langage et dans la reproduction caricaturale des plus diverses visions du monde (Le Monde, 1remars 1969, p. I, col. 1).b) [En parlant d'un inanimé] Le désir sous toutes ses formes; la volupté dans tous ses rythmes; l'amour dans toutes ses incarnations protéennes; toute la femme, ses spasmes et ses larmes; ses désespoirs et ses ivresses (Péladan, Vice supr.,1884, p. 64).Dans le diptyque humain (...), Wilde (...) représente l'élément de fixité (...) Gide, tout à l'inverse, l'élément protéen, l'esprit de métamorphose qui ne se sent fidèle qu'alors que fidèle à son infidélité (Du Bos, Journal,1927, p. 364).− [pʀ ɔteε ̃], fém. [-eεn]. − 1resattest. 1571 protean (M. De La Porte, Épithètes, fo79 ro: Desguiseure fainte, colore [...] proteanne, masquee) − 1580, Id., ibid., éd. 1580, fo145 vods Hug., attest. isolées, à nouv. 1869 protéen (Littré); de protée, suff. -éen (-ien*).
2.
Protéique, adj.,littér., rare. Synon. de protéiforme.L'amour-propre aux mille formes (...) est le plus protéique de nos démons intérieurs (Mounier, Traité caract.,1946, p. 545).− [pʀ ɔteik]. − 1reattest. 1910 (Combarieu, Mus., p. 327); de protée, suff. -ique*.
3.
Protéisme, subst. masc.Tendance à se transformer, à prendre des formes variables. Ces femmes à caprices brusqués possèdent une facilité d'oubli qui s'explique, comme les subites virevoltes de ces caprices, par le protéisme inconscient de leurs personnalités (Bourget, Conflits int.,1925, p. 112).À cause de son protéisme, la magie suscite des interprétations multiples (Philos., Relig., 1957, p. 42-14).− [pʀ ɔteism̭]. − 1reattest. 1826 (Dict. des gens de lettres vivants, art. Desrosiers, pp. 99-100, Marchands de nouveautés ds Quem. DDL t. 21); de protée, suff. -isme*.
BBG. − Quem. DDL t. 21.