| PROSAÏSME, subst. masc. A. − Vieilli. Caractère de ce qui est trop prosaïque, défaut des compositions littéraires trop proches de la prose; l'art qui en résulte. Le prosaïsme le plus plat. Ses vers sont remplis de prosaïsmes (Ac.1835-1935).Malherbe lui-même, par les habitudes de correction et de sagesse qu'il introduisit, contribua à précipiter un grand nombre de ces disciples énervés de Bertaut dans le prosaïsme et la platitude (Sainte-Beuve,Tabl. poés. fr., 1828, p.115).Baudelaire (...) a réagi très heureusement contre la tendance au prosaïsme qui s'observe dans la poésie française depuis le milieu du XVIIesiècle (Valéry,Variété II, 1929, p.153): . Pour moi, Bossuet est poète, au sens le plus rigoureux du mot, et poète infiniment supérieur à Boileau. J'oppose non pas les vers à la prose −opposition qui me paraît techniquement fausse −mais uniquement la poésie au prosaïsme.
Bremond,Poés. pure, 1926, p.105. B. − [Dans une oeuvre lyrique; corresp. à prosaïque A 2] Sous le prosaïsme du dialogue, sous les mots du langage le plus familier, l'inflexion de la mélodie, ou quelque trouvaille harmonique, déterminent chez qui l'écoute [Louise, de Charpentier] une résonance qui émeut et bouleverse jusqu'aux entrailles (Dumesnil,Hist. théâtre lyr., 1953, p.202). C. − P. anal. Caractère prosaïque, plat, monotone, trop proche des contingences matérielles. L'étude du droit, vers laquelle on essayait de me conduire, épouvantait par sa sécheresse, son prosaïsme et sa froideur, mon esprit naturellement contemplatif et porté aux choses artistiques (Du Camp,Mém. suic., 1853, p.41).[Watteau, Fragonard, Houdon] fixèrent les images spirituelles (...) sans lesquelles les hommes du XVIIIesiècle nous paraîtraient d'un prosaïsme bien sec, malgré leur vieillesse larmoyante de pêcheurs repentis (Hourticq,Hist. art, Fr., 1914, p.303). Prononc. et Orth.: [pʀ
οzaism̭], [pʀ
ɔ-]. V. prosaïque. Att. ds Ac. dep. 1835. Étymol. et Hist. 1. 1785 «défaut d'une poésie trop banale, qui ressemble trop à de la prose» (La Harpe, Corresp. litt., VI, p.222 ds Proschwitz Beaumarchais, pp.153-154); 2. 1829 p.ext. «caractère de ce qui est plat, monotone, vulgaire» (Balzac, Physiol. mariage, Paris, L. Conard, 1927, p.107). Dér. du rad. de prosaïque*; suff. -isme*. Fréq. abs. littér.: 22. DÉR. Prosaïste, subst.,rare, litt. Celui, celle qui préconise l'usage exclusif de la prose en littérature. Nous le demandons à nos prosaïstes eux-mêmes, que perdent-ils à la poésie de Molière? (Hugo,Préf. Cromwell, 1827, p.33).Sainte-Beuve a fait aussi, lui, deux bien remarquables articles sur ce pauvre livre [Cromwell]; on les a refusés au Globe, dont les prosaïstes me gardent rancune (Hugo,Corresp., 1828, p.445).− [pʀ
οzaist], [pʀ
ɔ-]. V. prosaïque. − 1reattest. 1827 (Hugo, loc. cit.); dér. du rad. de prosaïsme, suff. -iste*. |