| PROPICE, adj. A. − Littéraire 1. [En parlant d'une divinité ou d'une puissance occulte capable d'influer sur le destin des hommes] Qui accorde sa faveur, qui manifeste sa bienveillance active. Synon. agréable, bénéfique, bienfaisant, bienveillant, favorable; anton. maléfique, malfaisant.Dieu, ciel, destin, hasard, sort propice. Ces augures qui ne daignaient se montrer propices que lorsque sur leurs autels s'amoncelaient les offrandes (Dabit, Hôtel Nord, 1929, p.52): 1. Sur de rustiques chars les vierges aux bras nus
Jettent au vent du soir leurs rires ingénus,
Et tantôt, de narcisse et d'épis couronnées,
Chantent Cérès propice en chansons alternées.
Leconte de Lisle, Poèmes ant., 1852, p.235. − Propice à qqn.Jupiter m'est propice: César dans ma maison! (Dumas père, Caligula, 1837, i, 3, p.44). − Absol. Pour rendre le juge propice Lorsque de la stricte justice Paraîtra le terrible jour, Il faudra lui montrer des granges Pleines de moissons (Baudel., Fl. du Mal, 1857, p.285). 2. P. ext. [En parlant d'une pers. influente ou investie d'une certaine forme d'autorité] Propice à qqn.Qui est bien disposé à l'égard de, qui favorise l'entreprise de quelqu'un. Synon. favorable; anton. défavorable, nuisible.Se rendre qqn propice; soyez-nous propice. Ô Gaston, soyez propice à notre noble comte! (Montherl., Célibataires, 1934, p.838): 2. ... je crois devoir espérer que votre coeur généreux s'humanisera à cet exposé et vous subjuguera le désir de m'être propice en daignant me prodiguer un léger bienfait.
Hugo, Misér., t.1, 1862, p.876. − Vx ou littér., parfois p.plaisant. [En parlant d'un aspect du comportement] Jeter un oeil, un regard, une oreille propice sur/vers qqn. Il s'était pris de goût pour ces récitations de noms et de verbes qu'il écoutait d'un air vénérable et propice (A. France, Servien, 1882, p.16). B. − P. anal. [En parlant d'une chose concr. ou abstr.] 1. Propice à.Synon. propre à. a) Qui rend possible, réalisable, quelque chose; qui favorise une entreprise; qui est bénéfique à quelqu'un. − Qqc. propice à qqn. (pers. ou animal)Sans croire (...) que ce genre de nourriture puisse m'être propice, je dois compter sur une allégeance surhumaine (Huysmans, En route, t.1, 1895, p.236).Accoutumés durant l'été à la solitude de leurs pacages, aux veilles des nuits lactées, propices aux troupeaux errants (Pesquidoux, Chez nous, 1921, p.56): 3. Qu'il soit protégé par les lumières, la compagnie et les instruments, et qu'il demeure assez longtemps, pour que le sommeil lui soit propice dès qu'il s'étendra...
Butor, Passage Milan, 1954, p.195. − Qqc. propice à qqc.Qui convient particulièrement à, qui se prête bien à quelque chose. Lieu, moment propice à la fuite, à la méditation, à la rêverie, au travail. Il se plaisait à Fontainebleau, à cause des allées cavalières et parce que le sol était propice aux roses (Martin du G., Devenir, 1909, p.15): 4. Dans les arènes modernes, du centre jusqu'à la barrière il y a une pente délicate, aussi invisible qu'est la renflure des colonnes du Parthénon, propice à l'écoulement des eaux comme à une vue meilleure du spectacle.
Montherl., Bestiaires, 1926, p.521. b) [Souvent suivi d'un inf.] Apte à, favorable pour. Synon. idoine.Celle qui sur un luth aux sept cordes de soie Lui joue un chant propice à l'induire au sommeil (Régnier, Sites, 1887, p.131).Je ne vois véritablement pas de profession qui serait plus propice à mûrir un bon esprit (Valéry, Variété IV, 1938, p.59). − Propice pour (plus rare).On distinguait à droite, en aval, le pont d'Iéna, et à gauche, en amont, le pont des Invalides; l'endroit eût été propice pour attendre la nuit et s'évader (Hugo, Misér., t.2, 1862, p.555).L'heure semblait propice pour les pires aventures (Grousset, Croisades, 1939, p.237). − [Sans compl.] L'évasion fut donc arrêtée au 16 décembre, date d'autant plus propice que la veille était un dimanche, où nous pourrions nous reposer des fatigues du chantier et terminer à loisir nos préparatifs (Ambrière, Gdes vac., 1946, p.76). SYNT. Atmosphère, cadre, climat, endroit, lieu, obscurité propice (à qqc.); attendre l'occasion propice de + inf.; moment propice pour + inf.; conditions propices (à qqc.); milieu propice (à qqc.); terrain propice (à qqc., aux cultures). 2. En partic. Sans compl., [en parlant d'une circonstance météor. ou climatique] Qui permet le développement, l'heureux déroulement des événements ou qui facilite l'action de quelqu'un. Synon. favorable.Moment, vent propice; saison propice. Cet émoi (...) semblait ne vouloir que me porter vers eux plus rapidement quand il enflait ma voile d'une brise puissante, inconnue et propice (Proust, Swann, 1913, p.156).Domaines nourriciers (...) participant à l'envi aux faveurs d'un climat ensoleillé, qui laisse largement à la végétation six mois au moins de température et de pluies propices (Vidal de La Bl., Princ. géogr. hum., 1921, p.137).V. autan ex. 2: 5. Binet expliqua qu'il avait besoin d'un mordant pour composer lui-même une eau de cuivre avec quoi dérouiller diverses garnitures de chasse (...): −En effet, le temps n'est pas propice, à cause de l'humidité.
Flaub., MmeBovary, t.2, 1857, p.3. Prononc. et Orth.: [pʀ
ɔpis]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist.1. Ca 1170 «(d'une personne, spéc. de Dieu) favorable, bienveillant» (Rois, II, XXIII, 17, éd. E. R. Curtius, p.105: Propice me seit Deu [propitius sit mihi Dominus]); 2. 1376 «(d'une chose) favorable» propice à (Modus et Ratio, éd. G. Tilander, 3, 38: telle chaleur [du soleil] est propice à toute nature); spéc. a) 1552 le vent est propice (Rabelais, Quart livre, VIII, éd. R. Maréchal, p.63, 62); b) 1640 (Corneille, Cinna, I, 3: Prenons l'occasion tandis qu'elle est propice). Empr. au lat. propitius «propice [surtout en parlant des dieux], favorable, bienveillant», passé dans la lang. chrét. où il est fréq. empl. en parlant de Dieu «miséricordieux, qui pardonne». Fréq. abs. littér.: 540. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 523, b) 793; xxes.: a) 650, b) 1033. |