| PROFESSION, subst. fém. A. − 1. Déclaration publique ayant pour but de faire connaître ouvertement ses opinions, ses sentiments, ses intentions. Toute profession d'incrédulité (...) sera poursuivie comme outrage à la religion et scandale pour les moeurs (Proudhon, Révol. soc.,1852, p.89).L'innovation ne correspondait pourtant pas à une profession d'athéisme, comme on l'a souvent reproché au Grand-Orient (Naudon, Fr.-Maçonn.,1963, p.118): 1. Les Daudet, les seuls êtres que j'aime, les seuls êtres desquels, quand quelque chose chez eux ne m'a pas paru parfait, je n'ai pas voulu dire... et jamais, avec n'importe qui, une parole qui n'ait été une profession de la plus chaude amitié pour eux!...
Goncourt, Journal,1892, p.202. − Faire profession de + subst. ou inf.Déclarer publiquement, manifester ouvertement des croyances ou des opinions. Synon. professer.De tout temps il fit profession de mépriser les menaces des tyrans (Marat, Pamphlets,Dénonc. Malouet, 1790, p.217).Le portrait de Napoléon, se disait-il en hochant la tête, trouvé caché chez un homme qui fait profession d'une telle haine pour l'usurpateur! (Stendhal, Rouge et Noir,1830, p.58).Je compris que les Guermantes me croyaient en effet d'une race autre, mais qui excitait leur envie, parce que je possédais des mérites que j'ignorais et qu'ils faisaient profession de tenir pour seuls importants (Proust, Guermantes 2,1921, p.439). − Faire profession d'être + subst. (désignant un comportement, une manière d'être, une affection). Affecter, se montrer sous un aspect, dans un état donné. Vous ne manquerez pas de vous fâcher contre un de vos compagnons, qui fera profession d'être toujours ivre, et qui se fera beaucoup d'amis en payant du vin à tous les désoeuvrés de Castro (Stendhal, Abbesse Castro,1839, p.182).MrReboudin, depuis qu'il faisait profession d'être asthmatique, ne venait plus régulièrement au café du Lion (Aymé, Brûlebois,1926, p.76). 2. Profession de foi. Déclaration d'adhésion à des principes religieux, politiques, intellectuels auxquels on est particulièrement attaché, dont on se réclame. D'une voix altérée, il prononça la profession de foi musulmane, comme pour se prémunir contre une tentation qu'il redoutait sans pouvoir la préciser (Du Camp, Nil,1854, p.229).Les deux enfants étaient très religieux, surtout Olivier. Leur père les scandalisait par ses professions de foi anticléricales (Rolland, J.-Chr.,Antoinette, 1908, p.839): 2. Je me souviens qu'en 1880, lorsqu'à la suite des conquêtes d'Italie on apporta en France les monuments des arts qui ont orné notre musée pendant quinze ans, David fut un de ceux qui condamnèrent cette mesure, et qui regrettaient que les statues et les tableaux ne restassent pas en Italie. Il fit cette profession de foi publiquement dans l'atelier de ses élèves.
Delécluze, Journal,1826, p.295. − En partic. a) Profession de foi, p.ell., profession. Déclaration écrite d'un candidat à une élection remise à tous les électeurs concernés par cette élection. Je vous remercie de tant de bontés et de soins pour ma cause et la nôtre. Les professions sont envoyées à tous les électeurs. Ce soir j'en rapporte de Dunkerque un grand nombre (Lamart., Corresp.,1831, p.165).Vous savez ce qu'on nomme en langage parlementaire le barodet? C'est le recueil des professions de foi et des programmes des élus, imprimé au début de chaque législature, et qui, ayant été approuvé par les électeurs, est censé représenter leurs cahiers (Thibaudet, Réflex. litt.,1936, p.139). b) [Dans la relig. cath.] (Cérémonie de la) profession de foi. Synon. communion* solennelle. 3. RELIG. Acte par lequel un religieux, une religieuse s'engage définitivement après le noviciat en prononçant ses voeux. La postulante que vous avez vue n'a pas encore prononcé les voeux de sa profession; elle peut donc, si elle le désire, se retirer du couvent et rentrer chez elle (Huysmans, En route,t.1, 1895, p.215).Moi, ma soeur, j'ai mis les mains dans vos manches? Entendez-vous cela! Voilà comme elle me parle, à moi, son aînée de sept ans dans la profession! (Montherl., Port-Royal,1954, p.983). − Faire profession. Prononcer ses voeux. L'année du noviciat étant expirée, la jeune Angélique fit profession, le 29 octobre 1600, entre les mains de l'abbé de La Charité (Sainte-Beuve, Port-Royal,t.1, 1840, p.85).Le jour où une novice fait profession, on l'habille de ses plus beaux atours, on la coiffe de roses blanches (Hugo, Misér.,t.1, 1862, p.583). B. − 1. Activité, état, fonction habituelle d'une personne qui constitue généralement la source de ses moyens d'existence. Une bonne, une belle profession; une profession lucrative, honnête, dangereuse; annuaire par professions; mère de famille sans profession; choisir, exercer une profession; s'établir dans une profession. Je n'ai pas besoin, ajouta Benassis en montrant le curé, de vous dire quelle est la profession de Monsieur (Balzac, Méd. camp.,1833, p.142).Le lendemain, en dînant chez MmeArnoux, il dit que sa mère le tourmentait pour qu'il embrassât une profession (Flaub., Éduc. sent.,t.1, 1869, p.198).Dans la cité de Londres, les plus humbles professions sont fières de mille ans de travail, en conservent avec respect les outils et les lettres patentes (Morand, Londres,1933, p.217). − Dans le lang. admin. Élément de l'état civil d'une personne permettant son identification et son classement dans une catégorie sociale. Il se trouve soudain nez à nez avec une forte patrouille de uhlans. Ceux-ci l'arrêtent. Leur chef s'approche et l'interroge en excellent français. «Votre nom, votre profession?» (Barrès, Cahiers,t.11, 1914, p.108).Le juge d'instruction, au contraire, m'a regardé avec curiosité. Mais pour commencer, il m'a seulement demandé mon nom et mon adresse, ma profession, la date et le lieu de ma naissance (Camus, Étranger,1942, p.1169): 3. Ces facteurs agissent isolément ou se combinent; peut-être suffisent-ils à expliquer les différences de taux de participation qui séparent les membres des professions libérales, en haut de l'échelle, et les mères de famille sans profession, à l'autre extrémité.
Traité sociol.,1968, p.67. − P. anal. [Avec une connotation iron. ou péj.] Activité quelconque, occupation habituelle d'une personne qui en tire ou non ses moyens d'existence. Une mère de famille ne peut, aujourd'hui, conduire sa fille à tel et tel spectacle (...) sans courir le risque de partager sa loge avec une courtisane effrontée, dont le langage et la conduite trahissent bientôt la profession (Jouy, Hermite,t.1, 1811, p.202).Tous quatre étaient jeunes, riches, menant une belle vie semée d'aventures (...) et n'avaient à peu près d'autre profession que d'être heureux ou de le paraître (Murger, Scènes vie jeun.,1851, p.2).Il s'embarqua, en qualité de laveur, sur le bateau qui partait pour Canton. Il reprit ici son ancienne profession d'indicateur, et sut montrer assez d'habileté pour que Sun-Yat-Sen lui confiât, quatre ans plus tard, un des postes importants de sa police secrète (Malraux, Conquér.,1928, p.96). 2. P. ext. Profession de + subst. (désignant un métier).Activité manuelle ou intellectuelle procurant un salaire, une rémunération, des revenus à celui qui l'exerce. Profession de charpentier, de comédien, de cultivateur, d'ingénieur, de journaliste. Tu as pu voir ce qu'il en est de la profession de médecin. L'encombrement y est grand et le succès difficile (Reybaud, J. Paturot,1842, p.97).La profession de l'avocat exige qu'il emporte un jugement comme l'orateur parlementaire emporte un vote (Thibaudet, Réflex. litt.,1936p.57). − Profession + adj. ou subst. (caractérisant une branche d'activité).Métier appartenant à un ensemble dans un secteur d'activité particulier. Profession agricole, commerciale, médicale, artisanale; profession de la magistrature, de l'enseignement, du bâtiment, de l'industrie, du commerce. Les deux tiers qui sont désignés par le Président de la République ne peuvent être ni députés, ni magistrats, mais doivent être pris dans les professions judiciaires (Lidderdale, Parlement fr.,1954, p.70).Pour en comprendre le fonctionnement, nous devons examiner à titre d'exemple comment il s'articule pour les professions de la métallurgie (Encyclop. éduc.,1960, p.273).Les problèmes qui en résultent seront étudiés dans la partie consacrée à la réglementation des professions touristiques (Jocard, Tour. et action État,1966, p.59). − En partic. ♦ Profession des armes. Carrière militaire. Il n'y a pas de profession où la froideur des formes du langage et des habitudes contraste plus vivement avec l'activité de la vie que la profession des armes (Vigny, Serv. et grand. milit.,1835, p.135).En procédant de cette manière, nous y trouvons: (...) l'idée que la profession des armes ne peut être comparée à aucune autre (Sorel, Réflex. violence,1908, p.247). ♦ Profession libérale*. V. supra ex. 3. 3. P. méton. Ensemble de personnes exerçant le même métier ou appartenant au même secteur d'activité. L'ensemble de la profession. L'activité d'une profession ne peut être réglementée efficacement que par un groupe assez proche de cette profession même pour en bien connaître le fonctionnement, pour en sentir tous les besoins et pouvoir suivre toutes leurs variations (Durkheim, Divis. trav.,1902, p.vi).En revanche, le chef d'entreprise est subordonné à des chefs de profession, nommés ou contrôlés par l'État, qui doivent montrer à la fois la préoccupation de l'intérêt professionnel et de l'intérêt public (Perroux, Écon. XXes.,1964, p.624). − P. méton. Ce secteur d'activité, les intérêts, le pouvoir économique qu'il représente. Ses décisions, qui s'imposent à toute la profession, ne sont exécutoires qu'après approbation par le ministre chargé de la marine marchande (Boyer, Pêches mar.,1967, p.24): 4. C'est dans cette voie que nous marchons, quand nous créons les offices professionnels, composés de délégués de toutes les catégories de la profession sous la présidence d'un représentant de l'État, à mesure que disparaissent les comités d'organisation.
De Gaulle, Mém. guerre,1959, p.454. 4. Loc. et expr. − Faire profession de + inf. ou subst. Avoir pour métier, pour occupation habituelle, telle activité. Certes, elle n'était point une drôlesse, faisant profession de l'amour (Maupass., Contes et nouv.,t.1, Soeurs R., 1884, p.1275).Grâce à cette mise en scène, à cet accoutrement, les hommes qui font profession de servir la justice ont le sentiment de jouer un rôle, et les procès ont quelque chose de spectaculaire (Jeux et sports,1967, p.760). − Subst. + de profession. [Avec valeur d'adj.] Professionnel. ♦ [P. oppos. à une activité de loisir ou amateur] Personne alors, excepté les agriculteurs de profession, ne s'occupoit d'agriculture; nulle société, nulle académie ne s'étoit consacrée à la théorie de ce premier des arts (Delille, Homme des champs,1800, p.xvii).Il est vrai que les sociétés d'amateurs sont, comme les troupes d'acteurs de profession, divisées la plupart du temps par des prétentions ridicules et des rivalités mesquines (Sand, Hist. vie,t.1, 1855, p.191). ♦ [Avec une connotation iron. ou péj.] [Le subst. désigne une activité douteuse ou malhonnête fréq. exercée] Celui-là, contrebandier de profession, voulait que je fisse condamner les droits-réunis à des dommages-intérêts pour la surveillance dont il était l'objet (Reybaud, J. Paturot,1842, p.345).D'abord, il citait les voleuses de profession, celles qui faisaient le moins de mal, car la police les connaissait presque toutes (Zola, Bonh. dames,1883, p.632).Il est question de l'exécution du curé Bruneau, à propos duquel on dit que les meurtriers de profession ont des canines particulières, des canines parentes des canines des féroces (Goncourt, Journal,1894, p.632).[Le subst. désigne une occupation, un comportement habituel] Il fréquentait un homme à bonnes fortunes, une manière de séducteur de profession, qui avait régulièrement un amour sérieux par mois (Flaub., 1reÉduc. sent.,1845, p.254).Vous êtes tous les mêmes, vous autres. Vous ne pensez pas à la guerre. Vous êtes des penseurs de profession; mais, en fait, vous ne pensez à rien (Duhamel, Combat ombres,1939, p.51): 5. Il est dix heures; j'entre au café de Chartres, où j'ai vu jadis aux prises les cocardes vertes et les cocardes blanches, la Montagne et la Gironde; abandonné pendant long-tems aux paisibles joueurs de dames et de dominos, il est maintenant en grande faveur parmi les gourmands de profession.
Jouy, Hermite,t.2, 1812, p.236. Prononc. et Orth.: [pʀ
ɔfεsjɔ
̃]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist.1. a) 1155 «déclaration publique de ses sentiments, ses idées ou sa foi» (Wace, Brut, éd. I. Arnold, 13881); 1690 profession de foi (Fur.); b) ca 1175 spéc. «prononciation des voeux lors de l'entrée en religion» (Chronique Ducs Normandie, 27793 ds T.-L.); c) 1555 faire profession de «témoigner de son appartenance à, afficher, montrer, se piquer de, se donner comme» (Ronsard, Chanson à Olivier de Magny, 28 ds OEuvres, éd. P. Laumonier, t.10, p.118); 2. a) 1362 «état, condition, métier» prophecie (Arch. LL 1605, fo59 vods Gdf.); 1404 prophecion (Chr. de Pisan, Livre des fais et bonnes meurs Charles V, III, 3, éd. S. Solente, t.2, p.12); 1656 calomniateurs de profession (Pascal, Provinciales, XVIelettre ds OEuvres, éd. L. Lafuma, Seuil, 1963, p.449, col. 2); b) 1716 «partie de la société attachée à une activité, corps de métier» (La Motte, Réflex. sur crit., p.201); 1794 spéc. en tant que groupe représentant une certaine force sociale (Condorcet, Esq. tabl. hist., av.-pr., p.11). Empr. au lat. professio, -onis «déclaration, déclaration publique, action de se donner comme» d'où «état, condition, métier» dér. du rad. du supin de profiteri «déclarer ouvertement, officiellement, se donner comme». Fréq. abs. littér.: 1767. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 2925, b) 2508; xxes.: a) 2593, b) 2110. Bbg. Dub. Pol. 1962, p.384. _Gemmingen Arbeit 1973, p.6, 7. _Gohin 1903, p.330. _Quem. DDL t.11. |