| PROFANER, verbe trans. A. − Porter atteinte à une chose, ou plus rarement à une personne revêtue d'un caractère sacré, par un acte d'irrévérence ou un acte impie. Synon. violer, polluer (vieilli); anton. consacrer.Profaner une église, un temple, un sanctuaire; profaner un autel; profaner des reliques; profaner les objets du culte; profaner une tombe. On craint, dès qu'on ne le prononce pas à genoux et en l'adorant, de profaner, rien qu'à le répéter, ce nom ineffable [celui de Jésus-Christ], et pour qui le plus profond même des respects pourrait encore être un blasphème (Sainte-Beuve, Port-Royal, t.3, 1848, p.380).Il venait du même coup de violer le coutumier de Bretagne qui interdisait à tout baron de lever des troupes sans le consentement du Duc, et de commettre un double sacrilège, en profanant une chapelle et en s'emparant de Jean Le Ferron qui était un clerc tonsuré d'Église (Huysmans, Là-bas, t.2, 1891, p.100): 1. ... la mosquée occupe, du point de vue religieux, une place intermédiaire entre le temple protestant, simple lieu de réunion, et l'église catholique qui est la demeure de Dieu. L'Islâm ne connaît aucun rite de consécration pour une nouvelle mosquée, ou de réconciliation d'une mosquée profanée; mais cependant, celle-ci a un certain caractère sacré.
G.-H. Bousquet, Prat. rit. Islâm, 1949, p.120. − [Sans la notion d'irrévérence ou d'acte impie] Dépouiller quelque chose de son caractère sacré; le rendre à un usage profane. Synon. désacraliser.Pour pouvoir réparer les vases sacrés, il faut d'abord les profaner (Ac.1835, 1878).C'était un usage habituel, je crois même religieux, chez les anciens, lorsqu'un édifice sacré était renversé par la guerre ou par le temps (...) de se servir des matériaux pour les constructions accessoires des monuments restaurés, afin de ne pas laisser profaner sans doute, à des usages vulgaires, les pierres qu'avait touchées l'ombre des dieux (Lamart., Voy. Orient, t.2, 1835, p.167). B. − Au fig. Dégrader, avilir quelque chose, ou plus rarement quelqu'un en manquant au respect qui lui est dû, en le traitant de manière indigne. Profaner la nature; profaner un sentiment; profaner l'amour; profaner son idéal, son talent, son génie. Un dégoût immense et une humiliation infinie la tenaient immobile sous le regard désormais triomphant du misérable dont le langage l'épouvantait en la profanant (Bloy, Femme pauvre, 1897, p.28).Rien de tout cela ne nous rendra hésitants un seul jour sur ce qui nous restera à faire dans ce vieux pays souillé, profané et peut-être à demi détruit (Mauriac, Journal, 1943, p.353): 2. Les personnes qui ont appris une langue étrangère, qu'elles n'ont jamais entendue parler que dans les livres (...) aiment mieux exprimer dans cette langue que dans la leur certains sentiments nobles et doux. C'est que les mots de cette langue étrangère sont intacts pour eux, qu'ils n'ont jamais perdu leur fleur, qu'ils n'ont jamais été profanés par la canaille parlante ou écrivante.
Stendhal, Hist. peint. Ital., t.2, 1817, p.373. − Empl. pronom. Ne croirons-nous pas plus à l'immatérialité et à l'éternité de notre amour quand il restera élevé à la hauteur d'une pensée pure, dans les régions inaccessibles au changement et à la mort, que s'il descendait à l'abjecte nature des sensations vulgaires en se dégradant et en se profanant dans d'indignes voluptés? (Lamart., Raphaël, 1849, p.181).Tout était chez elle vrai et profond; elle ne savait pas se profaner (Renan, Ma Soeur, 1862, p.40). Prononc. et Orth.: [pʀ
ɔfane], (il) profane [-fan]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1342 prophaner «violer la sainteté des choses sacrées» (Renart le Contrefait, éd. G. Raynaud et H. Lemaître, I, 258); 1538 (Est., s.v. profanus Profaner. Se servir en communs usages des choses consacrees). Empr. au lat. profanare «rendre à l'usage profane (une chose, une personne qui a été auparavant consacrée)» et «souiller». Fréq. abs. littér.: 372. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 910, b) 363; xxes.: a) 501, b) 305. DÉR. Profanatoire, adj.Qui profane, a le caractère d'une profanation. Irrévérences profanatoires (Lar. 19e-20e). Dans les bas-côtés, debout ou sur les chaises, un public de curieux, amené par la nouveauté du spectacle. Rien de profanatoire dans l'attitude des hommes (Goncourt, Journal, 1871, p.792).Appliquer une telle démarche scientifique à l'étude de Bach, par exemple, ce n'est pas profanatoire, c'est appliquer, avec rigueur, tout l'homme (et pas seulement son intellect: son coeur, ses muscles pensants) à cet objet musical de grande envergure, afin d'y apercevoir, et une musique plus générale, et autre chose de plus général que la musique (Schaeffer, Rech. mus. concr., 1952, p.166).− [pʀ
ɔfanatwa:ʀ]. − 1reattest. 1834-35 (Decourchamp, Souvenirs de la marq. de Créquy, t.IV, ch. 4 ds Littré); dér. sav. de profanare, v. profaner, suff. (at)oire*. |