| PRIVATION, subst. fém. A. − 1. État dans lequel se trouve une personne qui souffre du manque de quelque chose. Il la retrouva malade d'une maladie qui lui avait fait défendre par les médecins tous les excitants: il renonçait au vin, aux liqueurs, au café, pour ne pas la tenter et faire sa privation plus douce en la partageant (Goncourt, R. Mauperin, 1864, p.16). 2. Manque, absence d'une jouissance, d'un plaisir, d'une chose qu'on avait ou qu'on allait avoir. S'imposer une privation. Je m'empressai d'envoyer à M. de La Rivière une somme de deux cents francs que j'avais disponible et que je réservais pour m'acheter une montre; cette somme, mon cher papa, servira à décharger d'autant le total de la dette; c'est une fort légère privation que je m'impose en renonçant à cette montre, et je puis la faire sans me gêner (Hugo, Corresp., 1825, p.426).Le plaisir a son propre contraire qui est la privation (Ricoeur, Philos. volonté, 1949, p.105). − [Suivi d'un compl. prép. de, désignant la chose sur laquelle porte la privation] Privation d'air, d'aliments, de desserts, de jeu, de lumière, de tabac, de traitement. Il est inévitable que, comme dans une société policée la possession de l'argent est le signe assuré de la richesse, la privation de l'argent soit un signe presque certain de misère (Proudhon, Syst. contrad. écon., t.2, 1846, p.88).Réaction contre la privation de femmes dont je souffris tant entre quinze et vingt ans, d'où je me fis ensuite comme un devoir de posséder toutes les femmes qu'il m'était possible (Vailland, Drôle de jeu, 1945, p.114).V. histoire ex. 2. − DR. Perte, suppression d'un avantage, d'un droit. Privation des droits civils et politiques. A) Les condamnations pour contravention n'emportent jamais la perte du droit de vote. B) Les condamnations pour crime emportent toujours la privation du droit de vote (Vedel, Dr. constit., 1949, p.343). B. − Au plur. Manque, pénurie de choses agréables ou nécessaires; manque de nourriture. Corps amaigri de privations; endurer, s'imposer, supporter des privations; affronter les privations; être usé(e) par les privations; être habitué(e) aux privations; souffrir, vivre de privations. L'excessive élévation des taxes sur le sel, sur les boissons, sur la viande, sur le tabac, etc. condamne le peuple aux plus dures privations, et lui enlève jusqu'à l'espérance du bien-être (Monopole et impôt sel, 1833, p.25): . ... lorsque le jeune homme, qui avait déjà trente ans, vit la misère à l'horizon, il se mit à réfléchir; il se sentait lâche devant les privations, il n'aurait pas accepté une journée sans pain pour la plus grande gloire de l'art. Comme il le disait, il envoya la peinture au diable, le jour où il s'aperçut qu'elle ne contenterait jamais ses larges appétits.
Zola, Th. Raquin, 1867, p.28. Prononc. et Orth.: [pʀivasjɔ
̃]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist.1. a) 1290 «perte, absence d'une faculté, d'un avantage qu'on devait ou pouvait avoir» (Li Livres d'amours de Drouart la Vache, éd. R. Bossuat, 7240); b) 1307 «confiscation (d'un bien)» (Stat. de la maladrerie, A. hospit. de Bernay ds Gdf. Compl.); 2. 1776 plur. «fait d'être privé des choses nécessaires à la vie, soit par un sacrifice volontaire, soit par les circonstances» (Rousseau, Rêveries, IXeprom. ds Rob.). Dér. de priver*; suff. -(a)tion*. Fréq. abs. littér.: 869. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 2008, b) 1206; xxes.: a) 742, b) 889. |