| PRISONNIER, -IÈRE, subst. et adj. I. − Substantif A. − 1. Personne qui est détenue en prison. Synon. captif (moins usuel), détenu, taulard (pop.).Écrouer, incarcérer un prisonnier; amnistier, élargir, libérer, relâcher, relaxer un prisonnier; visiter les prisonniers. Outre la pitance accoutumée, il tenait à la main une botte de paille fraîche qu'il étendit gravement sur la vieille paille, puis il sortit impassible et sans même adresser un regard à sa prisonnière (Janin,Âne mort, 1829, p.163).L'éducation des prisonniers ne devrait pas être négligée (Vidocq,Voleurs, t.2, 1836, p.243). ♦ Prisonnier de droit commun, politique, sur parole. V. droit3et politique1. ♦ Prisonnier d'État. Celui qui est arrêté, qui est enfermé pour une action contraire à la sûreté de l'État, sans avoir été jugé et condamné par un tribunal ordinaire. M. de Nassau se donne les airs d'avoir des prisonniers d'État (Hugo,Rhin, 1842, p.267). 2. En partic. Militaire puni de prison. (Dict. xixeet xxes.). 3. P. ext. Personne qui est prise ou se fait prendre par la police. Faire un prisonnier; passer les menottes au prisonnier; se constituer* prisonnier (Dict. xixeet xxes.). B. − Personne qui est maintenue dans un lieu où elle est privée de liberté d'action et de mouvement. L'aventure des otages américains du Boeing de la TWA a prouvé, en tout cas, que les ravisseurs ont changé radicalement d'attitude envers leurs prisonniers: ils s'attachent désormais à montrer que ceux-ci mènent une existence positivement touristique (Le Canard enchaîné, 3 juill. 1985, p.1, col. 4). − JEUX. V. infra rem.Le jeu consiste à faire prisonniers le plus d'adversaires possible. Tout joueur touché de plein fouet par le ballon devient prisonnier et va se placer à l'arrière du cap adverse (Cl. Aveline, Le Code des jeux, Paris, Hachette, 1961, p.443). C. − Prisonnier (de guerre). Militaire ou membre d'un mouvement de résistance organisé, tombé entre les mains de l'ennemi. Synon. moins usuel captif.Faire des prisonniers; camp de prisonniers; échange de prisonniers; prisonnier sur parole, sur l'honneur. Le rapatriement des prisonniers de guerre allemands, internés en Hollande et en Suisse (Foch,Mém., t.2, 1929, p.310).C'est notre seule communion possible (...) avec les prisonniers et les déportés (...) mais avec toute créature torturée dans son corps ou dans son coeur (Mauriac,Bâillon dén., 1945, p.467).Cette levée en masse, renouvelée de l'époque révolutionnaire, eût procuré, assurément, des effectifs considérables, en dépit du fait que 2 millions et demi d'hommes étaient aux mains de l'ennemi comme prisonniers de guerre, déportés de la Résistance ou requis du travail (De Gaulle,Mém. guerre, 1959, p.29). D. − P. anal. Prisonnier (de qqc.).Personne qui est enfermée dans un genre de vie, dans une situation donnée. Synon. esclave (de).Prisonnier de son succès, de ses idées. S'étendre sur son grabat, c'est à quoi tout prisonnier a recours, et mess Lethierry était le prisonnier du chagrin (Hugo,Travaill. mer, 1866, p.398).Sans leur secours [de certains indices] en effet, ne verrait-on pas inévitablement l'historien (...) devenir aussitôt le prisonnier des préjugés, des fausses prudences, des myopies dont la vision de ces générations mêmes avait souffert (M. Bloch,Apol. pour hist., 1944, p.25): 1. ... je pouvais très bien diviser son séjour chez moi en deux périodes, la première où elle était encore (...) la chatoyante actrice de la plage, la seconde où, devenue la grise prisonnière, réduite à son terne elle-même, il lui fallait ces éclairs où je me ressouvenais du passé pour lui rendre des couleurs.
Proust,Prisonn., 1922, p.173. E. − TECHNOL. ,,Tourillon qui réunit deux pièces articulées et autour duquel s'effectuent leurs mouvements`` (Chesn. t.2 1858); ,,petit organe d'assemblage noyé entre les deux pièces liées`` (Poignon 1967). Les prisonniers sont également des pièces qui saisissent à la fois le patin du rail et la table supérieure de la traverse [métallique] (Bricka,Cours ch. de fer, t.1, 1894, p.343). II. − Adj. Anton. libre. A. − [En parlant d'une pers.] 1. Qui ne jouit pas de liberté de mouvement. La fuite humiliante de Louis XVI l'affligea (...) mais après le retour de Varennes, il se montra assidu auprès du souverain prisonnier (A. France,Étui nacre, Mém. vol., 1892, p.21).Il se mit à marcher de long en large comme une bête prisonnière (Arnoux,Crimes innoc., 1952, p.279). 2. Au fig. Prisonnier de + subst.Qui est enfermé dans un genre de vie, dans une situation, qui est esclave de. Prisonnier de ses habitudes, de son passé, de ses passions. Je ne suis pas prisonnier de ma raison (Rimbaud,Saison enfer, 1873, p.218).Il éprouvait une sorte de honte à fuir, et il souffrait d'être prisonnier d'un scrupule (Martin du G.,Devenir, 1909, p.53).Depuis que je l'aime tant, il me semble que la connaissance désespère en moi de l'amour. Elle est vertueuse, réservée, sage, etc... non pas par l'ordre de ses sentiments; elle est prisonnière de sa vertu, de sa sagesse (J. Bousquet,Trad. du sil., 1936, p.205). B. − [En parlant d'un inanimé concr.] Réduit à l'immobilité, à l'impuissance, enfermé. Retenir prisonnier. Ses cheveux, qu'elle tenait en vain prisonniers sous un lourd bonnet, s'échappaient en tresses tordues (Renan,Souv. enf., 1883, p.118): 2. ... formées à cette époque dans la masse des silicates en voie de cristallisation, elles [ces inclusions] resteront prisonnières dans la précieuse enveloppe verte jusqu'à la fin des temps.
Metta,Pierres préc., 1960, p.79. − TECHNOL. Boulon prisonnier, rivure prisonnière. Boulon, rivure dont la tête est rivée dans un trou conique au lieu de l'être extérieurement. Les plaques [de blindage des navires] sont tenues (...) au moyen de boulons prisonniers ne pénétrant dans la plaque que d'une faible quantité (Croneau,Constr. nav. guerre, t.2, 1892, p.121). C. − [En parlant d'un inanimé abstr.] Prisonnier (de).Enfermé (dans), esclave (de). La vibration est le mouvement prisonnier de la forme (Claudel,Art poét., 1907, p.149).Il perçoit, dans les soudains déchaînements des forces prisonnières en nous, et dans leur criante discordance avec le monde banal, les signes qui lui révèlent l'ampleur de notre être véritable (Béguin,Âme romant., 1939, p.297). REM. Ballon(-)prisonnier,(Ballon prisonnier, Ballon-prisonnier) subst. masc.Jeu de ballon dans lequel les joueurs touchés par le ballon lancé par l'équipe adverse sont considérés comme prisonniers de cette équipe. Cette grande ville qui lui avait fait si peur jusqu'à son entrée dans l'équipe de ballon-prisonnier (S. Signoret,Adieu Volodia, 1985, p.40). Prononc. et Orth.: [pʀizɔnje], fém. [-jε:ʀ]. Ac. 1694, 1718, au masc.; dep. 1740, au masc. et au fém. Étymol. et Hist. 1. a) Subst. 1176-81 prisonier «celui qui a été pris à la guerre» (Chrétien de Troyes, Chevalier Lion, éd. M. Roques, 3299);, 1475 prisonnier de bonne guerre «véritable prisonnier de guerre» (Lettres de Louis XI, éd. von Vaësen et Charavay, t.5, p.387); 1606 prisonnier de guerre (Nicot); 1679 prisonnier d'État (Rich.); 1530 prendre prisonnier (Kunze, p.148); b) adj. 1240-80 cartre prisouniere (Baudouin de Condé, Dits et Contes, 135, 55 ds T.-L.); 1403 gens prinsonniers (Eustache Deschamps, OEuvres, éd. Queux de St Hilaire et G. Raynaud, t.6, p.143, 40); 2. 1845 technol. (Besch.). Dér. de prison*; suff. -ier*. A évincé l'a. fr. prison* «celui qui est pris». Fréq. abs. littér.: 4266. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 7245, b) 5318; xxes.: a) 3505, b) 7002. |