| PRINCIPE, subst. masc. I. A.− [Avec une idée de temps] Origine première d'une chose; début absolu. Synon. commencement.Principe et fin de toute chose. − Dès le principe. Dès le début, dès le commencement. Dès le principe, j'ai vu à quoi cette affaire aboutirait (Ac.1835-1935).La grande intuition de Pasteur (...) ce fut de croire inébranlablement à la spécificité absolue des organismes microscopiques. Il l'affirma dès le principe, et avant même que d'être en mesure de l'établir (Cuénot, J. Rostand, Introd. génét.,1936, p. 75).Ainsi se trouvent conjugués dès le principe le goût du passé et le besoin de faire face au présent et à l'avenir (Philos., Relig., 1957, p. 52-7). − À son principe. À son commencement. [L'architecture tudesque] n'est, à son principe, qu'une imitation de notre vieil art français du commencement du XIIIesiècle (Viollet-Le-Duc, Archit.,1872, p. 393). B.− [À l'idée de commencement s'ajoute l'idée de causalité] Cause efficiente. Principe immatériel, supérieur, suprême, unique, universel; le principe des choses, de l'être, du monde, de l'univers. Dieu est le principe, le premier principe de toutes choses (Ac.1935).Ils font du bien le principe cosmique par excellence, cause génératrice des idées qui déterminent toutes choses (Renouvier, Essais crit. gén.,3eessai, 1864, p. 168): 1. ... Dieu source de tout être, comme premier principe des choses; source de toute vérité, comme lumière intellectuelle des créatures raisonnables; source de toute moralité, comme bien suprême et fin dernière des mêmes créatures.
Théol. cath.t. 4, 11920, p. 1108. − P. anal. Principe spirituel, pensant. [Le journal] contenait entre autres choses trois ou quatre immenses colonnes de métaphysique; c'était des lettres polémiques sur la spiritualité du principe pensant (Michelet, Journal,1834, p. 141).L'homme distinguant en lui-même un principe spirituel et un principe matériel, qu'est-ce autre chose que la nature même, proclamant tour à tour sa double essence, et rendant témoignage de ses propres lois? (Proudhon, Syst. contrad. écon.,t. 1, 1846, p. 16). ♦ P. ext. Chaque peuple possède une âme, principe spirituel qui n'est qu'une émanation de l'instinct naturel (Hist. sc.,1957, p. 1566). − PHILOS., vieilli. [P. réf. aux physiologistes appelés vitalistes] Principe vital. Principe énergétique propre à la vie qui se distingue de l'âme et de l'organisme. Un principe vital qui, du néo-platonisme à la Renaissance et à l'irrationalisme moderne, est conçu comme l'animateur commun du microcosme et du macrocosme (Béguin, Âme romant.,1939, p. 5).Thouless s'accorde avec Rhine pour trouver (...) une nouvelle preuve de l'existence d'un principe vital, voire spirituel, capable d'agir sans intermédiaire physique (Amadou, Parapsychol.,1954, p. 286). − [P. réf. au Manichéisme] Principes du mal et du bien. Principes qui animent l'opposition dans le monde entre le mal et le bien, entre la matière et l'esprit. Les manichéens admettaient deux principes contraires, un principe du bien et un principe du mal (Ac.1835-1935). II. A.− [À propos notamment de causes naturelles] Cause active de quelque chose; élément qui a la propriété de produire certains effets. Principe et conséquence; principe de la chaleur, de l'énergie, de la dynamique, du mouvement; principe de la fièvre. Ce principe d'inquiétude et de mécontentement, capable d'action créatrice, existe dans les replis de l'âme humaine (Vidal de La Bl., Princ. géogr. hum.,1921, p. 203).L'idée magique de supposer en toute chose, vivante et même inanimée, je ne sais quel principe caché de vie (Valéry, Variété IV,1938, p. 113). ♦ Dans son principe; au principe de. À l'origine de; à la source de quelque chose. Peut-être [le Gouvernement] espérait-il que cette mesure, en armant les citoyens les uns contre les autres, étoufferait l'insurrection dans son principe (Balzac, Chouans,1829, p. 8). B.− Élément qui entre dans la constitution ou l'élaboration de quelque chose en raison de ses propriétés. Principe alcalin, azoté, chimique; principe alimentaire, colorant, doux, fertilisant, minéral, nutritif, organique. Selon les philosophes les atomes sont les principes de tous les corps (Ac.1798-1878).Ce principe nouveau (...) est d'une amertume horrible, peu soluble dans l'eau, très-soluble dans les acides (Kapeler, Caventou, Manuel pharm. et drog.,t. 1, 1821, p. 88).On trouve, d'un côté et métaphysiquement, la matérialisation ou plutôt l'extériorisation d'une sorte de drame essentiel qui contiendrait d'une manière à la fois multiple et unique les principes essentiels de tout drame (Artaud, Théâtre et son double,1938, p. 61): 2. ... l'homme a besoin, pour adoucir sa brutalité, pour comprimer son égoïsme, pour détendre son indiscrétion, pour vivifier son objectivité, d'un peu de cette douceur, de ce désintéressement, de cet abandon, de ce sens fervent de la vie, qui sont le meilleur du principe féminin.
Mounier, Traité caract.,1946, p. 157. − BIOL., CHIM. ,,Notion suivant laquelle les corps naturels possèdent des propriétés que ne laissent pas deviner leur simple apparence ou leur manipulation courante`` (Hist. de la sc., 1957, p. 844). Principe actif. ,,Partie composante d'un corps chimique ou d'un médicament, qui lui confère des propriétés particulières`` (Méd. Biol. t. 3 1972). Principes constituants. V. constituant A.Principes immédiats. V. immédiat I A 2 b. III. A.− PHILOS., LOG. ,,Proposition posée au début d'une déduction, ne se déduisant elle-même d'aucune autre dans le système considéré, et par suite mise, jusqu'à nouvel ordre, en dehors de toute discussion`` (Lal. 1968). Synon. prémisse, postulat.Principe absolu, abstrait, indestructible, universel; raisonner par principe; déduction, raisonnement qui repose sur un principe. Je pose comme un principe scientifique que (...) il n'y a pas d'effet sans cause (Cl. Bernard, Princ. méd. exp.,1878, p. 265).L'introspection est l'observation dirigée qui met en évidence l'existence des principes rationnels révélés par la conscience (Hist. sc.,1957, p. 1640). ♦ Pétition de principe. V. pétition B log. − P. ext., usuel. En principe.[En incise, exprimant une réserve sur un événement devant logiquement se produire mais pratiquement restant aléatoire] Synon. logiquement, théoriquement.J'avais demandé à Maurice Blanc de m'envoyer des épreuves de ce livre (...) qui, en principe, devait paraître en Suisse quatre mois avant l'édition française (Gide, Journal,1943, p. 184). B.− 1. P. ext. Notion importante de laquelle dépend tout développement ultérieur en toute connaissance. Synon. loi.Principe central, directeur, essentiel, fécond, général, générateur, incontestable; déduire, découler d'un principe; principes de la constitution, du droit, de la géométrie, de législation, de la mécanique, de la pédagogie, de la philosophie, de la physique, des sciences. C'est ainsi que l'homme d'un esprit supérieur, généralise les idées et saisit les principes premiers, applicables aux diverses sciences (Sénac de Meilhan, Émigré,1797, p. 1578).Nous venons (...) de démontrer métaphysiquement un grand principe de morale et de politique, ou plutôt le principe fondamental de la morale et de la politique (P. Leroux, Humanité,1840, p. 191). 2. Spécialement − Principe + compl. déterminatif ♦ LOG. Principe de causalité. V. causalité A 1 ex. de Cousin.Principe de contradiction. V. contradiction B ex. de Cournot.Principe d'identité. V. identité D 1.Principe du milieu exclu. V. milieu B log.Principe de la raison suffisante. ,,Tout ce qui a raison d'être`` (Foulq.-St-Jean 1962). ♦ PHILOS. [P. réf. à Leibniz] Principe des indiscernables. V. indiscernable II. − Principe + adj. ♦ LOG. Principe logique. Proposition évidente et indémontrable présupposée dans toute opération logique ou déductive. Croce analysait ce mécanisme en invoquant le principe logique de l'indissolubilité du prédicat d'existence et du prédicat de qualification dans le jugement particulier (Marrou, Connaiss. hist.,1954, p. 147). ♦ PHILOS. Principes rationnels. ,,Ensemble des vérités fondamentales, évidentes par elles-mêmes sur lesquelles s'appuient tous les raisonnements`` (Lal. 1968). C.− Loi de portée générale relative à une science, notamment la physique non démontrée mais vérifiée par ses conséquences. Principe aérodynamique de la relativité; principe d'Archimède, de Carnot, de Galilée, d'exclusion de Pauli; principe de l'action et de la réaction, de la conservation de l'énergie; principe de correspondance de Niels Bohr, de décomposition spectrale, de l'inertie, d'incertitude. Ai-je besoin de faire observer que la chute du principe de Lavoisier entraîne celle du principe de Newton. Ce dernier signifie que le centre de gravité d'un système isolé se meut en ligne droite (H. Poincaré, Valeur sc.,1905, p. 197). − P. ext., au plur. Règle élémentaire d'une science. Synon. élément, rudiment.Tu connais les premiers principes de la géométrie? lui demanda-t-il (Verne, Île myst.,1874, p. 125). − Spécialement ♦ PSYCHANAL. [P. réf. à Freud] Principe de plaisir. Conception selon laquelle l'activité de l'enfant est d'abord déterminée par la recherche du plaisir et la fuite de la douleur (d'apr. Foulq.-St-Jean 1962). Principe de réalité. Conception selon laquelle l'expérience de la réalité et l'éducation amènent l'enfant, pour éviter un plus grand mal, à renoncer à certains plaisirs et à supporter certaines douleurs (d'apr. Foulq.-St-Jean 1962). ♦ DR. Principe général du droit. ,,Source non écrite du droit administratif, utilisée par le juge administratif pour juger de la légalité des actes de l'administration`` (Favr.-Vettr. 1981). IV. A.− Norme constituant une référence fondée sur des considérations théoriques, des valeurs sur lesquelles il convient de régler une action ou sa conduite. Synon. loi, précepte, règle.Ces lois (...) non-seulement restreignent nos libertés légitimes, mais nous commandent des actions contraires à ces principes éternels de justice et de pitié que l'homme ne peut cesser d'observer sans dégrader et démentir sa nature (Constant, Princ. pol.,1815, p. 14).En dehors de toute idée religieuse il est bon que l'homme ait un principe moral (Van der Meersch, Invas. 14,1935, p. 144).Et d'abord, j'examine le côté moral de l'affaire. J'estime que la morale est un principe à la base de toutes choses (Aymé, Travelingue,1941, p. 253). − De principe.Fondé sur des considérations théoriques. En 1946, les constituants n'ont pas reculé devant les affirmations de principe (Vedel, Dr. constit.,1949, p. 314). ♦ Accord de principe. Acceptation, accord se fondant sur des considérations générales sans préjuger des modalités pratiques d'exécution. [Les ouvriers français] proposent [à leurs camarades anglais] d'organiser une association ouvrière internationale. L'accord de principe est donné (Cacérès, Hist. éduc. pop.,1964, p. 35). − Par principe.Par respect de la règle fixée; par à priori. Elle avait obtenu de lui les réalités de l'amour plus libéralement qu'il ne les accordait à l'ordinaire, par principe (A. France, Anneau améth.,1899, p. 300).Je suis décidé, par principe, à toute opération destinée à prévenir l'attaque de Vichy contre l'Afrique libre (De Gaulle, Mém. guerre,1954, p. 429). − Pour le principe.Par respect au moins formel de la maxime morale que l'on s'est donnée. Synon. par acquit de conscience.Un jour que je l'admonestais, elle [une chatte] me sauta au visage, sans trop de griffes, mais pour le principe et le protocole (Colette, Chambre d'hôtel,1940, p. 16).Elle a grogné pour le principe quand l'insignifiant article de la petite Bizet a paru (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 167). − Loc. verb. ♦ Avoir pour principe de + inf., que. Avoir pour règle générale de. Il avait pour principe qu'il est certaines choses qu'il ne faut jamais dire aux femmes (Stendhal, L. Leuwen,t. 3, 1835, p. 359). ♦ Ériger, poser en principe qqc./de + inf. Poser, instituer comme règle de. Les deux sectes se font gloire de poser en principe l'inégalité des conditions, d'après les analogies de la nature qui, disent-elles, a voulu elle-même l'inégalité des capacités (Proudhon, Propriété,1840, p. 219). B.− 1. Notion considérée comme fondamentale dans la vie sociale et politique. Combattre pour des principes. Nous passâmes quelque temps à Arcachon et je fus à l'école communale : les principes démocratiques de mon grand-père l'exigeaient (Sartre, Mots,1964, p. 62).Le principe de l'égalité des citoyens touche bien d'autres domaines (Belorgey, Gouvern. et admin. Fr.,1967, p. 187). 2. Au plur. Règles morales. Manquer, faire une entorse à ses principes; être nourri dans les principes; sacrifier aux grands principes (fam.). Il m'a été dit que vous manquiez de religion, et je vous déclare que je ne donnerai jamais ma fille à un homme sans principes (Sand, Mllede La Quintinie,1863, p. 167).[Cette vieille tante Rose] avait l'air d'une bonne femme d'autrefois, d'une femme à principes et à préceptes (Maupass., Contes et nouv.,t. 1, Nos lettres, 1888, p. 1104). − Loc. verb. ♦ Être à cheval sur les principes. V. cheval B 3. ♦ Il n'est pas dans les principes (de qqn) de + inf. Il n'est pas dans les habitudes ou les convictions morales de quelqu'un de. Il n'est pas dans mes principes d'opposer de simples inductions à des charges directes (Marat, Pamphlets,À ses concitoyens élect., 1792, p. 327). REM. Principiant, -ante, adj.,hapax. [Corresp. à supra I A] La loi étant l'expression d'une volonté souveraine, principiante et causatrice, la politique, le gouvernement des états a été un art, quelque chose d'arbitraire, non une science (Proudhon, Créat. ordre,1843, p. 92). Prononc. et Orth. : [pʀ
ε
̃sip]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. A. 1. Fin xiies. principle « point de départ, commencement » (Prise d'Orange, éd. Cl. Regnier, 1161); 1803 dès le principe (Chateaubr., Génie, t. 2, p. 363); 2. ca 1265 « origine, source, première cause » (Brunet Latin, Trésor, II, 44, éd. F. J. Carmody, p. 212); 3. fin xiiies. « cause, motif » (Mahieu Le Vilain, Les Metheores d'Aristote, éd. R. Edgren, 49, 2); 4. a) 1636 phys. « ce qui compose les choses matérielles » (Monet); b) 1680 chim. « éléments simples et indécomposés » (Rich. t. 2). B. 1. Ca 1245 « notion fondamentale qui est à la base d'une science » (Henri d'Andeli, IV, 230 ds T.-L.); 2. 1370 « vérité fondamentale sur laquelle s'appuie le raisonnement » principes mathématiques (Oresme, Ethiques, I, 10, éd. A. D. Menut, p. 123); 3. 1611 « premières règles d'un art » (Cotgr.). C. 1. 1351 « règle de conduite » (Ordonnances des Rois de France, t. 2, p. 440); 2. 1590 « règle d'action s'appuyant sur un jugement de valeur » (Montaigne, Essais, II, 12, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, p. 520); 3. 1688 « règles de morale » (La Bruyère, Les Caractères, Des Femmes, 54, éd. G. Servois, II, p. 100); 1742 des femmes sans principes (Crebillon Fils, Le Sopha, p. 140). II. Loc. A. 1755 par principe (Montesquieu, L'Esprit des lois, t. 2, p. 32). B. 1789 de principe (Sieyès, Tiers état, p. 90). C. 1792 en principe (Robesp., Discours, Subsist., t. 9, p. 115). Empr. au lat. principium « commencement », « fondement, origine », au plur. « les éléments », dér. de princeps « qui occupe la première place » Fréq. abs. littér. : 12 403. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 26 586, b) 12 995; xxes. : a) 12 227, b) 15 745. Bbg. Dub. Pol. 1962, p. 383. − Quem. DDL t. 13, 29. − Vardar Soc. pol. 1973 [1970], pp. 292-293. |