| PRÉMICES, subst. fém. plur. A. − 1. HIST. RELIG. Dans l'Antiquité, premiers fruits de la terre, premiers nés d'un troupeau, destinés aux offrandes religieuses. Les victimes immolées, signes d'abondance dont les prémices appartenaient aux dieux (...) il fallait oublier tout cela [dans le christianisme] (Nerval, Chât. Bohême, Annexes, 1855, p.231).[L'Athénien] a le culte des morts et il les craint. Une de ses lois l'oblige à leur offrir chaque année les prémices de sa récolte; une autre lui défend de prononcer un seul mot qui puisse provoquer leur colère (Fustel de Coul., Cité antique, 1864, p.277): 1. Déjà, dans l'Antiquité, les malheureux s'approchaient des sources. Ils arrivaient les bras chargés de prémices: fruits fondants et tendres agneaux, épis roux glacés de rosée, vin rare ou lait pur, et, les déposant au bord des eaux sacrées, ils élevaient là ce soupir de la misère humaine, aussi naturel à la créature que le souffle lui-même.
Pesquidoux, Chez nous, 1921, p.126. − Rare. Présent, butin remis en offrande, en remerciement. Après la bataille [de Salamine] on offre en prémices aux dieux trois navires captifs (Taine, Philos. art, t.2, 1865, p.201). − P. anal. [Dans certains cultes] Part de nourriture prélevée au début du repas et offerte aux divinités. Les Tartares qui habitent à l'orient de l'Imaüs, adorent le soleil, la lumière, le feu, la terre, et offrent à ces divinités les prémices de leur nourriture (Dupuis, Orig. cultes, 1796, p.22).Avant de manger, on déposait sur l'autel les prémices de la nourriture; avant de boire, on répandait la libation de vin (Fustel de Coul., Cité antique, 1864, p.24). 2. P. ext. Premiers fruits de la saison, premières fleurs du printemps donnés en offrande. J'ai couru chercher des violettes sur un tertre donnant au soleil. Ce sont les premières que nous ayons vues. J'en mets une ici, que je t'offre comme les prémices du printemps du Cayla (E. de Guérin, Journal, 1838, p.168).[La cuisine] regorgeait des offrandes du crémier, du fruitier, de la marchande de légumes, venus parfois de hameaux assez lointains pour lui dédier les prémices de leurs champs (Proust, Swann, 1913, p.72). 3. P. anal. Premières réalisations d'un artisanat, d'une industrie. [Il] ne se sert à sa table que de linge, d'assiettes et d'ustensiles provenant de manufactures américaines, dont les entrepreneurs s'empressent de lui envoyer les prémices (Crèvecoeur, Voyage, t.3, 1801, p.260): 2. M. Pr. a épousé, en secondes noces, une femme de vingt-cinq ans, d'une beauté remarquable, et qu'il aime à l'idolâtrie. Toute jeune qu'elle est, son caractère l'est encore davantage, et la toilette est la seule affaire de sa vie (...); Sensier, tous les six mois, remonte ses parures de diamans et de perles; Leroi lui fait hommage des prémices de son industrie...
Jouy, Hermite, t.1, 1811, p.195. 4. Région. (Belgique), RELIG. CATH. Prémices sacerdotales. ,,Première messe solennelle d'un prêtre`` (Piron Belgique 1978, p.54). B. − Au fig. 1. Littér. Début, commencement. Je ne sais trop pourquoi on veut voir dans l'automne les prémices de l'anéantissement; pour moi, il me semble qu'alors la vie me donne à signer un nouveau bail (Green, Journal, 1940, p.20).Le tennis a beau se développer de par le monde, c'est toujours vers Wimbledon (...) que se tournent, aux prémices de l'été, tous les regards (Jeux et sports, 1967, p.1378). 2. Première manifestation, premier résultat d'un processus, d'un phénomène. Dès les prémices de la crise économique elle [l'édition] devait en subir les contre-coups, d'autant plus qu'elle portait en elle-même de quoi se nuire (Arts et litt., 1936, p.84-9).Needham, à qui il [Spallanzani] s'empresse de communiquer les prémices de ses recherches, s'en déclare pleinement satisfait (J. Rostand, Genèse vie, 1943, p.52). 3. Avoir les prémices de (littér.).Avoir la primeur de. [Santeul] passe par la place Maubert, et les harengères du lieu, qui le connaissent et qui aiment à l'attaquer, ont quelquefois les prémices de la pièce de vers du matin (Sainte-Beuve, Caus. lundi, t.12, 1855, p.28).Dès les répétitions, «l'acclamation fut générale». Alors seulement il se nomma. L'intendant des menus voulut que le roi eût les prémices du chef-d'oeuvre (Guéhenno, Jean-Jacques, 1950, p.50). Prononc. et Orth.: [pʀemis]. Homon. prémisse. Ac. 1694, 1718: pre-; dep. 1740: pré-. Étymol. et Hist. 1. 1remoit. xiies. primices «premiers fruits de la terre ou du bétail» (Psautier Cambridge, 104, 36 ds T.-L.); id. «premières productions du travail» (Psautier Oxford, 77, 56, ibid.); 2. 1174-78 premice «impôt, sorte de dîme» (Étienne de Fougères, Livre des Manières, éd. R. A. Lodge, 606); 3. 2emoit. xiiies. fig. «premières jouissances» (Rutebeuf, Les Neuf joies Nostre Dame, éd. E. Faral et J. Bastin, II, p.250). Empr. au lat. eccl. primitiae «premiers fruits de la terre, du bétail», «commencement, début» avec un changement de i en é dû sans doute au lat. praemissa (v. prémisse). Fréq. abs. littér.: 104. |