| POUTRE, subst. fém. A. − Pièce de bois équarrie de grandes dimensions, sur laquelle s'appuient les solives de la charpente, ou de la coque du plancher d'un bâtiment, d'un navire, d'un pont ou d'une autre construction. Poutre énorme, vermoulue; poutre centrale; forte, grande, grosse, vieille poutre; plafond à poutres apparentes; poutre en châtaignier, en chêne. Les murs mal tapissés et les poutres noires de la salle à manger (Soulié, Mém. diable,t.2, 1837, p.94).Pas de clous haut plantés aux poutres du grenier, pas de corde, quoiqu'on se pende beaucoup à la campagne (Giono, Baumugnes,1929, p.196): . Vaisseau désemparé qui ne gouverne plus,
Il roule, vain jouet du flux et du reflux, (...)
Il tangue, abandonné tout seul sur les grands flots.
La mer autour de lui se soulève et le roule;
Et chaque lame arrache une poutre à ses flancs
Dierx, Poèmes,1864, p.86. ♦ Maîtresse(-)poutre ou poutre(-)maîtresse. Poutre principale. La maîtresse poutre sur laquelle reposait le toit et qui supportait les solives (Balzac, Méd. camp.,1833, p.100).La poutre maîtresse est à moitié pourrie, et il manque passablement de tuiles. Tout cela peut tomber d'un moment à l'autre (Bosco, Mas Théot.,1945, p.317).V. cartel1B 2 ex. de Colette et infra ex. de Bourde. ♦ CONSTR. Jambe sous poutre. Chaîne de pierre de taille mise dans un mur pour soutenir la poutre. (Ds Littré, Lar. Lang. fr.). ♦ [P. allus. à l'Évangile (Matth. vii, 4)] Voir une paille* dans l'oeil de son voisin et ne pas voir une poutre dans le sien. − GYMN. Poutre rectangulaire, longue de cinq mètres et large de dix centimètres, reposant à l'horizontale sur deux montants fixes ou à hauteur variable et constituant l'un des trois agrès féminins (d'apr. Petiot 1982). Sur la poutre, la femme exécute une série d'exercices d'équilibre dont la plasticité émerveille (Eyquem, La Femme et le Sport,1944ds Petiot 1982). B. − P. anal. Élément de charpente d'une matière très résistante (métal, béton précontraint, etc.), de forme allongée, qui sert de support à une construction. Le plafond, coupé transversalement par de fortes poutres de pierre faisant corps avec les piliers (Du Camp, Nil,1854, p.140).Ces ponts sont généralement en acier et à treillis, afin de diminuer l'influence du vent (...) Généralement, il n'existe que deux poutres maîtresses latérales portant tout le poids du pont en charge (Bourde, Trav. publ.,1929, p.304). C. − P. ext. Grosse barre de bois. La salle [de l'Assemblée nationale] est d'une laideur rare. Des poutres au lieu de colonnes, des cloisons au lieu de murailles (Hugo, Choses vues,1885, p.194). REM. Poutraison, subst. fém.,constr. Assemblage de poutres et poutrelles qui forment la charpente. Des poutraisons de planchers, platelages, passerelles ou ponts (Campredon, Bois,1948, p.115). Prononc. et Orth.: [putʀ
̭]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. Fin xiiies. le poutre (Walter de Bibbesworth, Traité sur la langue fr., 944 ds T.-L.); 1385 une poultre (doc. Arch. nat. MM 31, fol. 1 vods Gdf. Compl.). Empl. métaph. (cf. bélier, chevalet, chèvre, chevron, sommier,...) de l'a. fr. poutre, subst. fém. «jeune jument» (ca 1180 Proverbe au vilain, éd. A. Tobler, 264: juene poutre), «poulain» subst. masc. (1216 Guillaume le Clerc, Fergus, 12, 33 ds T.-L.), encore relevé dans divers dial. (FEW t.9, p.530a), tiré, par apocope du suff. dimin., du subst. fém. *poutrelle «jeune jument» (d'où le masc. a. fr. poutrel «poulain», ca 1150 poitrel, Thèbes, éd. G. Raynaud de Lage, 4711; ca 1160 poltrel, Eneas, 3935 ds T.-L.), lui-même issu du subst. fém. b. lat. pŭltrella «jeune jument» (Capitulare de villis, §§ 14 et 65). Pŭltrella serait issu de *pulĭtrella, dimin., faisant fonction de fém. [cf. puer, puella], du subst. masc. b. lat. pŭllĭtru «jeune cheval», d'abord adj. (Varron, De re rustica, 3, 9, 9: potius vetulis quam pullitris [sc. gallinis]) puis subst. (vies. Loi salique ds Nierm.), FEW t.9, pp.531b-533b. D'apr. Lat. Gramm., I, 5eéd., 1963, p.220, pŭllĭtru serait issu du pullus «petit d'un animal» d'apr. vĕtŭlus «un peu vieux»: *pŭllĕtŭlus, *pŭllĭtulus, *pŭllĭtlus, d'où *pŭllĭtrus par dissimilation. D'apr. M. Niedermann, Contribution à la critique... des gl. lat., p.30, il serait dér. de pullus à l'aide du suff. dont est formé porcetra «truie qui n'a mis bas qu'une fois» (en faveur de cette 2ehyp., REW36825, EWFS2). Au terme de son évol. sém., poutre au sens de «longue pièce de bois» a évincé l'a. fr. tref, lat. trabs, trabis «poutre» (travée*), v. K.J. Jud ds Arch. St. n. Spr. t.120, 1908, pp.72-95. Fréq. abs. littér.: 705. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 652, b) 1500; xxes.: a) 1335, b) 833. Bbg. Archit. 1972, p.59. _Darm. Vie 1932, p.66, 109. |