| POSTULER, verbe I. − Empl. trans. A. − Demander, réclamer. J'espère bien (...) qu'il [un enfant trouvé] ne sera postulé par personne (Hugo,N.-D. Paris,1832, p.167).Ils peuvent postuler un prêt d'équipement avec des chances raisonnables de l'obtenir (Jocard,Tour. et action État,1966, p.199). − En partic., usuel [Le compl. d'obj. désigne un emploi, un poste, un titre] Synon. être candidat* à (qqc.).Postuler la place d'inspecteur de marée à la halle de Paris (Marat,Pamphlets, À ses concitoyens élect., 1792, p.331).Un diplôme donnant droit de postuler un emploi de professeur dans un établissement public d'enseignement (Encyclop. éduc.,1960, p.75). Rem. On rencontre la constr. trans. indir. postuler à, pour (un emploi): Un candidat à la fonction publique ne peut être retenu que s'il possède des aptitudes techniques à l'emploi pour lequel il postule (ibid., p.288). B. − [Corresp. à postulat I A] 1. [Dans divers domaines] a) MATH., LOG. Poser explicitement une proposition qui ne fait pas l'objet d'une démonstration et demander qu'on l'admette. Il suffit de rejeter le postulat d'Euclide et de postuler que par deux points on peut faire passer une infinité de droites, pour avoir l'espace riemannien avec toutes ses propriétés (Ruyer,Esq. philos. struct.,1930, p.264).Euclide prend soin de postuler l'existence du cercle, et de démontrer celle du triangle équilatéral, des parallèles, du carré, etc. (Bourbaki,Hist. math.,1960, p.25). b) SC., PHILOS. Admettre à titre d'hypothèse dans une recherche, une théorie. Planck a essayé de conserver l'émission par quanta sans postuler l'absorption par quanta (L. de Broglie, Théorie quanta,1959, p.90): 1. ... il est légitime de postuler que la pénétration d'unités virales étant le résultat de la destruction après fixation des récepteurs cellulaires, la disparition desdits récepteurs entraîne l'imperméabilité de la cellule à de nouvelles unités...
P. Morand,Confins vie,1955, p.132. ♦ Empl. pronom. passif. Les causes, en histoire pas plus qu'ailleurs, ne se postulent pas. Elles se cherchent (M. Bloch, Apol. pour hist.,1944, p.103). 2. P. ext. a) [Le suj. désigne une pers.] Admettre de façon plus ou moins implicite. Poser la question, c'est postuler qu'il y a «quelque chose», c'est tomber dans le traquenard métaphysique... Non! il faut accepter les limites du connaissable (Martin du G.,Thib., Épil., 1940, p.964): 2. «Les excitations affectives (...) sont produites par des associations de pensées... Ces associations superficielles font affleurer des souvenirs plus profonds, ce qui explique l'émotion devant les couleurs». (...) N'est-ce pas cela que postulait Delacroix remarquant dans son journal, au 2 janvier 1853, que la couleur «augmente l'effet du tableau par l'imagination»?
Huyghe,Dialog. avec visible,1955, p.272. ♦ [P. méton. du suj.] La liberté est postulée par la science. Elle apparaît à la conscience par le jeu même du déterminisme (Blondel,Action,1893, p.124).Sa poésie est profondément mystique (...). Thibaudet écrivait l'autre jour qu'elle postule une métaphysique (Mauriac,Myst. Frontenac,1933, p.164). b) [Le suj. désigne une chose] Avoir pour condition d'existence, de succès, de réalisation. Synon. présupposer, réclamer, requérir, impliquer.Cette perfection des formes postule leur immobilité hors du temps (Huyghe,Dialog. avec visible,1955p.190).La décentralisation (...) postule un gros effort d'organisation (Univers écon. et soc.,1960, p.42-17): 3. Si la révolution, victorieuse et en possession de gages territoriaux, avait temporisé jusqu'à l'époque du second partage de la Pologne, n'aurait-elle pas obtenu la paix d'une coalition disloquée (...)? (...) telle était (...) la perspective qu'envisageait Danton (...) mais cette solution postulait que, dans l'intervalle, on résistât à l'enivrement de la victoire qui poussait à la guerre de propagande...
Lefebvre,Révol. fr.,1963, p.283. II. − Empl. intrans., DR. Représenter une partie devant un tribunal et faire, pour elle, les actes de la procédure que requiert le déroulement de l'instance. Les avoués ont le droit exclusif de postuler et de prendre des conclusions devant la juridiction près de laquelle ils sont établis (Nouv. rép. de dr., Paris, Dalloz, 1962, p.31). REM. Postulateur, subst. masc.,dr. canon. Prêtre chargé de poursuivre une canonisation devant le tribunal ecclésiastique (d'apr. Lar. 19e-20e). Roselly de Lorgues, postulateur de la cause de Christophe Colomb auprès de la simoniaque Congrégation des rites (Bloy,Journal,1900, p.266). Prononc. et Orth.: [pɔstyle], (il) postule [pɔstyl]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist.1. Intrans. xiiies. [ms.] dr. (Digestes, ms. Montpellier H 47, fol. 31a ds Gdf. Compl.: cil parlers en jugement si est apeles postuler); 2. trans. a) α) ca 1355 «solliciter, faire des démarches pour obtenir quelque chose» (Bersuire, Tite-Live, ms. BN fr. 20312 ter ds Gdf. Compl.);
β) av. 1399 relig. «demander à l'autorité ecclésiastique la dispense d'un empêchement canonique pour une élection» (Jean d'Outremeuse, Myreur des histors, livre III, éd. A. Borgnet, t.3, p.197); b) 1843 [éd.] log. «poser en postulat» (Proudhon, Créat. ordre, p.294). Empr. au lat. postulare «demander (souhaiter), réclamer; demander en justice» (v. OLD) qui a pris en lat. chrét. le sens d'«élire un évêque» et au xiies. celui d'«élire quelqu'un qui occupe ailleurs un évêché» (v. Nierm. et Blaise Latin. Med. Aev.) et qui est dér. de poscere «demander, réclamer». Comme terme de log. postuler est un dér. régressif de postulat*, dés. -er (cf. aussi to postulate «id», en 1646, en angl., v. NED). Fréq. abs. littér.: 122. Bbg. Jessen (H.). Pragmatische Aspekte lexikalischer Semantik. Tübingen, 1979, p.159. _Quem. DDL t.10. |