| PORTEFEUILLE, subst. masc. A.− Étui, de dimensions variables, formé essentiellement de deux parties qui se replient l'une sur l'autre. Portefeuille de/en basane, en cuir, en maroquin. 1. Cet étui, de grandes dimensions a) servant à des usages divers. La nacelle [du ballon] (...) doit présenter une capacité suffisante pour contenir (...) des soutes pour les sacs de lest, (...) les portefeuilles pour les papiers et les cartes (Marchis, Nav. aér.,1904, p. 408).Il porte un chapeau haut de forme et un portefeuille à chaîne de cuivre, comme les messieurs qui viennent présenter les traites (Duhamel, Notaire Havre,1933, p. 149). − servant de serviette, de cartable (vieilli). Nos portefeuilles sous le bras, nous suivions ensemble, selon la coutume, la rue du Cherche-Midi et la rue des Saints-Pères (A. France, Vie fleur,1922, p. 388). − servant aux peintres et aux collectionneurs pour conserver des dessins et gravures, ou aux écrivains et aux musiciens pour conserver des manuscrits. Les portefeuilles de cartes géographiques provenant des collections de Saint-Victor, de Saint-Germain et d'autres sources anciennes, renferment environ vingt-cinq mille pièces (Jomard, Consid. sur coll. cartes géogr.,1831, p. 48).Il me demande si je l'aime, et avec son cœur il m'ouvre bientôt son tiroir, son portefeuille. Il me lit son poëme, il le lit à plusieurs autres (Sainte-Beuve, Pensées,1868, p. 59): 1. ... le regardant aller et venir dans l'atelier, avec son vieux vêtement de travail, mal peigné, pas rasé, et son gros mouchoir rouge au cou. Il allait et venait, sans raison, passant de sa toile à son portefeuille...
Ramuz, A. Pache,1911, p. 193. ♦ P. méton. Collection de dessins. Le comte de Barck, dont toute la fortune consistait en un portefeuille de merveilleux dessins anciens, qui lui appartenaient on ne sait comment (Goncourt, Journal,1869, p. 525).P. anal. Il avait amassé tout un portefeuille débordant d'idées et de plans (Zola, Argent,1891, p. 59). ♦ (Avoir, conserver, garder) en portefeuille. Par devers soi, en réserve. Comment! tu as fini Saint Antoine! Eh bien, faut-il s'occuper de l'éditeur, puisque tu ne t'en occupes pas? Tu ne peux pas garder cela en portefeuille? (Sand, Corresp.,6, 1872, p. 259).Il ne me laisse pas même le temps de me récuser et de lui faire observer quelle est son audace de réclamer à l'indigne, quarante vers, − lorsqu'il a en portefeuille le Stigmate superbe et achevé, de la longueur désirable!! (Valéry, Corresp.[avec Gide], 1891, p. 48).P. anal. Tu es amoureux (...) Je ne t'en veux pas... C'est de ton âge. La nature t'a donné un cœur, ce n'est pas pour le garder en portefeuille (Labiche, Prem. pas,1862, 5, p. 253). − servant aux ministres pour ranger et transporter des documents officiels. Un valet de pied, les bras croisés, qui tenait sur ses genoux le cartable du collégien, un vrai portefeuille de ministre en chagrin marron (Zola, Curée,1872, p. 409).V. indien ex. 5. ♦ P. méton. Fonction de ministre, ministère. Portefeuille des affaires étrangères, de la guerre; portefeuille de sous-secrétaire d'État; accepter, conserver, obtenir un portefeuille. Il y a chez lui suffisance bien rare, et même effronterie, à se présenter ici. Il y paraissait avant d'arriver au ministère; mais le portefeuille change tout, noie tous les intérêts d'un homme (Stendhal, Rouge et Noir,1830, p. 384).En 1839, Blanqui et Barbès, agissant de concert, et comptant sur l'adhésion du peuple, entreprennent, par un hardi coup de main, de mettre un terme au scandale de la guerre des portefeuilles, qui, dès la première année du règne, affligeait, déshonorait le pays (Proudhon, Confess. révol.,1849, p. 146).Malgré son absence de liens avec le domaine politique proprement dit, le tourisme pourrait faire l'objet d'un portefeuille ministériel, au même titre que la santé publique ou les postes et télécommunications (Jocard, Tour. et action État,1966, p. 30).Remettre, rendre son portefeuille. Démissionner de ses fonctions de ministre. S'il était vraiment patriote, sentant son incapacité, il aurait remis son portefeuille le premier jour de son avènement au ministère, ou plutôt il ne l'eût point accepté (Marat, Pamphlets,Aux bons Fr., 1792, p. 322).Le 14 mars 1917, excédé des luttes journalières auxquelles la politique le condamnait, il [Lyautey] rendit son portefeuille (Joffre, Mém.,t. 2, 1931, p. 442).Ministre* sans portefeuille. b) P. méton.
α) BOURSE, FIN. Ensemble des valeurs mobilières détenues par une personne physique ou morale. Gérer un portefeuille. La banque cessa de prendre des effets à l'escompte, en même temps qu'elle encaissa ceux de son portefeuille dont l'échéance arrivait journellement (Say, Écon. pol.,1832, p. 274): 2. ... il n'hésita pas à féliciter mon père de la « composition » de son portefeuille « d'un goût très sûr, très délicat, très fin ». On aurait dit qu'il attribuait aux relations des valeurs de Bourse entre elles, et même aux valeurs de Bourse en elles-mêmes, quelque chose comme un mérite esthétique.
Proust, J. filles en fleurs,1918, p. 454. Avoir, prendre en portefeuille. Ils ont en portefeuille des actions des chemins de fer, des actions des mines, des actions des aciéries et des tissages (Jaurès, Ét. soc.,1901, p. 269).La Banque de Londres, comme les financiers du continent, se pliait dans une certaine mesure aux besoins du trésor public, prenant en portefeuille des Exchequer Bills et les bons de caisse des ministres (Lefebvre, Révol. fr.,1963, p. 34).♦ Portefeuille commercial. ,,Ensemble des effets de commerce escomptés par une banque`` (Phél. 1975). La contrepartie principale de la circulation fiduciaire, c'est-à-dire le portefeuille commercial, étant bloquée, la banque se trouve dans l'impossibilité de freiner les demandes de remboursement de billets (Baudhuin, Crédit et banque,1945, p. 43). ♦ Portefeuille-titres. Synon. de portefeuille.Il en va de même pour le portefeuille-titres, généralement inventorié à sa valeur nominale ou d'acquisition, ou même au-dessous (Baudhuin, Crédit et banque,1945p. 164). ♦ Portefeuille-effets. ,,Ensemble des effets de commerce détenus par une société; ensemble des effets de commerce et des effets financiers détenus par une banque ou un établissement financier`` (Gestion fin. 1982). Dans certains pays, les banques comprennent dans leur portefeuille-effets les bons du trésor ou autres valeurs d'État à court terme, pouvant être réescomptés par l'institut d'émission (Baudhuin, Crédit et banque,1945p. 171). ♦ Société à/de portefeuille. ,,Société dont l'objet est l'acquisition et la gestion d'un portefeuille`` (Combe-Cusset 1974). Ainsi définies, les banques d'affaires semblent s'identifier avec les sociétés à portefeuille en général, et en particulier avec les holdings (Baudhuin, Crédit et banque,1945p. 187).
β) ASSUR. ,,Ensemble des contrats qu'un agent d'assurances a fait souscrire et dont il continue à percevoir les primes pour le compte de la compagnie, en prélevant sa commission d'encaissement`` (cida 1973). P. méton. Augustin revint, un jour, du lycée avec Appiat, externe maintenant, son père ayant transporté au chef-lieu son portefeuille d'assurances et agence d'affaires (Malègue, Augustin,t. 1, 1933, p. 117).
γ) Répertoire des clients et des produits qu'on peut leur proposer. Après une période de formation à nos produits et à nos techniques de vente leur rôle sera : De développer et de gérer un portefeuille clients (Le Point,27 févr. 1978, p. 96, col. 2). 2. Cet étui, de petites dimensions, muni de compartiments, que l'on porte sur soi et dans lequel on range des papiers, des cartes, des billets de banque. Portefeuille en crocodile, en matière plastique. Le portefeuille, dans lequel se trouvait la lettre de crédit de cinq millions cinquante mille francs, était bien dans la poche de sa redingote (Dumas père, Monte-Cristo, t. 2, 1846, p. 737).Pinette se redressa, fouilla dans la poche de sa veste et sortit une photo de son portefeuille (Sartre, Mort ds âme,1949, p. 77): 3. Sept ans après avoir acquis notre fonds, vous ne le croiriez pas, docteur, je mettais encore mes billets dans une vessie de porc : la vieille m'a payé mon premier portefeuille en 1895. Un portefeuille tout plein, tout rond, plein à faire péter la couture, voilà qui vous chauffe le cœur d'un homme.
Bernanos, M. Ouine,1943, p. 1398. ♦ Avoir le portefeuille bien garni. Avoir beaucoup d'argent. Cette idée le tourmenta pendant quelque temps et lui gâcha son plaisir, d'aller faire un petit voyage avec le portefeuille bien garni (Queneau, Pierrot,1942, p. 122). ♦ Faire appel au portefeuille de qqn. Demander de l'argent à quelqu'un. V. chéquier dér. s.v. chèque ex. ♦ Mettre la main au portefeuille. Se préparer à payer, dépenser de l'argent. M. Rezeau met la main au portefeuille, entre avec nous aux Dames de France, rue d'Alsace (comme ces noms flattent l'oreille!). On achète en courant une cravate bleue et une paire de souliers jaunes (H. Bazin, Vipère,1948, p. 142). B.− P. compar. ou p. anal. 1. Mettre/faire un lit* en portefeuille. 2. a) Pop. Lit. Je proposai alors à la société de se mettre dans le porte-feuille; chacun fut de mon avis, nous nous couchâmes (Vidocq, Mém.,t. 2, 1828-29, p. 108).Il arrivait un moment où le papillonnement de toutes ces histoires me donnait envie de dormir, et je montais à ma chambre me mettre dans mon portefeuille comme disait mon père. Dès que je tombe dans le lit, je dors (Giono, Chron.,Noé, 1947, p. 52). b) COUT., empl. en appos. avec valeur d'adj. (Vêtement féminin, se fermant sur le devant, ou pli) dont les extrémités se superposent. Ensemble de crêpe mat composé d'une robe portefeuille longue et d'une veste (Jardin des modes,janv. 1951, p. 28).La jupe évasée idéale, portefeuille, droit fil dans le dos et en biais devant (Elle,19 nov. 1951, p. 29). REM. Portefeuilliste, subst.,fin. Employé(e) de banque qui s'occupe de la gestion du portefeuille des clients. Impte Sté rech. pr postes stab. : (...) portefeuilliste, réf. bancaire (Le Monde,10 mai 1963, p. 18, col. 7). Prononc. et Orth. : [pɔ
ʀtəfœj]. Ac. 1694; portefeuille; 1718-1762 : porte-feuille; dep. 1798 : portefeuille. V. porte-. Étymol. et Hist. I. 1. a) 1544 « cartonnage plié en deux, recouvert de peau ou d'étoffe, formant des poches pour serrer des papiers » Boetes de carton, toutes sortes de portefeuilles (Statuts des papetiers, Corporation de Rouen, 706, Ouin-Lacroix ds Delb. Notes mss); b) av. 1778 « œuvres qu'un écrivain n'a pas encore achevées ou publiées » (Volt., Dial., 4 ds Littré); c) 1796 « grand carton à dessin utilisé par les peintres, les dessinateurs » (Dusaulx, Voy. Barège, t. 1, p. 333); cf. 1797 le porte feuille de ce peintre (Voy. La Pérouse, t. 4, p. 166); d) 1885 « cartable d'écolier » (A. France ds Lar. Lang. fr.); 2. 1824 « étui de cuir où l'on range les billets de banque, les papiers d'identité » (Balzac, Annette, t. 1, p. 111); 3. 1828-29 pop. « lit » (Vidocq, loc. cit.). II. 1. Av. 1755 « ensemble des effets de commerce et des valeurs mobilières détenues par un particulier ou une société » (St-Sim., 226, 32 ds Littré); 2. 1741 « département ministériel » (Argenson, Journ., III, p. 362 ds Brunot t. 6, p. 441, note 4); cf. 1749 le portefeuille des fermes générales (Id., ibid., VI, 81, ibid.); en partic. 1835 ministre sans portefeuille (Ac.). Comp. de l'élém. de compos. porte-* et de feuille*. Fréq. abs. littér. : 999. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 445, b) 2 079; xxes. : a) 1 187, b) 1 186. Bbg. Bierbach 1982, p. 328. − Darm. 1877, p. 161. − Dub. Pol. 1962, pp. 381-382. − Gall. 1955, p. 330. |