| PORT1, subst. masc. A. − 1. Lieu aménagé sur le littoral maritime, sur le bord d'un lac ou en certains endroits d'un cours d'eau important, pour recevoir et abriter les bateaux et leur permettre de charger et de décharger ce qu'ils transportent. a) [Sans déterm. spécificateur] Bon, petit port; port actif, moderne; les quais d'un port; lieutenant de port; creuser un port. Il ne faut pas vous étonner que le capitaine de ce bâtiment s'adresse à vous dans sa langue, probablement parce qu'il ne sait pas la nôtre, comme cela pourrait nous arriver à tous si nous venions à mouiller dans un port inconnu (Nodier,Fée Miettes, 1831, p.114).Les autorités du port avaient constaté la veille sans plaisir que des mines flottantes à renversement circulaient dans le chenal (Maurois,Sil. Bramble, 1918, p.105): 1. Le port est un vieux vase où croupissent les vagues
Mortes là, en sautant le mur trop haut des digues.
Cocteau,Poèmes, 1916-23, p. 153. [Dans un cont. métaph.] Je m'élançai seul sur cet orageux océan du monde, dont je ne connoissois ni les ports, ni les écueils (Chateaubr.,Génie, t.1, 1803, p.423).SYNT. Grand port; port étroit, vaseux; port désert, important; port fermé, ouvert; port asiatique, français, méditerranéen; chenal d'accès, entrée, fond, passe d'entrée d'un port; bassins, docks, entrepôts, quartiers du port; activité, administration, construction, création, développement, entretien, équipement, exploitation, outillage, trafic d'un port; capitaine, capitainerie, direction d'un port; frais, taxe de port; bloquer, bombarder, consigner, draguer, visiter un port; débarquer, faire escale, relâcher dans un port; sortir d'un port. [Suivi d'un n. propre introd. par de] Port d'Écosse, de la Méditerranée; port de Marseille, de Paris, de Shanghaï. Vieilli. [Suivi d'un n. propre en appos.] Ce grand navigateur, en 1519, partit avec cinq bâtiments, suivit les côtes de la Patagonie, découvrit le port Désiré, le port San-Julian, où il fit de longues relâches (Verne,Enf. cap. Grant, t.1, 1868, p.71).Port assuré (vieilli). Port offrant toutes garanties de sécurité. La Louisiane ne saurait être d'une grande utilité à la France, et sur-tout à la marine, puisqu'elle n'offre aucun port assuré pour y contenir les vaisseaux (Baudry des Loz.,Voy. Louisiane, 1802, p.342).[P. métaph., parfois dans un cont. métaph.] Ces retraites sacrées [les monastères], loin d'offrir un port assuré à nos inquiétudes, ne seroient plus que des lieux où nous viendrions pleurer un moment l'inconstance des autres, et méditer nous-mêmes des inconstances nouvelles (Chateaubr.,Génie, t.2, 1803, p.389).V. assuré ex.14.− Locutions
α) Arriver, entrer au port, toucher le/au port; conduire, guider au port. Haynes mettait son amour-propre à entrer au port avec un bateau parfaitement équilibré (Peisson,Parti Liverpool, 1932, p.67). ♦ P. anal. (Faire) arriver à destination. Nous allons descendre [du train]. J'ai presque envie de vous dire: ne regardez plus rien, Suzanne. Laissez-vous conduire jusqu'au port (Duhamel,Suzanne, 1941, p.97). ♦ Au fig. (Faire) atteindre un état qui est un terme. V. extrémiste ex.En partic. Arriver au terme de la vie. L'opinion que vous avez de moi est assez juste dans l'ensemble, mais fausse en un seul point: je me juge, hélas! avec plus de sévérité que vous ne pensez. J'arrive au port les mains vides... (Bernanos,Soleil Satan, 1926, p.133).Mener à son terme, réussir à terminer. Faudra-t-il vous le garder, ce roman, si je le mène au port, excédée des tempêtes que me soulève sans cesse la Revue (Sand,Corresp., t.6, 1873, p.282). ♦ À bon port. [Avec des verbes du type arriver ou conduire] En atteignant son lieu de destination (port ou autre lieu) sans encombre; au fig., en atteignant son objectif sans incident. Faire entendre raison aux rois par les peuples, ou (...) conduire à bon port les peuples par les rois (Las Cases,Mémor. Ste-Hélène, t.1, 1823, p.419).Le brouillard devenait un de ces dangers contre lesquels on lutte, de sorte que nous eûmes, à trouver notre chemin et à arriver à bon port, les difficultés, l'inquiétude et enfin la joie que donne la sécurité (Proust,Guermantes 2, 1921, p.398).Pour conduire son navire ou tout au moins, éventuellement, sa cargaison à bon port, il [le capitaine] est amené à accomplir, comme représentant du propriétaire, une série d'actes juridiques dont il lui rend compte (M. Benoist, Pettier,Transp. mar., 1961, p.102).
β) Être au port. Ce vapeur, lorsqu'il est au port, à Hongkong, est gardé par un officier anglais et quelques matelots (Malraux,Conquér., 1928, p.14). ♦ Au fig. Être à l'abri d'événements dangereux. La Révolution, en traversant son existence et en le soumettant à de nouvelles épreuves quand il se croyait au port, n'empêcha point Bernardin de rêver ni de suivre le développement paisible de ses systèmes (Sainte-Beuve,Caus. lundi, t.6, 1852, p.446).Être arrivé au terme d'un travail. Je vous envie d'être au port, dans la contemplation de votre oeuvre finie [à E. de Goncourt] (Zola,Corresp., 1884, p.617).
γ) Faire naufrage, périr, sombrer, échouer au/dans le port, en vue du port. Le chevalier meurt de faim et voit souvent échouer au port le vaisseau qui lui porte quelques provisions de farine (Staël,Lettres jeun., 1786, p.104). ♦ Au fig. ou dans un cont. métaph. Échouer dans une entreprise au moment où l'on semblait atteindre la réussite. Il serait horrible que par une révolte d'équipage, la France, ce premier navire des nations, sombrât en vue de ce port magnifique (...) qui attend le genre humain (Hugo,Actes et par.1, 1875, p.221).Sentir que les camarades approchent, qu'ils sont là, qu'ils apportent la délivrance, et puis qu'ils échouent au port (Bordeaux,Fort de Vaux, 1916, p.264). b) [Avec déterm. spécificateur]
α) [Nature ou type] − Port maritime/de mer; port fluvial/de rivière. Par son trafic Paris est le premier port de France. On a toujours caressé le projet de faire de la capitale un port de mer; mais de grandes difficultés s'opposent à ce projet. Elle demeurera longtemps encore un port fluvial, ce qui ne l'empêche pas d'avoir une activité hors de pair (Albitreccia,Gds moyens transp., 1931, p.81). ♦ Port de front de mer, de rade; port de lagune: 2. Parfois également les passagers souhaitent débarquer au plus près de la côte. C'est pourquoi les ports d'estuaires ou les ports fluviaux sont fréquemment doublés par un port côtier. Les ports «intérieurs» et «extérieurs» sont alors étroitement conjugués, le développement de l'un entraîne celui de l'autre.
M. Benoist, Pettier,Transp. mar., 1961, p.183. ♦ Port à marée. Port où l'effet de la marée se fait sentir. Dans les ports à marée, on installe, en un point de l'avant port, une plateforme d'ordinaire en bois sur laquelle le navire est échoué en basse mer (Bourde,Trav. publ., 1929, p.289).Port d'échouage. Port où les navires sont à sec, à marée basse. La marée basse donnait au port d'échouage une profondeur d'abîme (Hamp,Marée, 1908, p.10).V. échouage ex. de Zola. − Port naturel; port artificiel. Lieu qui offre naturellement un abri; lieu qui nécessite des travaux complémentaires pour offrir un abri suffisant. La petite maison où vivaient les trois insulaires était située au fond d'un port naturel du sud-ouest formé par l'écroulement d'une portion de la montagne (Verne,Enf. cap. Grant, t.2, 1868, p.31).Quelques-uns des plus importants ports du monde sont aujourd'hui des ports artificiels, comme Chang-Haï ou Colombo (Brunhes,Géogr. hum., 1942, p.70).V. bassin ex.17.Port (militaire) artificiel. Port improvisé, constitué de navires ou d'éléments préfabriqués reliés entre eux, installé au lieu de débarquement de troupes et de matériel. L'un ou l'autre [Le Havre ou Cherbourg], pour le commandement allemand, apparaissait comme d'autant plus indispensable aux alliés qu'il ignorait l'existence des futurs ports artificiels d'Arromanches (Billotte,Consid. strat., 1957, p.40-05).
β) [Statut] ♦ Port autonome. ,,Port dont la gestion est assurée, non par un Directeur relevant du Ministère, mais par un Conseil d'Administration réunissant les représentants de la municipalité, de la Chambre de Commerce, des Syndicats etc.`` (Gruss 1978). Le port autonome s'est substitué à la ville de Strasbourg le 1erjanv. 1926 (Nav. intér. Fr., 1952, p.62). ♦ Port franc. ,,Port auquel l'État a concédé le privilège d'entretenir des relations commerciales avec toutes les nations, d'importer ou d'exporter des marchandises libres de droits`` (Gruss 1978). V. havre A ex. de Albitreccia.
γ) [Fonction] − [En rapport avec les étapes et les aléas de la navigation] ♦ Port de départ, d'escale, de relâche, de transit. Lorsque, sous la conduite du pilote, le navire arrive en vue du port de destination, il ne peut pas toujours y entrer immédiatement (Bourde,Trav. publ., 1929, p.223). ♦ Port d'attache. ,,Port d'immatriculation du navire`` (Gruss 1978). Des navires (...) qui quittent leur port d'attache pour une campagne dont la durée est supérieure à 72 heures (Boyer,Pêches mar., 1967, p.20).P. anal. ou au fig. Je ne suis qu'un pauvre religieux qui dois obéir à son prieur, et le mien, celui de la maison du Havre, mon port d'attache, m'emmène tout de suite avec lui (Billy,Introïbo, 1939, p.93): 3. Croyez bien, mes enfants, que toute pensée a son port d'attache, et que si vieil académicien qu'on soit, il suffit de réfléchir pour retrouver quelque heure primitive et décisive de la formation de sa pensée...
Valéry,Variété IV, 1938, p.205. ♦ Port d'approvisionnement, de débarquement. L'ancienne cohabitation au coeur d'un port d'armement, de l'industrie constructrice des navires et de l'activité utilisatrice des armements, pouvait-elle se maintenir? (Perpillou,Industr. constr. nav., 1967, p.10).V. grue2A ex. de Benoist, Pettier. ♦ Port de refuge, de salut. Port où l'on peut se retirer à l'abri de la tempête. Il était donc fort naturel que le Duncan, jugeant cette côte détestable et sans port de refuge, se tînt éloigné (Verne,Enf. cap. Grant, t. 1, 1868, p.250).P. anal. Lieu où l'on est à l'abri des dangers, d'une situation difficile. Proscrit au 18 fructidor, l'Angleterre fut son port de salut (Chateaubr.,Mém., t.1, 1848, p.480).Le foyer familial, le port de refuge, le centre de tendresse n'est plus (Maurois,Disraëli, 1927, p.216). − [En rapport avec l'utilisation du bateau] Port ou partie de port spécialisé(e) dans un type d'activité. ♦ Port militaire, de défense. Brouage, dont Richelieu voulait faire le grand port de guerre français sur l'océan (Vidal de La Bl.,Tabl. géogr. Fr., 1908, p.371). ♦ Port commercial, de marchandises, de voyageurs; port charbonnier; port d'exportation. L'aménagement des quais d'un port de commerce comprend un outillage très varié (Bourde,Trav. publ., 1929, p.309).Le port pétrolier est établi sur les rives du bassin 6 (Nav. intér. Fr., 1952, p.60).Vieilli. [Avec compl. prép. à.] Port au charbon. La Seine, jaune et large comme une mer, a couvert tous les travaux du port au blé (Michelet,Journal, 1836, p.218). ♦ Port de pêche, sardinier. De petits ports de pêcheurs sont ouverts sur toute cette côte dentelée (Lamart.,Voy. Orient, t.2, 1835, p.130). ♦ Port de plaisance. Port réservé aux bateaux de plaisance. La direction des ports maritimes et des voies navigables au ministère des travaux publics ne peut malheureusement consacrer aux ports de plaisance que des sommes minimes (Jocard,Tour. et action État, 1966, p.196). 2. P. méton. a) Ensemble des quais d'un port, le quartier du port. Se promener sur le port. Lorsque tu seras à Gibraltar, demande sur le port où demeure une marchande de chocolat qui s'appelle la Rollona (Mérimée,Carmen, 1847, p. 57).À Anvers, où nous traînions sur le port depuis des semaines (Cendrars,Bourlinguer, 1948, p.72).V. armateur ex.3. b) Ville qui possède un port. Papa Nicolo a habité un port de mer (Ponson du Terr.,Rocambole, t.1, 1859, p.625).Je suis né dans un port de moyenne importance (Valéry,Variété III, 1936, p.231). 3. P. métaph. [Souvent dans une formulation exprimant l'équation identificatrice] Ce qui constitue un terme, un point d'aboutissement, souvent un refuge, un abri. a) [Sans élément de cont. appartenant au même champ sém.] Les états de Toscane offrent jusqu'à présent tant de sécurité, par la douceur de ceux qui les gouvernent, que non seulement les curieux s'empressent d'y venir, mais que tous les hommes qui, pour des causes politiques, sont obligés de quitter leurs pays, viennent chercher un port dans ce paradis terrestre (Delécluze,Journal, 1825, p.92).Comme Kreisler (...) il «parut chercher toujours le port où il trouverait, enfin, la paix sans laquelle un artiste est incapable de rien créer» (Béguin,Âme romant., 1939, p.295). − [En formulation attributive] Jamais tu n'imitas l'exemple de tant d'autres, Et d'une lâcheté tu ne te fis un port! (Hugo,Rayons et ombres, 1840, p.1056): 4. Je me suis réfugié seulement auprès des femmes. Vous le savez, elles ne condamnent vraiment aucune faiblesse: elles essaieraient plutôt d'humilier ou de désarmer nos forces. C'est pourquoi la femme est la récompense non du guerrier, mais du criminel. Elle est son port, son havre, c'est dans le lit de la femme qu'il est généralement arrêté.
Camus,Chute, 1956, p.1524. − [Avec compl. prép. de] Paulina trouverait un jour dans un couvent le port de la douceur (Jouve,Paulina, 1925, p.141).Pour Gautier, c'est la ligne de chance ordinaire au roman d'aventure ou de cape et d'épée, la montée du Gascon vers Paris, ses amours avec la jeune fille noble, ses duels contre les spadassins et contre le traître, le Roman d'un jeune homme pauvre qui arrive triomphalement au double port de l'amour et de la fortune (Thibaudet,Réflex. litt., 1936, p.238). b) [Avec élément de cont. appartenant au même champ sém.] Ce gendre tout-puissant ne sera point ingrat, Et, si votre fortune essuyait quelque orage, Vous prépare en Bourgogne un port dans le naufrage (Delavigne,Louis XI, 1832, i, 4, p.12).Bientôt nous aperçûmes le perron qui devait nous servir de débarcadère: c'était un port dans la tempête; nous y touchâmes bientôt (Reybaud,J.Paturot, 1842, p.226). B. − P. anal. Port (aérien). Lieu aménagé pour recevoir et abriter les appareils de transport aérien. Synon. usuel aéroport.On songe notamment à relier Le Bourget, port aérien, au centre de la ville (Albitreccia,Gds moyens transp., 1931, p.76).Dans les petits ports [de l'aviation] où il n'y a pas de projecteurs une auto s'en va accuser l'extrémité du terrain avec ses phares (Morand,Route Indes, 1936, p.276). REM. 1. -port, élém. de compos.V. avant-port, arrière-port (s.v. arrière-), bas-port. 2. Portelet, subst. masc.,hapax. Petit port. Aucun pêcheur ne comptait sortir ni de la Hougue La Perre (...) ni d'aucun port ou portelet de Guernesey (Hugo,Travaill. mer, 1866, p.228). Prononc. et Orth.: [pɔ:ʀ]. Homon. porc, pore, port2, 3. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1050 «enfoncement de la mer dans les terres offrant un abri aux bateaux» (Alexis, éd. Chr. Storey, 196); d'où
α) 1140 port de mer «ville située sur le bord de la mer et offrant un abri aux bateaux» (Pelerinage de Charlemagne, 369 ds T.-L.);
β) 1209 port de salut «lieu où un bateau se retire à l'abri de la tempête» ici fig. (Reclus de Molliens, Miserere, éd. A. G. Van Hamel, 263, 2);
γ) 1690 port artificiel «port construit de main d'homme» (Fur.);
δ) id. port de havre «port où l'on peut aborder à toute heure du jour» (ibid.);
ε) 1723 port franc (Savary);
ζ) 1771 port de toute marée (Trév.); b) 1325 «lieu sur une rivière où abordent les bateaux» (Archives Nationales JJ 93, p.43 ds La Curne); 2. 1100 «ville bâtie auprès d'un port» Port de Guitsand (Roland, éd. J.Bédier, 1429); 3. loc. diverses ca 1165 estre a mal port «être dans une situation désespérée» (Chrétien de Troyes, Guillaume d'Angleterre, éd. M.Wilmotte, 1838); ca 1280 a bon port «heureusement» (Adenet le Roi, Cleomades, éd. A. Henry, 4311); 1306 venir a bon port «arriver heureusement (d'un navire)» (Jean de Joinville, Vie de Saint-Louis, éd. N.L.Corbett, p.86). Empr. au lat. portus «ouverture, passage; port; asile, refuge». Bbg. Aebischer (P.). Halt sunt li pui e li port tenebrus... Studi medievali. Torino. 1952, t.18, pp.1-10. _ Appel (C.). Vermischtes. In: [Mél. Mussafia (A.)]. Halle, 1905, pp.147-157. _ Wexler 1955, p.84, 88. |