| POINÇON, subst. masc. I. − A. Outil à main ou élément de machine, terminé en pointe plus ou moins aiguë, servant à percer ou à entamer différents matériaux. Poinçon de cordonnier, de menuisier, de sellier, de tailleur de pierres; poinçon de machine-outil. Le papier à décalquer les broderies, gras, d'un bleu nocturne, le poinçon à percer les «roues» dans la broderie anglaise (Colette, Mais. Cl., 1922, p.119).Les trous des clous de fixation sont percés à chaud, soit au poinçon à main, soit au poinçon à manche (Fillon, Serrurier, 1942, p.13): 1. Puis ce sont (...) des tombes (...) couvertes en dehors et en dedans d'hiéroglyphes gravées avec un poinçon (...) dans une matière si dure, que l'acier y fait feu et que la dent des siècles s'y use...
Gautier, Guide Louvre, 1872, p.189. ♦ P. métaph. Le puissant coup de poinçon donné par deux ou trois quintaux de poudre avait troué de part en part le mur énorme (Hugo, Quatre-vingt-treize, 1874, p.97).Notes d'oiseaux détachées et liquides, le poinçon au loin d'un chant de coq, la voix du bouvier (Mauriac, Chair et sang, 1920, p.211). − ANC. COST., MODE. Aiguille de tête qui servait d'ornement dans la coiffure des femmes. Un poinçon de diamant; elle avait plusieurs beaux poinçons à la tête (Ac.1798). B. − ,,Outil mâle agissant par compression et utilisé dans les opérations de découpage, cambrage, emboutissage`` (Boissier 1975). − INFORMAT. ,,Tige métallique montée sur une matrice et perforant des cartes`` (Le Garff 1975). On peut perforer les cartes soit avec une poinçonneuse à clavier, soit avec un poinçon manuel (Jolley, Trait. inform., 1968, p.193). C. − 1. Tige terminée par une face dont la gravure sert à marquer des objets, à certifier l'authenticité des métaux ou l'origine des marchandises. Le coup de poinçon, frappé au marteau, fournit ainsi deux empreintes bien différentes (Grandjean, Orfèvr. XIXes., 1962, p.33). − P. méton. La marque gravée par cet outil. Synon. estampille.Apposer, frapper un poinçon. Les fabricants [de quincaillerie] désireux de voir les articles de leur fabrication porter le poinçon de la société centrale des architectes doivent les soumettre à son examen (Robinot, Vérif., métré et prat. trav. bât., t.3, 1928, p.52).P. métaph. Les pièces de Dumas ont toutes dès la première scène la même intonation cassante et paradoxale, voix de tête et crête dressée; mais c'est sa marque de fabrique cela, son poinçon, la griffe au coin du tableau (A. Daudet, Crit. dram., 1897, p.212).Nous n'avons pas simplement parcouru ce texte proposé à notre étude, nous avons, comme on nous le conseillait, scruté, creusé jusqu'à la racine et au principe, passant de l'extérieur à l'intérieur et du visible à l'âme, nous y avons mis notre poinçon (Claudel, Poète regarde Croix, 1938, p.66). ♦ ORFÈVR. Marque apposée sur les pièces d'orfèvrerie pour certifier le contrôle du titre du métal, pour attester le paiement de l'impôt ou comme signature de l'artiste. Poinçon d'État, de garantie, de titre. Maintenant l'argenterie l'intéressait, et cela l'avait amenée, depuis que nous étions revenus de Balbec, à lire des ouvrages sur l'art de l'argenterie, sur les poinçons des vieux ciseleurs (Proust, Prisonn., 1922, p.368).Outre les poinçons de fabricant ou de commerçant, la loi de brumaire a créé les poinçons de titre et de garantie, établissant le contrôle de l'État (Grandjean, Orfèvr. XIXes., 1962, p.30). 2. TYPOGR. Morceau d'acier où les lettres sont gravées en relief et avec lequel on frappe les matrices qui servent à fondre les caractères d'imprimerie. Des industrieux que l'imprimerie fait travailler, comme graveurs de poinçons, fondeurs de caractères, fabricans de papier (Say, Écon. pol., 1832, p.88). 3. Original d'une médaille, d'une monnaie. Comme la gravure en pierres fines, la gravure en médailles a ses creux et ses reliefs. Ce qui est une intaille dans la première, est dans la seconde un coin, et ce que l'une appelle camée, l'autre le nomme poinçon (Ch. Blanc, Gramm. arts dessin, 1875, p.471). II. − P. anal. A. − [P. réf. à la forme] CHARPENT. ,,Pièce de charpente verticale qui reçoit les extrémités supérieures des arbalétriers d'une ferme ou les arétiers d'un pavillon et d'une flèche`` (Viollet 1875). La porte était faite de douves de poinçon toutes pourries (Hugo, N.-D. Paris, 1832, p.345).Ce pays [la France] de grandes forêts abonde en chênes et en châtaigniers, matière puissante de poinçons et d'arbalétriers, et de tous les membres des fermes qui soutiennent la couverture des édifices (Valéry, Regards sur monde act., 1931, p.184). B. − [P. réf. à la marque d'un contrôle] MÉTROL. ,,Tonneau qui tient à peu près les deux tiers d'un muid`` (Littré). Il exploitait cent arpents de vignes, qui, dans les années plantureuses, lui donnaient sept à huit cents poinçons de vin (Balzac, E. Grandet, 1834, p.13).Gaspard, qui amenait souvent un poinçon de blanc ou une feuillette de rouge, connaissait les aîtres (Pourrat, Gaspard, 1930, p.265): 2. Cet arpent donne quelquefois vingt-quatre pièces ou poinçons de vin aux bonnes années, quelquefois rien: produit moyen, douze poinçons, qui se vendent chacun soixante francs...
Courier, Pamphlets pol., Gazette du village, 1823, p.180. Prononc. et Orth.: [pwε
̃sɔ
̃]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist.1. a) Ca 1200 poncon «instrument terminé en pointe pour percer» (Naissance du Chevalier au Cygne, Elioxe, éd. Emanuel J. Mickel, 787); b) 1355 «instrument dont on se sert pour marquer les ouvrages d'or ou d'argent» (Statuts des orfèvres de la ville de Paris ds Ordonnances des rois de France, t.3, p.11); c) 1554 «marque apposée sur une matière d'or ou d'argent pour en certifier la qualité ou pour indiquer la provenance de certains produits» (Invent. des biens de la Dame de Nicolaï ds de Laborde, Notice des émaux... du Musée du Louvre, 2epart., p.384); 2. ca 1260 ponchon «tonneau comprenant à peu près la valeur d'une feuillette» (Estienne Boileau, Livre des mestiers, éd. G. B. Depping, p.301); 3. 1319-27 pinçon «pièce de bois verticale sur laquelle sont appuyés les arbalétriers d'un comble» (Arch. hospit. de Paris, II, 65 ds Gdf. Compl.). Dér. d'un verbe lat. pop. *punctiare «piquer» formé sur le supin punctum du class. pungere «id.», cf. les corresp. rom. ital. ponzare «se raidir (en faisant un effort)» cat. punxar «piquer avec une pointe», esp. punzar «id.», port. punçar «ponctionner» et l'ital. punzone «poinçon», esp. punzŏn «id.», v. REW3no6845; le sens de «tonneau» s'explique prob. par l'expr. ant. «tonneau à poinçon» pour signifier «tonneau étalonné, marqué après contrôle» (FEW t.9, p.584 a). Fréq. abs. littér.: 71. Bbg. Quem. DDL t.27. |