| POINTILLER1, verbe A. − Empl. intrans., rare. Pointer à peine. Synon. poindre.Ce qu'on appelle pressentiment ressemble fort au poisson précurseur qui avertit les cétacés immenses et presque aveugles que là pointille une roche tranchante, ou qu'ici est un fond de sable (Nerval,Filles feu, Émilie, 1854, p.325). B. − Empl. trans. 1. [Le suj. désigne l'agent] BEAUX-ARTS, littér. a) Parsemer de points un espace, tracer des points sur quelque chose avec une plume, un pinceau, un burin, etc.
α) Qqn1pointille qqc.2(de qqc.3).Il commença à peindre du bout des pinceaux; il pointillait la toile de minces taches sales, il faisait des hachures courtes et serrées, comme s'il se fût servi d'un crayon (Zola,Th. Raquin, 1867, p.32). − P. métaph. [Les hirondelles] pointillent l'air de petits cris (Renard,Hist. nat., 1896, p.224).
β) Qqn1pointille qqc.2Gavarni obtient un pointillé dans ses lithographies: il découpe dans une feuille de papier la partie qu'il veut pointiller, pose la feuille de papier sur la lithographie et armé d'une brosse à dents frottée de noir, il promène le doigt sur la brosse et la fait cracher (Goncourt,Journal, 1852, p.75). − Au part. passé. Le tout immuable depuis des siècles, préparé pour des noces permanentes, pointillé par des générations de mouches (A. Daudet,Jack, t.2, 1876, p.252). ♦ [Le suj. désigne le moyen] On distinguait, à travers les vitres, pointillées par les rideaux à jour (...) un ventre blanc de nuage (Arnoux, Solde, 1958, p.115). − Au fig., empl. subst. masc. sing. à valeur de neutre. C'est ce côté de M. de Vigny qu'il faut maintenir (...). Il avait du grand sous le pointillé (Sainte-Beuve,Nouv. lundis, t.6, 1864, p.446). − Spécialement ♦ HABILL., au part. passé à valeur adj. Robe, tissu pointillé. Parsemé d'un pointillé. Robes pointillées ou «As de Carreau» ou, sur bleu foncé, petits motifs brodés blancs (L'OEuvre, 24 mars 1941).La ligne d'une robe droite en lainage pointillée noir et blanc est assouplie devant par un pli plat (Jardin des modes, févr. 1951, p.19).
γ) Empl. abs. Dans les ouvrages de miniature on ne fait ordinairement que pointiller. Ce graveur ne travaille presque qu'en pointillant (Ac.).Je le trouve, mon vignettiste, pointillant d'après une mauvaise vignette, qu'il croit que je ne connais pas (Goncourt,Journal, 1874, p.978). ♦ P. métaph. Molière manie en ce sens puissant tous ses personnages; il ne fait pas la taille-douce, il ne pointille pas. Franc, et souvent avec crudité, il ne craint pas de faire le trait gros (Sainte-Beuve,Port-Royal, t.3, 1848, p.229). − HÉRALD. Parsemer de petits points pour représenter conventionnellement l'or. Les graveurs d'armoiries pointillent pour désigner l'or dans les écussons (Ac.1835-1935). b) Tracer une figure, quelque chose en faisant des points, sous forme de points. Quelques miniaturistes renommés (...) ont pointillé dans leurs portraits en petit tous les détails que leur présentait la nature en grand (Ch. Blanc, Gramm. arts dessin, 1876, p.594). ♦ Au part. passé adj. Les éclisses et la tête (...) sont décorées de dessins pointillés représentant des arabesques (Grillet,Ancêtres violon, t.2, 1901, p.96).Il y a un M F pointillé au dos de la couverture (Rivière,Corresp.[avec Alain-Fournier], 1907, p.174).Un brouillard laiteux (...) où nageaient des lueurs pointillées et fugaces, des éclairs de rubis rougeoyants (Arnoux,Roi, 1956, p.157).Ligne, trait pointillé(e). Pointillé. Les traits pleins indiquent les fils parcourus par le courant, les traits pointillés, les connexions non utilisées (A. Leclerc, Télégr. et téléph., 1924, p.160). −... la ligne des patrouilles... appuya-t-il d'un ton doctoral en laissant traîner son doigt le long de la ligne pointillée (Gracq,Syrtes, 1951, p.222).P. métaph. Des armées de corbeaux balayent le ciel de leur vaste geste pointillé (Barbusse,Feu, 1916, p.290). c) Apporter la plus grande minutie dans la réalisation ou l'exécution de quelque chose. [M. de Vigny] conversait comme il écrivait; il pointillait chaque mot (Sainte-Beuve,Nouv. lundis, t.6, 1864, p.429). ♦ Au part. passé adj. Imagine un petit tableau à la plume, le plus fini, le plus pointillé, le plus chinois pour la minutieuse exactitude (Sainte-Beuve,Caus. lundi, t.7, 1853, p.348).Ce qu'il faudrait bien ne pas faire surtout, ce seraient des aquarelles genre Pollet, des nudités pointillées et léchées, retouchées au microscope (Huysmans,Art mod., 1883, p.87). 2. [Le suj. désigne ce qui pointille] Littér. Être, former un ensemble de points dans un espace ou à la surface de quelque chose. Synon. moucheter, piqueter, tacheter. a)
α) Qqc.1pointille qqc.2Les fétus étaient remplacés par des paillettes d'or semblables à celles qui pointillent l'eau-de-vie de Dantzick (Huysmans,À rebours, 1884, p.187).D'autres empreintes pointillent la blancheur de la neige (Genevoix,Rroû, 1931, p.202): . Des multitudes d'éclatements de shrapnells pointillent l'azur et semblent une longue volée de flocons de neige dans le beau temps.
Barbusse,Feu, 1916, p.92. − P. métaph. D'autres (...) se révèlent (...) d'une voix si grêle qu'elle semble seulement pointiller le silence (Genevoix,Nuits de guerre, 1917, p.280).
β) Au part. passé. Synon. moucheté, piqueté, tacheté. − Qqc.2pointillé de qqc.1Pierre pointillée de blanc. Le charançon impérial, fier dans sa verte cuirasse pointillée de poudre d'or (Michelet,Insecte, 1857, p.160).Une ville féérique escaladant l'horizon, montant dans un ciel étrange, pointillé d'oiseaux, moutonné de lames, comme gonflé de ballots de nuages (Huysmans,À rebours, 1884, p.84).La chouette des pagodes, blanche, pointillée de marron, étend ses longues oreilles horizontales (Morand,Londres, 1933, p.131). ♦ P. métaph. Toutes les autres difficultés de l'exégèse catholique, pointillées de références de détail (Malègue,Augustin, t.1, 1933, p.341). − Qqc.2pointillé par qqc.1(rare, au fig.).Il éructa un monologue pointillé et haché par une série de soubresauts et de hoquets (Huysmans,Marthe, 1876, p.18). − Qqc.2pointillé.Une couturière osseuse et graillonnante, au long nez pointillé comme ses doigts (Frapié,Maternelle, 1904, p.159).De longues mousses et des champignons vénéneusement zébrés pointillés perlés couvrent le pavé du sanctuaire (Cendrars,Du Monde entier, Ruine espagnole, 1924, p.145). b) [Avec un compl. indiquant la forme ou la substance] Qqc.1pointille qqc.2de qqc.La figure (...) était éclairée par de grands yeux humides, aux paupières cernées de bleu, rapprochés du nez que pointillaient d'or quelques rousseurs (Huysmans,À rebours, 1884, p.145).L'acné pointillait ma peau de triolets, basse chiffrée d'une partition inachevée (Cendrars,Moravagine, 1926, p.63). 3. Empl. pronom., rare. Se couvrir de points. Synon. se moucheter, se piqueter.Il y en a aussi [des cierges] de défraîchis, de très vieux, qui se pointillent, comme des nez (Huysmans,Foules Lourdes, 1906, p.34). REM. Pointillis, subst. masc.Ensemble de points dessinés ou formés sur la surface de quelque chose. Une bande de langoustes, au pointillis grumeleux si extraordinairement rendu qu'elles semblent avoir été moulées sur des carapaces vivantes (Proust,Temps retr., 1922, p.712).On croit que ces quatre appliques sont pareilles, sur le mur (...). Ah! ouatt! pareilles (...). Il y a sur celle-ci (...) un pointillis de crottes de mouches (Genevoix,Mains vides, 1928, p.12). Prononc. et Orth.: [pwε
̃tije], (il) pointille [pwε
̃tij]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist.1. 1414 «graver de petits points» ici, au part. passé (Grandmaison, Artistes tourangeaux, p.248 ds Gay: une coppe couverte d'argent doree et pointillee à arbres et à personnages); 1611 «marquer de points» à l'inf. (Cotgr.); spéc. 1676 peint. ici, à propos de la miniature (Félibien, p.418); 2. 1831 synon. de poindre* (Barthélémy ds Némésis, t.24, 18 sept., p.196 d'apr. M. Riffaterre ds Fr. mod. t.22, p.66). Dér. de point1*; suff. -iller*. DÉR. 1 Pointillement, subst. masc.a) Fait de se présenter sous forme de points. Au fig. Cela sentait [Chatterton], des pieds jusqu'à la tête le rhumatisme littéraire, la migraine poétique, dont le poëte avait déjà décrit les pointillements aux tempes de son Stello (Sainte-Beuve,Nouv. lundis, t.6, 1864, p.424).Des milliers de visages se serraient sur les gradins en étages avec le pointillement vif des regards (A. Daudet,N. Roumestan, 1881, p.17).b) Action d'apporter à la réalisation de quelque chose une minutie extrême. Les oeuvres nouvelles qui sortent de ces luttes infinies, de ces mondes intérieurs de souffrances, d'analyses, de pointillements, peuvent être belles encore (Sainte-Beuve,Portr. contemp., t.2, 1835, p.54).− [pwε
̃tijmɑ
̃]. − 1resattest. a) 1848 «sensation psychique comparable à un picotement» (Balzac, Initié, p.430), b) [1855 «action de pointiller» (Baudel., Crépuscule du soir ds Petits poèmes en prose: coquille de l'imprimeur; Baudelaire avait écrit scintillement, v. OEuvres, éd. Y. Le Dantec, p.1607 et Petits Poëmes en prose, éd. R. Kopp, p.66)], 1881 (A. Daudet, loc. cit.); de pointiller1, suff. -ment1*. |