| POINDRE, verbe A. − Empl. trans. 1. Vx. Piquer (Dict.xixeet xxes.). − Proverbe. Oignez vilain, il vous poindra; poignez vilain, il vous oindra. V. oindre. 2. Rare. Provoquer une souffrance physique aiguë. Le sang qui la travaillait l'obligeait à porter la main à son flanc, à l'appuyer fortement, pour calmer la sourde douleur qui la poignait (Daniel-Rops, Mort, 1934, p.44). 3. Au fig., littér. Blesser violemment, provoquer une souffrance morale aiguë. Synon. étreindre, meurtrir.Une grande tristesse le poignait. Une atroce douleur le poignait à la pensée que sa mère pouvait être effleurée par l'abominable soupçon (Martin du G., Thib., Cah. gr., 1922, p.633).L'idée du récit dans le journal parut poindre l'autre assez douloureusement pour lui faire faire une grimace (Romains, Hommes bonne vol., 1932, p.90). B. − Empl. intrans. 1. Apparaître sous forme de pointe. Synon. pointer.Au loin on voit poindre, comme un guidon, le clocher de Saardam (Du Camp, Hollande, 1859, p.146).Et depuis ce temps, c'est elle que cherchent les jeunes princes dont la barbe point (Kahn, Conte or et sil., 1898, p.105).Les blés nouveaux commencent à poindre (T'Serstevens, Itinér. esp., 1933, p.228). 2. P. ext., littér. [Le suj. désigne le plus souvent un astre ou le jour naissant] Commencer à apparaître. Au-dessus des branches, les hauteurs du ciel étaient pâles, et des étoiles commençaient à poindre (R. Bazin, Blé, 1907, p.25).Le jour sans doute a commencé de poindre (Pourrat, Gaspard, 1931, p.296). 3. Apparaître, se faire jour. Une idée commence à poindre dans son esprit. Car, ajouta-t-il en voyant un sourire poindre sur les lèvres d'Hélène, moi aussi, je suis féru d'amour (Theuriet, Mariage Gérard, 1875, p.131).Voir ainsi dès le lendemain de son mariage poindre mésentente et défiance (Pourrat, Gaspard, 1931, p.68).La maladie a fait grandir en lui jusqu'à un remords multiple et permanent le complexe de culpabilité qui commençait à poindre dans ses lettres à Jenny Colon (Durry, Nerval, 1956, p.146). Rem. On rencontre le plus souvent ce verbe à l'inf., à la 3epers. du sing. et du plur. de l'ind. prés., imp. et fut. et au part. prés. Le caractère défectif de ce verbe peut expliquer les erreurs de conjug. que l'on rencontre parfois: Le seul personnage qui fit entendre des paroles où poindait l'indépendance nécessaire à l'exercice de sa charge (Balzac, Martyr calv., 1841, p.152). REM. Poigner, verbe trans.,rare. Serrer, étreindre douloureusement. Un sentiment profond de regret a poigné mon coeur (Chateaubr., Mém., t.4, 1848, p.205). Prononc. et Orth.: [pwε
̃:dʀ
̥], (il) point [pwε
̃]. Homon. poigne, poing, poignet. Att. ds Ac. dep. 1694. Conjug. v. joindre. Étymol. et Hist. 1. Ca 1100 puindre «piquer, éperonner (un cheval)» (Roland, éd. J. Bédier, 3547 −1688, Miege, ne subsiste que dans le proverbe oignez vilain il vous poindra (att. dep. Rabelais, Gargantua, éd. Calder, Screech, XIII, 91); 2. 1160 «faire souffrir» (Eneas, éd. J. J. Salverda de Grave, 1203: Amors la point); 1188 poignans «qui blesse, qui fait souffrir» (Florimont, 9099 ds T.-L.); 3. 1174-80 intrans. «commencer à paraître» (Chrétien de Troyes, Perceval, éd. W. Roach, 7569: Ceux qui n'ont barbe ne guernon Et cent autres qui barbes poignent). Du lat. pungere (de punctum «piqûre», v. point) «piquer» et «faire souffrir, tourmenter». Fréq. abs. littér.: 518. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 832, b) 833; xxes.: a) 678, b) 633. Bbg. Grevisse (M.). Probl. de lang. Paris, 1964, pp.143-149. _Lanly (A.). Morphol. hist. des verbes fr. Paris, 1977, pp.201-202. _Muller (Ch.). Poindre, poigner, pointer, se pointer. B. jeunes Rom. 1960, no2, pp.23-34. |