| PLURIEL, -ELLE, adj. et subst. masc. GRAMMAIRE I.− Adj. Qui indique la pluralité. Anton. singulier.Nombre pluriel; adjectif, substantif pluriel; masculin, féminin pluriel. Il eût fait redire mille fois à Omer debout, l'ablatif pluriel de soror, marmor, puer, indoles (Adam, Enf. Aust.,1902, p.179): 1. Je ne me servais guère de la voiture et ne conduisais jamais le cheval. Pourtant, je disais «le nôtre», parce que, depuis l'enfance, mère ne nous apprenait guère les pronoms et les adjectifs que dans cette forme plurielle.
Duhamel, Terre promise,1934, p.1133. − P. anal. ♦ Qui peut être analysé à différents niveaux, de plusieurs points de vue. Lecture, écriture, musique plurielle. (Ds Rob. 1985). ♦ Société plurielle. Société caractérisée par des individus aux idées politiques différentes. La difficulté d'imaginer la vie de tous les jours dans une société totalitaire pour quelqu'un qui vit dans une société encore plus ou moins «plurielle» m'a toujours frappé (Le Nouvel Observateur,2 janv. 1982, p.65, col. 1). II. − Subst. masc. A. − Catégorie grammaticale traduisant par des marques linguistiques la pluralité des êtres ou des choses; nombre pluriel. Mettre un mot au pluriel; verbe à la première personne du pluriel. Joujoux, (avec un x au pluriel, comme bijou, caillou, chou, genou, hibou et pou) (Colette, Cl. école,1900, p.92).Je reste un peu gêné par «jean-foutre», dont je ne sais comment marquer le pluriel; cherche en vain dans Littré ce fort beau vilain mot (Gide, Ainsi soit-il,1951, p.1195): 2. Les femmes les plus timides voulaient se retirer par discrétion et employant le pluriel (...) disaient: «Odette, nous allons vous laisser.»
Proust, J. filles en fleurs,1918, p.601. − P. méton. Forme que prend un mot dans cette catégorie. Pluriel irrégulier; le pluriel de «cheval» est «chevaux». Il n'y a qu'une patrie pour chaque homme, et ce nom n'a point de pluriel (Blondel, Action,1893, p.265).Valéry est un nom de famille. C'est un pluriel de Valérius, qui vient, c'est chic, de valere «se bien porter» (ironie) (Valéry, Corresp.[avec Gide], 1905, p.403). B. − Emploi particulier à cette catégorie. −Vous trouvez que j'ai tort de fréquenter ces gens-là? −Non pas tous, peut-être; mais certains d'entre eux, assurément. Olivier prit pour singulier ce pluriel. Il crut qu'Édouard visait particulièrement Passavant (Gide, Faux-monn.,1925, p.1172): 3. −Je vous assure que ce grenier (...) n'est pas à montrer, en temps ordinaire. Il peut nous arriver, comme aujourd'hui, chère Suzanne, d'y venir avec une personne que nous aimons beaucoup (...). −Vraiment? dit Suzanne. Et je suis cette personne que vous aimez beaucoup? Comme je suis flattée, monseigneur! −Bien! moquez-vous de moi! (...). J'avais pris pourtant la précaution de glisser là un pluriel artificieux. J'ai dit: «Une personne que nous aimons beaucoup.» Reconnaissez, Suzanne, que cela ne ressemble pas encore à une déclaration d'amour.
Duhamel, Suzanne,1941, p.134. − En partic. 1. Pluriel emphatique, poétique. Pluriel des substantifs qui se substitue au singulier, dans le style soutenu ou poétique (d'apr. Mar. Lex. 1951). 2. Pluriel de majesté ou augmentatif, pluriel de modestie. Première personne du pluriel substituée à la première personne du singulier pour donner un caractère officiel aux propos que l'on tient, ou pour éviter l'énoncé du moi. Pluriel augmentatif, dit aussi pluriel de majesté (...) par exemple dans un acte public: nous, grand-maître de l'Ordre (...) pluriel de modestie (...) par exemple dans les préfaces: nous avons voulu dans cet ouvrage (d'apr. Mar.Lex.1951). 3. Pluriel de politesse. Deuxième personne du pluriel substituée à la deuxième personne du singulier (d'apr. Phél. Ling. 1976). C. − Mot qui est au pluriel. Une drôle de langue parlée que celle de Céard. Il affectionne les abstractions et les pluriels. Il met dans la bouche de ses dialogueurs les confiances, les sécurités, etc., etc., des termes de bouquins philosophiques (Goncourt, Journal,1886, p.608).Quoique les vers entre eux ainsi soient reliés J'accepte qu'un pluriel rime à un singulier (Jammes, Géorgiques,chant 1, 1911, p.29). Prononc. et Orth.: [plyʀjεl]. Att. ds Ac. dep. 1694; 1798-1878: ,,Quelques-uns écrivent Plurier, et la plupart prononcent Plurié» [-ʀje] (amuïssement de la consonne finale) considéré comme vieilli par Littré (mais: ,, beaucoup ont conservé cette prononciation``) et DG. Encore admis à côté de [-ʀjεl] ds Passy 1914. Étymol. et Hist. A. Subst. 1. 1460 gramm. «nombre pluriel» (G. Chastellain, Ver. mal prise, OEuvres, VI, 331, Kerv. ds Gdf. Compl.); 2. 1674 «mot qui est au pluriel» (Boileau, Longin, Sublime, XIX ds Littré). B. Adj. 1607 «qui marque la pluralité» (Hulsius, Brieve Instr. d'apr. FEW t.9, p.101a). Réfection d'apr. le lat. pluralis, adj. «composé de plusieurs», «pluriel» (gramm.); subst. «le pluriel», de l'a. fr. plurer, subst., gramm. «qui est au pluriel» (dep. ca 1245 Henri de Andeli, La Bataille des VII Ars, 389, éd. A. Héron), plurier (dep. ca 1330 Guillaume de Digulleville, Pelerinage de vie humaine, 4202 ds T.-L.), altération d'apr. singuler, singulier* de l'a. fr. plurel (1172-74, Guernes de Pont Ste Maxence, St Thomas, éd. E. Walberg, 2260), empr. au lat. pluralis. Fréq. abs. littér.: 124. Bbg. Eschmann (J.). Die Numerusmarkierung des Substantivs im gesprochenen Frz. Tübingen, 1976, 108 p._Goosse (A.). L'Orth. encore. Lang. Terminol. 1981, no29, pp.1-2. _Tanase (E.). Les Moy. d'expr. de l'idée de pluriel ds les n., ds le fr. parlé. R. Lang. rom. 1955, t.72, pp.297-329. |