| PLEIN, PLEINE, adj., adv., prép. et subst. masc. I. − Adjectif A. − Gén. postposé 1. [En parlant d'un contenant, d'un lieu] a) Qui contient le maximum de choses ou de personnes. Synon. rempli.Panier plein; poches pleines; à demi-plein, plein à moitié, aux trois quarts plein. Les enfants qui se conduisaient comme de véritables voyous, parlant la bouche pleine, interrompant les grandes personnes, et pire (Aymé, Jument, 1933, p.159).Le verre resté plein devant le siège vide de Marino accrochait malgré eux les regards (Gracq, Syrtes, 1951, p.125). − Expr. fam. ♦ [Le déterminé désigne une chose] (Être) plein à craquer. Être rempli à l'extrême. Synon. bondé.Dans la voiture, pleine à craquer, qui ramenait les deux familles Haudouin à la maison (Aymé, Jument, 1933, p.226).V. aussi infra D 1 a ex. de Cacérès.(Être) plein comme un oeuf. V. oeuf I C 3 a. ♦ [Le déterminé désigne une pers. ou un groupe de pers.] (Être) plein. (Être) rassasié. (Ds Ac. 1835, 1878). (Être) plein. (Être) ivre. Synon. saoûl, bourré (pop.).Ils descendirent la rue de Richelieu, assez d'aplomb sur leurs jambes, mais si pleins, que les trottoirs leur semblaient trop étroits (Zola, Pot-Bouille, 1882, p.192).(Être) plein comme un boudin, comme une bourrique, comme un oeuf, comme une outre. (Être) complètement ivre. (Ds Rey-Chantr. Expr. 1979). V. bourrique B 2, oeuf I C 3 b ex. 9.(Être) plein comme un oeuf. V. oeuf I C 3 b ex. 9.Avoir le ventre plein. Être rassasié. La canaille avait le ventre plein, nos princes chassaient (Sandeau, Mllede La Seiglière, 1848, p.243). − Expr. fig. et proverbiales ♦ Les mains pleines. V. main 1reSection I D 1 a α. ♦ Fam. Être plein aux as*. ♦ La coupe est pleine. Synon. de la coupe déborde (s.v. coupe1A 3).En ce qui vous concerne aussi, la coupe est pleine (Giraudoux, Intermezzo, 1933, ii, 2, p.99). ♦ Quand le vase est trop plein, il faut bien qu'il déborde. Un sentiment contenu finit par éclater. (Ds Ac. 1798-1935). [P. allus. à ce proverbe et à celui-ci: C'est la goutte (d'eau) qui fait déborder* le vase] Ce n'est là que la dernière goutte qui fait déborder le vase déjà trop plein (Ledru-Rollin, 1847ds Doc. hist. contemp., p.187). − Au fig. [En parlant d'un attribut de la pers. d'ordre intellectuel, moral] Qui contient un maximum de pensées, de sentiments, de connaissances. Coeur plein; âme trop pleine: 1. −La tête te fait mal? −Non. Elle ne fait pas mal comme aux autres; elle est pleine, voilà (...). On me laisse seul tout le temps, je peux pas parler, ça s'accumule dans moi...
Giono, Colline, 1929, p.82. ♦ [P. allus. à la phrase de Montaigne: Tête bien faite* vaut mieux que tête bien pleine] Par la nature même de certaines épreuves, il est un examen de tête mal pleine, alors qu'il prétend honorer la tête bien faite (Capelle, Éc. demain, 1966, p.145). b) Qui est tout entier rempli de la matière, de la substance qui lui est propre. Langouste bien pleine. Ah! le grenier aux provisions, les belles noisettes jaunes, les faînes bien pleines (...)! (Pergaud, De Goupil, 1910, p.148): 2. Il découvre en un pré le plus beau des troupeaux,
(...)
Des brebis fléchissant sous le poids de la laine,
Et de qui la mamelle pleine
Fait accourir de loin les agneaux bondissants.
Florian, Fables, 1792, p.40. − [En parlant d'un objet fabriqué] Dont le matériau utilisé occupe tout le volume, qui n'a ni vide ni ouverture. Mur, volet plein; pneu plein; roue pleine. Il avait fait remplacer par une porte pleine la porte vitrée du cabinet de Cosette (Hugo, Misér., t.1, 1862, p.528). − Bois plein ♦ ,,Bois compact dont le tissu est serré`` (Ac. 1835-1935). Le bois du platane est plein, dur, très liant et fort lourd, susceptible d'un beau poli (Baudrillart, Nouv. manuel forest., t.1, 1808, p.254). ♦ Bois massif. Transporter à dos ou sur les poings des meubles de bois plein (Pesquidoux, Livre raison, 1928, p.158). − ZOOLOGIE ♦ [En parlant d'une femelle] Qui est en gestation. Jument pleine. La vache pleine et dont le terme arrive Reste à l'étable (Barbier, Ïambes, 1840, p.221).Péj. [En parlant d'une femme] Tout de même, c'est bien vrai que ça ne vaut rien pour personne, de vivre les uns sur les autres. Ça finit toujours par des hommes saouls et par des filles pleines (Zola, Germinal, 1885, p.1276). ♦ Hareng plein. Hareng ayant encore ses oeufs ou sa laitance. (Ds Baudr. Pêches 1827). − [P. méton.] ♦ Son plein. [P. oppos. à son creux*] Son donné par un objet qu'on frappe et qui n'est ni creux, ni vide: 3. Le roc ausculté rendit partout un son mat et plein; alors Argyropoulos se laissa couler au fond du puits, frappant le sol du pommeau de son kandjar, mais la roche compacte ne résonnait pas.
Gautier, Rom. momie, 1858, p.167. ♦ MÉD. Pouls plein. Pouls d'une certaine dureté car l'artère est bien remplie. Le pouls battait 156 fois par minute, plein, dur, irrégulier et intermittent par intervalles (Bariéty, Coury, Hist. méd., 1963, p.744). − P. anal. ♦ [En parlant d'une partie du corps, parfois d'une pers.] Rond, potelé, charnu. Cou, visage plein; joues pleines. Elle était très femme, on devinait des formes pleines, une chair douillette et savoureuse (Simenon, Vac. Maigret, 1948, p.51). ♦ Flancs pleins (d'un cheval). ,,Flancs qui ne sont ni creux, ni retroussés, ni coupés`` (Ac. 1835-1935). 2. [Avec une idée d'intens., de densité] a) [En parlant d'une sonorité, d'une voix] Qui est net, fort, bien marqué. Anton. faible.Il avait conclu, d'une voix pleine, en marquant les virgules (Martin du G., Thib., Pénitenc., 1922, p.680). b) [En parlant d'une durée] Qui est bien occupé, qui est rempli d'activités; qui est dense, intense. Journée pleine; existence pleine. Ce furent trois jours pleins, exquis, splendides, une vraie lune de miel (Flaub., MmeBovary, t.2, 1857, p.103).Vie occupée et pleine, où le dévouement se fait une place grandissante (Amiel, Journal, 1866, p.309). c) [En parlant d'une oeuvre humaine, d'un mode d'expression] Qui est riche, dense. Anton. creux, vide.Style plein: 4. ... la chose est bien dite dès que chacun l'entend; d'autant mieux dite qu'elle l'est plus brièvement, mérite non commun, savez-vous? ni facile, de clore en peu de mots beaucoup de sens. Oh! qu'une page pleine dans les livres est rare!
Courier, Pamphlets pol., Pamphlet des pamphlets, 1824, p.217. − LINGUISTIQUE ♦ Mot plein. Mot lexical, par opposition au mot grammatical. Anton. mot vide*: 5. La seule difficulté rencontrée est celle des mots qui, ayant une orthographe identique, sont «vides» dans un sens (Ex: son −adjectif possessif) et «pleins» dans un autre (Ex: son −substantif).
Funck, Moureauds B. Bibl. Fr., t.11, 1968, p.340. ♦ Au sens plein (d'un mot). Au sens fort, strict (d'un mot); dans l'acception la plus proche du sens originel (d'un mot). C'est le propre d'un artisan au sens plein du terme que d'être le conseiller éclairé et dévoué de ses clients (Robert, Artis., 1966, p.116). B. − Gén. antéposé 1. [Plein, dans son sens quantitatif, joue le rôle d'intensif pour le subst. qu'il caractérise et qui est suivi ou non d'un déterminatif] Quant à Albert, il était en coquetterie avec une pleine voiture de paysannes romaines (Dumas père, Monte-Cristo, t.1, 1846, p.512).Cette année-là le vin fut aussi très bon, c'était un vin tendre; il y eut pleine récolte et pleines vendanges (Erckm.-Chatr., Ami Fritz, 1864, p.202). 2. a) [En parlant d'un élément, d'un phénomène naturel ou dû à l'homme, d'un moment du temps] Qui est au maximum, dans toute l'intensité de ses caractéristiques. Plein été; plein jour; plein soleil. Le costume d'Anne était du plein moyen âge (Loti, Mon frère Yves, 1883, p.213).Sous la pleine lumière du matin (Benjamin, Gaspard, 1915, p.47). − Rare. [L'adj. est postposé] C'était depuis longtemps nuit pleine (Genevoix, Raboliot, 1925, p.300). b) Spécialement − ARBORIC. Arbre de (parfois en) plein vent. Arbre, le plus souvent arbre fruitier, exposé au vent de tous côtés, sans abri, sans espalier. Il avait salué les premiers vergers en fleurs, les premiers pêchers de plein vent, illuminés de neige rose (Duhamel,Suzanne,1941, p.96).V. plein-vent, s.v. plein-. − ASTRON. Pleine lune, lune pleine. V. lune B 2 b et C 1 fam., arg. − AUTOMOB., AVIAT., MOTOCYCL., fam. ♦ Mettre pleins gaz. V. mettre 1reSection I B 8 b. ♦ (À) pleins gaz, plein pot (fam.). Avec toute la puissance du moteur, au maximum de la vitesse. Les Douglas, pleins gaz, filèrent obliquement (Malraux,Espoir,1937, p.520).[Une moto six cylindres] va faire un malheur (...) chez les dingues du démarrage «plein pot» devant Sénéquier à Saint-Tropez (Le Point,4 déc. 1978, p.123, col. 2). − JEUX et SPORTS ♦ Faire une pleine(-)eau. Nager à une certaine distance de la rive ou du rivage. Ils faisaient des pleine-eau ensemble, des pêches aux verveux (A. Daudet,Pte paroisse,1895, p.51).Je descends au Pausilippe, je vais me plonger dans la mer, je fais une pleine eau (Cendrars,Bourlinguer,1948, p.106). ♦ BILLARD. Prendre une bille pleine. ,,La viser et l'atteindre avec la sienne de centre à centre`` (Ac. 1835-1935). − MAR. La pleine mer ♦ La marée haute. On voit le long des rivages plusieurs rochers applatis (...) qui lors de la pleine mer deviennent des îles (Crèvecoeur, Voyage, t.2, 1801, p.315).Expr. La mer est pleine. La mer est haute et étale. La mer de toutes parts monte, et elle sera pleine à cette heure où se lève un petit vent (Claudel, Échange, 1954, ii, p.772). ♦ Le large. On se reposait dans un pré, ayant (...) en face la pleine mer (Flaub., Coeur simple, 1877, p.21). − PEAUSS. [En parlant d'un cuir] Pleine fleur. Qui comporte ,,sa fleur d'origine sans qu'aucune pellicule de surface n'ait été ôtée par ponçage, effleurage ou refente [action de refendre]`` (Rama 1973). Un siège Jean Prevost mise toujours sur la qualité (...) cuirs «pleine fleur» travaillés, tendus à la main; tissus sélectionnés et testés (L'Express,14 mars 1977, p.90, col. 1). − RELIURE. Reliure (en) pleine peau. V. peau B 1 spéc. − THÉÂTRE. Plein feu. ,,Intensité totale du courant dans un éclairage de scène`` (Giteau 1970). Soudain, le plein feu est donné devant le cadre fixe et le rideau (Claudel, Soulier, 1944, 1repart., 1rejournée, 12, p.984).À plein feu. Avec cette intensité. Le mur d'Avignon n'est jamais éclairé à plein feu comme le mur d'Orange (Serrière, T.N.P., 1959, p.81). C. − Antéposé ou postposé. Entier, complet, sans restriction. 1. Le plus souvent antéposé a) [En parlant d'une chose abstr.] L'imagination des habitants se donna pleine carrière (Theuriet, Mariage Gérard, 1875, p.171).Avec la pleine clarté de l'évidence (Clemenceau, Vers réparation, 1899, p.77).Le droit plein à la vie par le travail (Jaurès, Ét. soc., 1901, p.219). SYNT. Plein effet; plein épanouissement; plein succès; plein tarif; de (son) plein gré; plein exercice d'un droit; pleine confiance; pleine conscience; pleine liberté; plein et entier. ♦ De plein droit. V. droit3I C 2 c. ♦ [En parlant d'une instit.] De plein exercice. Qui a une compétence complète dans son domaine. Bientôt, tous les collèges de plein exercice présentent une scolarité étalée sur six classes (Encyclop. éduc., 1960, p.125).Les recettes de plein exercice, où l'on peut effectuer toutes les opérations postales, financières, télégraphiques et téléphoniques et les établissements secondaires (Admin. P. et T., 1964, p.9). ♦ En pleine propriété. V. propriété I B 3 b. b) Spécialement − DROIT ♦ Pleins(-)pouvoirs DR. INTERNAT. ,,Habilitation à négocier et conclure un traité international pour le compte d'un État`` (Cap. 1936). Le roi, le 17 octobre, envoya pleins pouvoirs à son ambassadeur (Lefebvre, Révol. fr., 1963, p.282).DR. CONSTIT. Extension très large donnée par une loi à la compétence réglementaire d'un chef d'État, dans des circonstances graves. Loi des pleins pouvoirs. Même le système des pleins-pouvoirs temporaires implique certains dangers pour le maintien d'un régime démocratique (Univers écon. et soc., 1960, p.48-11).P. ext., au sing. et au plur. Liberté d'agir. Elle m'assura (...) que son mari lui en avait donné plein pouvoir (Restif de La Bret., M. Nicolas, 1796, p.189).Vous avez pleins pouvoirs. N'hésitez pas à lire toute ma lettre à ces messieurs (Hugo, Corresp., 1865, p.512). ♦ DR. DU TRAV. Temps plein. Synon. de plein(-) temps*.[La SNCF] entretiendra à temps plein des agents d'exploitation (Pineau, S.N.C.F. et transp., 1950, p.44).Législation du temps plein (Réforme hospit., 1959, p.5). − ÉCON. Plein rapport*. 2. Toujours postposé a) [En parlant d'une division du temps] Dont la durée est entièrement écoulée; qui n'est amputée d'aucune fraction de sa durée. Intérêts et frais du mont-de-piété: (le mois commencé comptant pour un mois plein) (Reybaud, J. Paturot, 1842, p.442).Il attendit huit jours pleins (Montherl., Célibataires, 1934, p.855). − ASTRON., MÉTROL. Mois plein. Mois lunaire de 30 jours (par opposition au mois cave de 29 jours). V. cave1ex. 3. b) JEUX (roulette). Numéro plein. Numéro entier choisi par un joueur pour placer sa mise (par opposition avec une disposition relevant de plusieurs numéros) et rapportant au joueur trente-cinq fois sa mise, c'est-à-dire le maximum, si ce numéro sort. Il ne jouait que des numéros pleins au-dessous de dix, avec une préférence pour le 1 et le 2 (Jeux et sports, 1967, p.478). c) LING. Forme pleine. Forme entière d'un mot par opposition à sa forme plus courte, abrégée. Anton. forme réduite*. (Ds Ling. 1972). D. − Plein de 1. Qui est rempli de, qui contient beaucoup de, où il y a beaucoup de. a) [En parlant d'un contenant, d'un lieu; le compl. de l'adj., au sing. ou au plur., désigne qqc. de concr.] Plein d'eau; plein de fleurs; yeux pleins de larmes; plein de monde. Si elle ne le rapportait pas [un panier] plein de pissenlits, on la renfermerait avec les rats, pour la nuit entière (Zola, Germinal, 1885, p.1372).Le théâtre était plein à craquer d'un public jeune, attentif, qui voulait participer (Cacérès, Hist. éduc. pop., 1964, p.155). − Expressions ♦ Fam. [Le déterminé désigne une pers.] (Être) plein de vin. (Être) ivre. Plein de vin comme je l'ai laissé, il a dû succomber sans débat à quelque bonne congestion cérébrale (About, Roi mont., 1857, p.221). ♦ Fam. ou péj. Gros plein de soupe. Homme gros et vulgaire. La belle indifférence de ce gros plein de soupe (Courteline, Train 8 h 47, 1888, 2epart., ii, p.109). − En partic. [En parlant d'un objet concret envisagé du point de vue de sa surface] Qui est couvert de. Ton jeune corps maladif, Plein de taches de rousseur (Baudel., Fl. du Mal, 1857, p.147). b) [En parlant d'une pers., d'un animal ou d'une chose; le compl. de l'adj. désigne qqc. d'abstr.] − [Le compl. est au plur.] Dictée pleine de fautes; morceau plein de fausses notes. [Paludes] c'est plein de calembours, et de calembours que je ne comprends pas (Miomandre, Écrit sur eau, 1908, p.153).Il était plein à déborder de paroles nouvelles, de confessions prêtes (Aragon, Beaux quart., 1936, p.207). − [Le compl. est au sing.] Joli village surmonté d'une vieille église pleine de caractère (Balzac, Lys, 1836, p.31).Le jeune officier s'inclina avec une politesse pleine d'élégance (Dumas père, Monte-Cristo, t.1, 1846, p.574). SYNT. Plein d'admiration, d'amour, d'angoisse, d'ardeur, d'assurance, de bon sens, de courage, d'espoir, d'esprit, de feu, de grâce, de joie, de sagesse, de santé, de tendresse. ♦ Rare, en empl. subst. [Pour désigner des pers.] L'on voyait couramment des pleins de vie de la quarantaine consulter les vieillards (Aymé, Jument, 1933, p.154). c) Sous la forme fam. tout plein de. Ciel (...) tout plein d'étoiles (Mille, Barnavaux, 1908, p.273).Toi, tu es tout plein de bon sens! (Gyp, Souv. pte fille, 1928, p.228). 2. [Avec une idée d'intens.] a) [En parlant d'un objet, d'un lieu] Qui est rempli de (la présence de quelqu'un), qui est marqué par (quelqu'un). Là [à Chambord], tout est plein de ses aïeux (Courier, Pamphlets pol., Disc. souscr. acquis. de Chambord, 1821, p.78). b) [En parlant d'une pers. ou d'un de ses attributs] Qui est entièrement occupé, absorbé par (quelqu'un), par (quelque chose). Synon. pénétré de.Être plein de son sujet. Je me réveille plein de toi (Napoléon Ier, Lettres Joséph., 1795, p.9).L'esprit toujours plein de votre théorie (Delécluze, Journal, 1827, p.412). ♦ Plein de soi-même, plein de son importance. Imbu de soi-même. Synon. infatué.L'homme orgueilleux, vaniteux, plein de lui-même (Divin.1964, p.221). c) Sous la forme fam. tout plein de. La pièce encore toute pleine de la jeune fille (Zola, Ventre Paris, 1873, p.660). E. − À, en plein + subst.[Équivaut à un adj. ou à un adv. selon le cont.] 1. À plein + subst.[Implique une notion de quantité ou d'intens.] À plein nez; à plein gosier; à pleine bouche; à pleins bras; à pleins poumons; à pleines dents; à plein rendement. Je pousse les betteraves du hangar à l'étable à pleines brouettes (Debatisse, Révol. silenc., 1963, p.23). a) À plein(s) bord(s). Jusqu'au bord. Synon. à ras bords.Rivières coulant presque à plein bord (Vidal de La Bl., Tabl. géogr. Fr., 1908, p.156). b) À plein feu. V. supra B 2 b théâtre. c) À plein temps. V. plein(-)temps. d) À plein(s) tube(s) (pop.). Avec un maximum de volume sonore. La radio gueule à plein tube (Car.Argot1977). − Au fig. Beaucoup, complètement. Et je te déconne à pleins tubes! (Céline, Mort à crédit, 1936, p.497). e) À pleine(s) main(s). V. main 1reSection I D 1 a. − Fam., vieilli. [En parlant d'une étoffe, d'un drap] À pleine main. Qui est épais, bien fourni, moelleux. Cette étoffe est à pleine main (Ac.1835, 1878). f) À pleine tête (vieilli). À tue-tête. Un charlatan crioit à pleine tête (Florian, Fables, 1792, p.193). g) À pleine voix. Avec toute la puissance de la voix. L'élève entreprendra l'exercice suivant en arpèges; d'abord à pleine voix (Holtzem, Bases art chant, 1865, p.132). h) À pleins gaz. V. supra B 2 b automob. et gaz D 4. i) À pleines voiles. Avec le maximum de voilure dont le vent vient frapper toute la surface. Quelques barques de pêcheurs passaient à pleines voiles (Lamart., Voy. Orient, t.2, 1835, p.82). j) Région. (Canada) − À plein temps. ,,À ne voir ni ciel ni terre`` (Canada 1930). Il neigeait à plein temps (Guèvremont, Survenant, 1945, p.96). − [Dans le vocab. de la culture du foin, des céréales] À pleines clôtures. En abondance. Mais il savait que, dans ce sol alluvial où l'on chercherait vainement un caillou, le sarrasin, le foin, l'avoine lèveraient encore à pleines clôtures pour de nombreuses récoltes (Guèvremont, Survenant, 1945, p.19). 2. En plein + subst.Au milieu, au coeur d'un lieu, d'une matière, d'un moment du temps, d'un événement, d'une action. Je ne demande pas absolument que vous me fassiez cela en plein jour, en plein Paris (Borel, Champavert, 1833, p.194).Je serais entrée en pleine révolte (Sand, Hist. vie, t.2, 1855, p.250).Nous sommes en plein orage. Les volets battent (Giraudoux, Sodome, 1943, i, 2, p.51). SYNT. En plein champ, en plein ciel, en plein désert, en plein milieu; en pleine campagne, en pleine forêt, en pleine mer, en pleine nature, en pleine rue; en pleine ville; en plein été, en plein hiver, en plein midi, en plein nord; en plein XXesiècle; en pleine nuit, en plein soleil, en pleine lumière; en plein coeur, en plein visage; en pleine figure, en pleine poitrine; en plein vol; en plein drame; en pleine activité, en pleine bataille, en pleine crise, en pleine retraite; en plein essor; en pleine forme; en pleine connaissance de cause. a) En plein air. V. plein(-)air. b) En plein bois (ou en plein + terme spécifique). Dans le coeur du bois (d'un bois particulier). De bons gros sabots de champs, taillés en plein hêtre (H. Bazin, Vipère, 1948, p.57). c) En plein cintre. V. plein(-)cintre. d) En plein vent. Au vent, sans abri. Devant un étalage en plein vent (Proust, J. filles en fleurs, 1918, p.486).V. aussi supra B 2 b arboric. e) AGRIC. En pleine terre. À même le sol et non dans un pot; en plein air et non en serre. Le myrte et le laurier croissent en pleine terre (Chateaubr., Mém., t.1, 1848, p.550). f) Expressions − Peindre en pleine pâte*. − Tailler en plein drap. ,,Tailler dans une pièce de drap, y prendre tout ce qu'il faut pour faire un habit, sans être gêné par l'aunage`` (Ac. 1835, 1878). ♦ Au fig. V. drap A 2 a. II. − Loc. adv. À plein, en plein A. − À plein. Complètement, dans sa totalité, dans toute sa plénitude, dans toute son intensité, au maximum. 1. [Dans un cont. concr.] La lumière de la lampe tombant à plein sur le front blanc (Bernanos, Soleil Satan, 1926, p.99).L'eau coulait à plein. L'herbe chantait, comme du vent (Giono, Colline, 1929, p.23). − Région. (Canada). ,,Beaucoup, en abondance, en grande quantité, en foule. C'est beau à plein. Il y a des patates à plein`` (Canada 1930). 2. [Dans un cont. abstr.] Jouer à plein; utiliser qqc. à plein. La vie prise à plein (Renan, Avenir sc., 1890, p.465).Pour la première fois Nerval a donné à plein dans le mythe (Durry, Nerval, 1956, p.35). − Vieilli, rare. À pur et à plein. Entièrement. Absous à pur et à plein (Ac.1835, 1878).Soldé à pur et à plein (Ac.1835, 1878). B. − En plein 1. Entièrement. Cette fois je suis bien réveillé (...). Tu as fini par me réveiller en plein. Tu es content? (Giono, Batailles ds mont., 1937, p.199). − Sous la forme vieillie ou littér. tout en plein. Ses bas de soie troués qu'elle me faisait voir tout en plein en s'enfuyant (Mérimée, Carmen, 1845, p.37).Ne l'ai-je pas gagné [un procès] l'autre jour tout en plein? (Augier, Jeunesse, 1858, p.323). 2. [Avec une idée suppl. de localisation] Directement et entièrement. a) [Dans un cont. concr.] En plein dessus. Au moment de la nouvelle lune, le soleil éclaire en plein l'hémisphère terrestre tourné vers notre satellite (Flammarion, Astron. pop., 1880, p.197).Le soleil tapait en plein sur le mur blanc (Triolet, Prem. accroc, 1945, p.106). b) [Dans un cont. abstr.] J'ai donné dans la charte en plein (Courier, 1825ds Rec. textes hist., p.189).[La mystification] est telle, que beaucoup d'hommes sérieux donnent dedans en plein (Sand, Corresp., t.3, 1848, p.44). c) Fam. En plein dedans. V. dedans I B 2. 3. Région. (Canada). Exactement, tout à fait. C'est en plein la femme pour réchauffer la paillasse d'un vieux (Guèvremont, Survenant, 1945, p.238). III. − Mot inv. à valeur d'adv. A. − 1. [Le plus souvent sous la forme fam. tout plein] Très, beaucoup, entièrement. Aimer tout plein; tout plein gentil. Des tas de copeaux énormes, amusants tout plein (Zola, Assommoir, 1877, p.519).Le jour était maintenant plein levé (Giono, Chant monde, 1934, p.195). 2. [Modifie un point cardinal à valeur d'adj. ou d'adv.] Complètement, tout à fait. Il faut donc faire route ouest plein (Baudry des Loz., Voy. Louisiane, 1802, p.156).Vent plein sud (La Hêtraie, Chasse, vén., fauconn., 1945, p.153).V. aussi nord D 2 ex. de Cendrars. 3. [Dans des loc. verb.] a) Sonner plein. Donner un son plein (v. supra I A 1 b p.méton.). Anton. sonner creux*: 6. ... un soir, j'ai eu bien peur (...) parce qu'une jarre avait sonné plein. Oui, je tape du pied, ça sonne plein. Je reste cloué. Je me dis: de l'eau? Non, il n'a pas plu...
Giono, Eau vive, 1943, p.13. b) MAR. Porter plein. Gouverner de telle sorte que les voiles soient suffisamment gonflées par le vent pour ne pas fas(s)eyer. Nous hissâmes le foc et la grande voile, nous portâmes plein, et nous nous élançâmes avec audace vers le large (Baudel., Avent. Pym,1858, p.8).(Gouverner) bon plein. ,,Au plus près sans chicaner le vent`` (Soé-Dup. 1906). (Gouverner) près* et plein. B. − Fam. [Avec un verbe autre qu'un verbe d'état] Plein de + subst. au sing. ou au plur.Un grand nombre de, une grande quantité de. Vous auriez vu plein d'Anglaises à voile vert (Farrère, Homme qui assass., 1907, p.140).Tu as plein de rouge à lèvres sur la figure (Cocteau, Parents, 1938, i, 4, p.209). − Sous la forme tout plein de. Ernest IV avait tout plein de bonnes petites vertus (Stendhal, Chartreuse, 1839, p.106).Il doit y avoir tout plein de fleurs, des cerisiers sauvages et des épines blanches qui sentent si bon (Mirbeau, Journal femme ch., 1900, p.57). IV. − Mot inv. à valeur de prép. [Indique la contenance totale, une grande quantité dans un contenant, un grand nombre] A. − [Dans un cont. concr.] M. Vyder (...) leur a donné de l'argent... Oh! plein un sac! (Balzac, Cous. Bette, 1846, p.408).De jolis mômes qui ont des croûtes plein la figure! (Zola, Assommoir, 1877, p.396).Il y a des petites filles comme celle que vous me décrivez plein les rues (Simenon, Vac. Maigret, 1948, p.61). − Sous la forme fam. tout plein. Un costume de sauvage (...) avec des sonneries de métal tout plein les manches (Goncourt, Journal, 1861, p.887). − Expr. pop. S'en foutre plein la lampe*, plein le lampion*. B. − [Dans un cont. abstr.] De la rage plein la tête (Giono, Colline, 1929, p.173).De l'amitié plein la voix (Guèvremont, Survenant, 1945, p.36). − Expr. fam. ou pop. ♦ En avoir plein (+ une partie du corps: le cul (v. cul I A 1 f δ), le dos, les bottes (v. botte2B 1 c arg.), les pattes (v. patte1B 4), etc.). Être fatigué, en avoir assez. J'en ai, quant à moi, plein le dos, révérence parler (Flaub., Corresp., 1872, p.403). ♦ En avoir plein la bouche. Parler beaucoup de quelqu'un, de quelque chose, avec enthousiasme, respect, admiration. Quand je parle d'eux, j'en ai plein la bouche (Renard, Journal, 1900, p.589).«La vie»: ils en ont plein la bouche (L. Febvre, De Spengler à Toynbee, [1936] ds Combats, 1953, p.141). ♦ En jeter, en mettre plein la vue* à qqn. V. − Subst. masc. A. − [Avec une idée de quantité] 1. Ce qui remplit entièrement quelque chose. a) Expressions
α) Faire le plein de + subst. indiquant la nature du contenant ou du contenu. Remplir entièrement un contenant de quelque chose. Ils avaient roulé toute la nuit, avaient mangé leurs sardines et vidé les bidons (...). Aux haltes, ils se vidaient et faisaient le plein des bidons (Dorgelès, Croix de bois, 1919, p.6).On employa le lendemain à faire le plein d'eau et de bois pour se rendre le plus tôt possible en Espagne (Charcot, Chr. Colomb, 1928, p.173). − En partic. Remplir entièrement de carburant le réservoir d'un véhicule à moteur. [Le docteur] faisait le plein de son réservoir à la pompe des demoiselles Simplicie (Bernanos, Crime, 1935, p.834). ♦ [P. ell. du compl.] J'ai besoin d'une auto tout de suite; avec de l'essence pour deux cents kilomètres. (...) «C'est une chance qu'on ait fait le plein hier...» (Beauvoir, Mandarins, 1954, p.196). − [Plein est empl. avec d'autres verbes que faire] On venait de finir le plein des chaudières (A. Daudet, Jack, t.2, 1876, p.111).Nous poursuivrions le voyage, une fois achevé le plein d'essence, et atterririons à Casablanca (Saint-Exup., Terre hommes, 1939, p.151).Par précaution, compléter le plein dès qu'il ne reste plus que cinq litres de carburant (Chapelain, Techn. automob., 1956, p.344). − P. anal. ou au fig. Rassembler le maximum de personnes ou de choses; recueillir quelque chose au maximum. Je faisais mon plein de récréation (Arnoux, Chiffre, 1926, p.101).Faire le plein des voix de gauche (L'Express, 16 janv. 1967, p.24, col. 3). ♦ [P. ell. du compl.] :
7. Peu de participation effective et même peu de présents aux réunions; une vie sporadique, avec des pointes dans les grandes occasions où on «fait le plein» et, le reste du temps, l'activité syndicale assurée par une poignée de militants bénévoles, surchargés de travail...
Reynaud, Syndic. en Fr., 1963, p.122.
β) Pop. Avoir son plein. Être ivre. Ça: c'est Mary-Saloppe, elle a son plein et dort (Corbière, Amours jaunes, 1873, p.197). b) DR. MAR. ,,Chargement complet du navire`` (Cap. 1936). c) Trop(-)plein*. 2. a) Ce qui est entièrement rempli de quelque chose, en particulier de sa substance. Il résulte de cet ouvrage (d'une dentellière) des pleins ou des vides qui forment un tissu plus ou moins varié (Chateaubr., Lettre sur art dessin ds pays., 1795, p.5).Lumière (...) segmentée par les pleins des volets (Proust, Prisonn., 1922, p.330). b) P. anal. Ce qui est bien rempli, rond dans un corps humain. Le plein d'un corps vu de dos, bien en chair (Goncourt, Journal, 1894, p.688).Depuis la tête et le plein du cou jusqu'aux beaux pieds (Giono, Gd troupeau, 1931, p.71). c) Spécialement − ARCHITECTURE ♦ Les pleins. Les parties solides, continues, non ajourées. Anton. les vides.Quoique les pleins dominent [dans la cathédrale de Côme], la variété et la finesse ne manquent point (Taine, Voy. Ital., t.2, 1866, p.421). ♦ Le plein d'un mur. La partie massive d'un mur, sans ouvertures (d'apr. Chabat 1876). − CALLIGRAPHIE, IMPR. Trait épais, appuyé d'un caractère (p.oppos. au délié). Je me sentais fort ennuyée de copier tous les jours un alphabet et de tracer des pleins et des déliés en caractères d'affiche (Sand, Hist. vie, t.2, 1855, p.257). − PHILOS. Le plein. L'espace supposé entièrement rempli de matière. Pour l'école d'Abdère, le fond de toutes choses est la matière, le plein, consistant en atomes indivisibles, au sein de l'espace vide (Cousin, Hist. gén. philos., 1861, p.109). B. − [Avec une idée d'intens., de maximum] 1. État de quelque chose, parfois de quelqu'un, qui est au maximum, dans toute l'intensité de ses caractéristiques. Le plein de l'été, de l'hiver. Malgré l'air marin qui souffle son plein (Gide, Corresp.[avec Valéry], 1898, p.319).Le plein de la saison du hareng (Boyer, Pêches mar., 1967, p.61). − Expr. [Le suj. désigne une pers. ou une réalisation hum.] Donner son plein. Donner toute sa mesure. La «civilisation du livre» (...) donna son plein (Huyghe,Dialog. avec visible,1955, p.29). − Au plein de, dans (en) le plein de. [Saint-Simon] nous la montre encore dans le plein de sa beauté (Sainte-Beuve, Caus. lundi,t.5, 1852, p.405).[Le pain] est devenu l'aliment unique, également comestible pour tous: l'enfant, l'homme en son plein, le vieillard (Pesquidoux,Livre raison,1928, p.250).Nous irons, m'a-t-il dit, dans le plein des collines jusqu'à la veine des sources (Giono,Manosque,1930, p.92).Jusqu'au plein du Moyen Âge chrétien (Philos., Relig., 1957, p.4-13). − En partic. Le plein (de la lune). La phase correspondant à la pleine lune. La lune était alors dans son plein, on voyait aussi nettement les objets que dans le jour (Sand, Valentine,1832, p.161). − MARINE ♦ Le plein (de la mer, de l'eau). La marée haute. Roches dont les têtes seulement émergeaient alors, car on était au plein de la mer (Verne, Île myst., 1874, p.61).On les munit [les écluses] de portes étanches qu'on ouvre un peu avant le plein et qu'on ferme au commencement du jusant (Bourde, Trav. publ., 1929, p.269). ♦ Le plein. Synon. de plain II B 2.Ai fait atteler, −partis pour le plein par les dunes et les sables mouvants (Barb. d'Aurev., Memor. pour l'A... B..., 1864, p.430).[Le suj. désigne un bâtiment] Aller, venir, se mettre au plein. S'échouer. Si le Saint-Jean vient au plein, il sera brisé en miettes (Malot, R. Kalbris, 1869, p.21). ♦ Expr. Battre son plein [Le suj. désigne la mer] Battre le rivage à marée haute. J'entendis la mer battre son plein sous la falaise (Malot, R. Kalbris, 1869, p.85).Au fig. [Le suj. désigne une chose, parfois une pers.] Être au fort de son activité, de ses capacités. La fête bat son plein. Il trouvait que madame de Vonancourt, jolie, élégante, battant son plein, était tout à fait la femme qu'il lui fallait (Gyp, Leurs âmes, 1895, p.307). Rem. Certains puristes ont émis l'hypothèse que dans cette expr., son était subst. (et non poss.) et plein adj. (et non subst.) à l'image, p.ex. d'une cloche qui battrait (un) son plein (v. supra I A 1 b [p.méton.]). Cela donnerait au plur.: des fêtes battent son plein (et non des fêtes battent leur plein). Les linguistes s'accordent pour dire que cette hypothèse est une erreur, que l'expr. se rapporte au lang. de la mar. et qu'il convient d'accorder au plur. (v. p.ex. Thomas 1956, Colin 1971, Dupré 1972). 2. ASSUR. ,,Somme maxima que la société d'assurance peut, aux termes de ses statuts, assurer sur un seul risque, sans réassurance`` (Cap. 1936): 8. ... le plus souvent, une société, si puissante soit-elle, ne peut, à elle seule, assurer un navire ou une cargaison (...). Plusieurs compagnies sont alors appelées à concourir pour couvrir un risque, en fonction de leurs «pleins».
M. Benoist, Pettier, Transp. mar., 1961, p.170. VI. − [Plein est mis pour plain ou prin] A. − [Plein est mis pour plain ou est en collision homon. avec plain (v. infra étymol. et hist.)] 1. Adjectif a) Pleine campagne. En face, par-dessus les toits, la pleine campagne s'étalait à perte de vue (Flaub., MmeBovary, t.2, 1857, p.46). b) De plein fouet − Tir de plein fouet. Pas une muraille ne fut capable de supporter un tir de plein fouet (Ledieu, Cadiat, Nouv. matér. nav., 1890, p.72). − De face, violemment. Frapper de plein fouet. Sur la nationale, le vent me prend de plein fouet (Giono, Gds chemins, 1951, p.216).Un train de passagers a heurté de plein fouet sur une voie unique une locomotive diesel qui venait en sens inverse (L'Est Républicain, 12 oct. 1985, p.434). ♦ Au fig. V. fouet A 1 c. c) MAR. Pleine mer. V. supra I B 2 b. d) HÉRALD. Écu plein (Littré). La branche aînée de cette maison portait les armes pleines (Ac.1835-1935). e) De plein(-)pied. Petite porte qui donne de plein-pied dans la campagne (Guilbert de Pixer., Victor, 1798, i, 1, p.3).Obstacles que l'on peut aborder de plein pied (Ledieu, Cadiat, Nouv. matér. nav., 1890, p.64). f) Terre-plein*. 2. Subst. masc., MAR. V. supra V B 1 a. B. − [Plein est mis pour prin «premier» (v. primesaut étymol. et hist.)] Vieilli. De plein saut, d'un plein saut 1. Franchir un fossé de plein saut. Le franchir ,,en sautant d'un bord à l'autre`` (Ac. 1798-1878). 2. Au fig. Du premier coup, d'un seul coup. Les hommes de cette Péninsule [l'Espagne] avaient franchi deux de leurs siècles d'un plein saut (Chateaubr., Congrès Vérone, t.1, 1838, p.61).Quelques oeuvres (...) l'avaient mis de plein saut au rang des maîtres (Feuillet, Sibylle, 1863, p.207). REM. 1. Plénifier, verbe trans.,hapax. Donner toute sa plénitude, toute son intensité (à quelque chose). Dieu sur la croix consolide et plénifie cette parole qu'il a proférée le sixième jour, quand (...) il déclara que toutes choses étaient bonnes et très bonnes (Claudel, Poète regarde Croix, 1938, p.154). 2. Plénifiant, -ante, adj.,hapax. Qui rend plein (d'une chose concrète ou d'un aspect de plénitude intérieure, de bien-être). À chaque dilatation de ses poumons plénifiante il découvre en lui-même quelque chose d'immense (Claudel, Visages radieux, 1947, p.778). Prononc. et Orth.: [plε
̃], fém. [plεn]. Homon. plain. Confusion plain/plein. V. plain. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. Adj. 1. ca 1050 fig. «dominé par, empli du sentiment, de l'idée de» (Alexis, éd. Chr. Storey, 136); 2. a) ca 1100 «empli, dont l'espace intérieur est totalement occupé» (Roland, éd. J. Bédier, 3686); b) ca 1100 antéposé, dans un syntagme désignant le contenu ou la taille de quelque chose pour indiquer une quantité (ibid., 3606); c) ca 1170 «occupé par autant de personnes que prévu, complet» (Chrétien de Troyes, Erec et Enide, éd. M. Roques, 562); d) ca 1220 «empli de nourriture» (G. de Cambrai, Barlaam et Josaphat, 12180 ds T.-L.); 1450 yvre et plenne de vin (Archives du Nord, B 1684, fo151 vods IGLF); 1640 (Oudin, p.431: plein −i. yvre ou saoul); e) [1886 d'apr. Esn. «bien en fonds» en parlant d'un joueur] 1901 arg. «riche» (Bruant) [1909 d'apr. Esn.] plein aux as prob. en rapport avec le terme du jeu de poker full*; 3. a) ca 1100 «étant dans toute son ampleur, sa puissance`` (Roland, 1204); b) déb. xiies. précédé de la prép. à «dans toute la force, la puissance, avec la totalité de» (St Brendan, 1669 ds T.-L.); c) ca 1160 «au moment où elle est entière (lune)» (Eneas, 1115, ibid.) d) 1160-74 «total, sans restriction» plain cungié (Wace, Rou, éd. A.-J. Holden, II, 387); ca 1208 plain pooir (Villehardouin, Conquête Constantinople, éd. E. Faral, § 11, t.1, p.14); e) 1176-81 précédé de la prép. en «au milieu de, dans son moment le plus fort» an plainne cort (Chrétien de Troyes, Chevalier lion, éd. M. Roques, 3668); xiiies. en plain aoust (Rêveries ds Bartsch Chrestomathie, 74, 18, p.237); f) ca 1225 «qui est au moment le plus fort, exactement dans son maximum» plains miedis (Gautier de Coincy, Miracles Notre Dame, éd. F. Koenig, I Mir 37, 365, t.3, p.88); 4. a) ca 1100 «dans toute sa durée» (Roland, 2); ca 1485 ses jours plains «son compte de vie, l'âge de mourir» (Vieil Testament, XXX, 27078, éd. J. de Rothschild, t.3, p.425); b) 1810 «dont la durée est tout entière occupée, empli d'activité» (Stendhal, Journal, p.68); 5. a) fin xie-déb. xiies. «ferme, replet» (Alberic de Besancon, Alexandre, éd. E. C. Amstrong, Elliott Monographs, t.3, p.40, v. 68); b) 1538 «massif, constitué d'une matière dense» (Est., s.v. gravidus); c) 1580 fig. «dense, riche, de grande valeur intellectuelle» (en parlant de livres) (Montaigne, Essais, II, XII, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, p.569); 1588 «id.» en parlant du langage (Id., ibid., III, V, p.873); d) 1690 «épais» (en parlant d'un trait ou d'un caractère d'écriture) (Fur.); 6. a) 1155 «dans lequel, sur lequel il y a beaucoup (de)» (Wace, Brut, éd. I. Arnold, 11543); b) ca 1140 fig. «dont le caractère, l'esprit ou la personnalité présente beaucoup de» (Pélerinage Charlemagne, éd. G. Favati, 438); c) ca 1176 «riche en» (Cligès, éd. A. Micha, 3264); 7. 2emoit. xiiies. «en gestation, enceinte» (Gaufrey, 318 ds T.-L.); 8. 1549 plain saut pour prin saut, v. primesaut (Ronsard, Aventurée du Roi, 130, OEuvres, éd. P. Laumonier, t.1, p.23). B. Prép. inv. 1. déb. xiies. «autant que ce que désigne le subst. peut en contenir ou en offrir» (St Brendan, 1578 ds T.-L.: Plein un sacel); 2. 1176-84 «en grande quantité, en abondance dans ou sur» (Eraclius, 6325, ibid.). C. Loc. adv. 1. déb. xiies. a plein «complètement, entièrement» (St Brendan, 600, ibid.); 2. 1734 en plein «totalement, directement» (Marivaux, Le Paysan parvenu, p.60). D. Adv. 1. ca 1268 tout plain de «beaucoup de» (Brunet Latin, Trésor, 41 ds T.-L.); 1903 plein de «beaucoup» (Nouv. Lar. ill.); 2. ca 1200 tout plein «tout à fait» (Beuve de Hantone [Anglo-norm.], éd. A. Stimming, 633); 3. 1736 porter plein (Aubin, Dict. de mar., p.726); 4. 1784 verser plein (Diderot, Jacques le fataliste, p.523); 5. 1943 sonner plein (supra ex. 8). E. Subst.1. 1174-76 «la totalité (de quelque chose)» (G. de Pont Ste-Maxence, St Thomas, éd. E. Walberg, 164); 2. ca 1340 «état de ce qui est à son maximum, milieu de» (Batard de Bouillon, 5490 ds T.-L.); 1552 la Lune en son plein (Ronsard, Odes, V, IX, 50, éd. P.Laumonier, t.3, p.167); 3. a) 1580 «espace constitué d'un ensemble continu de matière» (p.oppos. au vide) (Montaigne, op. cit., II, XII, p.539); b) 1636 «partie pleine de quelque chose» le plein de la jambe (Monet); c) 1680 «partie large d'un trait d'écriture, d'un caractère» (Rich.); 4. 1626 (la mer) au plein «à marée haute» (D'Aubigné, Hist. universelle, XI, III, éd. A. de Ruble, t.7, p.29); 1851 battre son plein au propre en parlant de la mer et, par image, en parlant du maximum de quelque chose (Barbey d'Aurevilly, Vieille maîtresse, II, III ds Rob.); 5. 1636 «état de ce qui est rempli» le plein de la bourse (Monet); 1863 faire le plein d'eau (Bellot, Voyage mers polaires, p.105); 1911 faire le plein d'essence (Rozet, Défense et Illustr. de la Race Française ds Petiot 1982); 6. 1873 assur. (Journal des actuaires fr., janv., t.2, p.88 ds Littré Suppl.). F. Adj. 1. 1350 draps pleins (p.oppos. à rayés) (Ordonnances des rois de France, t.2, p.397); ca 1465 velours plein (G. Chastellain, Chron., VI, XVII, éd. Kervyn de Lettenhove, t.4, p.78); 2. ca 1280 armes plaines (Girard d'Amiens, Escanor, 3761 ds T.-L., t.7, col. 1026); 1606 Pleines Armes (Nicot). Du lat. plenus «plein, complet, entier, abondant en». La collision homon. avec les formes issues du lat. planus (v. plain chant et plain pied) est à l'orig. des empl. notés en F et qui proviennent de ce dernier étymon. Le rattachement à l'un ou à l'autre étymon est parfois moins sûr, d'autant que l'étymol. seconde a pu jouer; cf. p.ex. le sens actuel de pleine terre qui désignait un terrain découvert en a. fr. d'apr. planus «plat, uni, net» (Roland, 3294) et plein subst. «partie pleine d'un mur» ds FEW t.9, p.27a sous l'étymon planus qui semble plutôt correspondre au sens noté ici en E 3 b alors qu'on trouve en a. fr. plain «partie plane, plate, d'un mur» (Villehardouin, Conquête Constantinople, éd. E. Faral, § 243, t.2, p.44) ou encore l'expr. de plein fouet (1865, Littré) où plein, avec le sens de «à l'horizontale» peut être rattaché à planus comme dans l'expr. de plein vol en a. fr. (Renard, éd. E. Martin, XIII, 446, t.2, p.55) ainsi que le terme de mar. (supra V B 1 a et Étymol. et Hist. E 4) rattaché à l'a. fr. plain «rivage plat» (FEW t.9, p.30a). Fréq. abs. littér.: 27424. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 29606, b) 47337; xxes.: a) 46585, b) 37986. Bbg. Corbett (N. L.). Encore une fois pleine sa hanste. R. Ling. rom. 1969, t.33, pp.349-352. _ Mantou (R.). La Lexicalisation dans la tournure adj. In: [Mél. Pohl (J.)]. Bruxelles, 1980, p.149. _ Mériz (D. T.). Encore une fois pleine sa hanste. Romania. 1973, t.94, pp.549-554. _ Quem. DDL t.12 (s.v. plein le dos), 19 (id.). _ Ross (D.). Med. Aevum. 1951, t.20, pp.1-10. _ Rothwell (W.). Archivum Linguisticum. 1955, t.7, pp.87-95. _ Spitzer (L.). Il a de l'argent plein la poche. Fr. mod. 1939, t.7, pp.329-334; 1940, t.8, pp.117-119. _ Steinmetz (H.). Galloromanische Bezeichnungen für betrunken... Bonn, 1978, pp.83-85. |