| PLATONIQUE, adj. A. − HIST. DE LA PHILOS., vieilli. Relatif à la philosophie de Platon, particulièrement à l'idéalisme platonicien. Synon. platonicien.Quelques-uns d'entre nous néanmoins prisaient peu ces paradoxes platoniques, et à travers nos rêves renouvelés d'Alexandrie agitaient parfois la torche des dieux souterrains, qui éclaire l'ombre un instant de ses traînées d'étincelles (Nerval, Filles feu,Sylvie, 1854, p.591). − En partic. Année platonique. ,,Révolution à la fin de laquelle on suppose que tous les corps célestes seront dans le même lieu où ils étaient au commencement de cette révolution`` (Ac.). B. − 1. [P. réf. aux affections dégagées des sens telles que Platon les a décrites notamment dans le Phèdre, le Banquet] Qui a un caractère idéal, pur, spiritualisé, dégagé de toute sensualité. Amitié, passion platonique. M. Laubépin et Mllede Porhoët sont entrés dans ma chambre (...) il s'est formé dès longtemps entre ces deux vieillards un attachement platonique et respectueux (Feuillet, Rom. j. homme pauvre,1858, p.315).La tendresse de ces parfaits amants, bien que vive, est toute platonique et se contente de quelque baiser sur la main ou sur le front (Gautier, Fracasse,1863, p.330): . ... Dominique l'interrompit pour expliquer posément qu'elle n'acceptait d'hommages que platoniques et qu'il ne pouvait être question entre eux des viles et stercoraires réalisations de l'amour charnel.
Queneau, Loin Rueil,1944, p.174. − Amour platonique. Amour qui exclut les relations charnelles. Être atteint d'amour platonique; inspirer un amour platonique. Modeste aimait, elle aimait de cet amour platonique si rare, si peu compris, la première illusion des jeunes filles, le plus délicat de tous les sentiments, la friandise du coeur (Balzac, Modeste Mignon,1844, p.53).Sur l'amour, le Banquet, Phèdre; mais dans le Lysis l'essentiel y est déjà, la grande idée de l'amour platonique. (...) Celui que l'on aime, on le pose en absolu, mais il n'est jamais qu'un intermédiaire entre soi et le bien absolu. Peut-être n'y a-t-il pas d'amour profane (M. Alexandre, Lecture de Platon,1968, p.57, 61).V. amour ex. 129 et 133. ♦ [P. méton.] Amant platonique. Le soupirant attitré mais platonique de madame, causait tout bas avec elle dans un coin (Maupass.,Contes et nouv.,t.1, Mais. Tellier, 1881, p.1202).Une camarade ayant rangé Tristan et Yseult parmi les amoureux platoniques, Zaza éclata de rire: «Platoniques! Tristan et Yseult! Ah! non!» dit-elle avec un air de compétence qui déconcerta toute la classe (Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p.159). − Empl. subst. masc. sing. à valeur de neutre. Aux Aigues, Émile Blondet était sans venin et presque sans esprit, il ne disait pas une épigramme, il avait une douceur d'agneau, il était d'un platonique suave (Balzac, Paysans,1850, p.359). 2. P. anal. Qui est théorique, de pure forme, sans effet réel, sans efficacité. Synon. formel.Question platonique; voeux platoniques. Tout est à l'aventure et à la dérive. On l'a vu dans ce débat sur les 28 jours où le gouvernement (...) s'est borné à des réserves platoniques (Jaurès, Guêpier marocain,1914, p.223).D'autre part, son souhait [de Churchill] de voir des troupes amies dans la zone du Canal de Suez semble devoir rester platonique (Combat,19-20 janv. 1952, p.4, col. 5).Bien que ces mesures fussent autant de violations flagrantes des traités, le monde libre se bornait à y opposer la protestation platonique de la Société des Nations (De Gaulle, Mém. guerre,1954, p.12). Prononc. et Orth.: [platɔnik]. Att. ds Ac. dep. 1762. Étymol. et Hist.1. a) 1486 [date de l'éd., oeuvre de ca 1375] subst. «disciple de Platon» (Raoul de Presles, trad. de la Cité de Dieu de Saint Augustin, VIII, expos. sur le chap.X ds Gdf. Compl.: les platonicques ou platoniciens); 1504-09 [imprimé en 1549] adj. (J. Lemaire de Belges, Couronne Margaritique ds OEuvres, éd. J. Stecher, t.4, p.120: Marsille Ficin de Florence, philosophe Platonique); b) 1511 adj. «relatif à la philosophie de Platon» (Id., Illustrations de Gaule et singularitez de Troye, ibid., t.1, p.239: Acuité Platonique); 2. 1577 chronol. (A. Du Verdier, Diverses leçons, éd. 1606, p.106 ds Fonds Barbier: le grand an, appellé de quelques uns Platonic); 1691 année platonique (Ozanam); 3. a) 1659 «se dit d'un amour, d'un sentiment idéal» amour à la platonique (Tallemant des Réaux, Historiettes, éd. Adam-Delassault, Paris, 1961, p.692 ds Mél. Gamillscheg (E.), p.31); 1743 amour platonique (F. A. Aubert de La Chesnaye des Bois, Lettres amusantes et critiques sur les romans, p.225); b) 1738 p.ext. «formel, théorique, sans effet réel» (J. B. Rousseau, Épîtres, l. II, ép.V, à M. L. Racine ds OEuvres, Paris, 1820, p.2, p.140: ce triomphe héroïque N'est qu'une idée, un songe platonique). Empr. au lat. Platonicus adj. et subst. «platonique; platonicien», et celui-ci au gr. π
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ς, mêmes sens, dér. de Π
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ν «Platon, philosophe grec». Fréq. abs. littér.: 152. DÉR. Platoniquement, adv.a) D'une manière platonique, chaste, non charnelle. Aimer platoniquement. La sentimentalité qui, jeune, le faisait platoniquement soupirer pour Marie-Béatrix, s'est changée avec l'âge en sensualité, et ceux de ses fermiers qui ont une jolie fille peuvent l'envoyer, les mains vides, payer les redevances (Péladan, Vice supr.,1884, p.29).b) Sans participation concrète, réelle. La démence du malheureux prince, mort récemment, du roi bizarre qui régna platoniquement sur la Bavière (Maupass., Contes et nouv.,p.2, Cas de div., 1886, p.1067).− [platɔnikmɑ
̃]. − 1resattest. a) 1571 «à la façon de Platon» (M. de La Porte, Epithetes, 209, vo, s.v. Platon), b) 1748 «d'une manière platonique, exempte de toute sensualité» (Diderot, Bijoux indiscrets, p.231: ils s'aimèrent platoniquement), c) 1872 «d'une manière idéale, imaginaire, sans effet» (Viollet-Le-Duc, Archit., p.396); de platonique, suff. -ment2*. BBG. −Arveiller (R.). Contribution à l'ét. du lex. fr. [In: Mél. Gamillscheg (E.)]. München, 1968, p.31 (et s.v. platoniquement). _Pauli 1921, p.58 (s.v. platoniquement). |