| PLATITUDE, subst. fém. A. − Caractère de ce qui est plat, sans relief. Platitude d'un champ, d'une plaine, d'un canal, d'une feuille de tôle. Quelle joie pour moi quand je sortais enfin de cette platitude du paysage de Mâcon, pour entrer dans les véritables collines du Mâconnais (Lamart., Nouv. Confid.,1851, p.75).Comme le squelette transparaissait sous la platitude de ses seins (Lorrain, Phocas,1901, p.196).Le plateau (...) bien triste avec ses cailloux et ses revêches palmiers nains, mais dont la platitude même est un repos pour l'esprit (Tharaud, Marrakech,1920, p.9). − P. méton. Terrain, paysage plat. La chebka.Une immense platitude de pierres. Une sorte de néant jaunâtre, sous un ciel sulfureux (Lenormand, Simoun,1921, 6etabl., p.62).Puis les dunes s'aplatirent de sorte que de toutes parts on ne voyait rien que de bas, de nu (...). Le soleil de la fin d'août avivait du reste les gris et les beiges dont se composait cette platitude (Drieu La Roch., Rêv. bourg.,1937, p.28). B. − Au fig. 1. Caractère de ce qui est uniforme, sans trait marquant, sans attrait. Un de ces effets de lumière qui transfigurent souvent à Paris la grise platitude des maisons et la contrefaçon de grandeur des architectures bêtes (Goncourt, Man. Salomon,1867, p.391).Le caractère gras, par l'intermittence de son emploi, évite la platitude (E. Leclerc, Nouv. manuel typogr.,1932, p.262).On constate, en Grèce, à Versailles (...) de quelles lignes asymétriques est faite la beauté de leurs édifices. Le fil à plomb tue cette beauté presque humaine. On connaît la platitude, l'ennui mortel de nos immeubles où l'homme se renonce (Cocteau, Diff. d'être,1947, p.222). ♦ En partic. ,,Caractère du vin plat, mou`` (Ren. Vin 1962). − Dans le domaine des faits de pensée, de l'expr., de l'art.Manque d'originalité, d'élévation. Platitude des idées, d'une plaisanterie, d'une conversation; platitude d'un roman, d'un poème, de vers, d'un film, d'un sujet; tomber dans la platitude. Quel chien de sujet! Je passe alternativement de l'emphase la plus extravagante à la platitude la plus académique. Cela sent tour à tour le Pétrus Borel et le Jacques Delille (Flaub., Corresp.,1857, p.239).[Bonnat] a peint aussi Jules Ferry. Celui-là ressemblait (...) à un maître d'hôtel de palace et la platitude du tableau et de son jus maussade et brun s'accorde ici exactement avec la platitude du modèle (L. Daudet, Idées esthét.,1939, p.37): 1. J'essaie de lire un roman de P. de Kock (La maison blanche); mais l'insupportable platitude des personnages, des scènes et du style me fait mal au coeur. Pour quels gargotiers, portiers ou blanchisseurs, sont donc écrits des livres aussi bêtes et aussi vulgaires?
Amiel, Journal,1866, p.374. ♦ [P. méton., à propos d'un écrivain, d'un artiste] Je ne veux pas chanter Les Mémoires d'un Touriste [de Stendhal] Ça pourrait être long; c'est le Manuel du Voyageur homme d'esprit. C'est-à-dire une chose adorable à concevoir, un sublime. Relire Taine après cela pour toucher bien la platitude dudit (Valéry, Corresp.[avec Gide], 1897, p.291).Essayé de relire du Lamartine et pris d'un ennui invincible dès la quatrième page (...) il est ampoulé quand il n'est pas d'une platitude honteuse (Green, Journal,1954, p.270). ♦ [À propos d'occupations, de l'existence] Manque d'imprévu, médiocrité. Il s'assoupissait dans un engourdissement de félicité sommeillante, dans la platitude des causeries de ménage et du petit commerce (Goncourt, Man. Salomon,1867, p.379).L'existence quotidienne se poursuit dans notre trou avec sa platitude ordinaire (Tharaud, Relève,1919, p.140).Le métier de clerc d'avoué est la platitude même (Léautaud, Passe-temps,1929, p.43). − P. méton., gén. au plur. Ce qui a un caractère plat (actes, idées, paroles, oeuvre, événement). Synon. banalités, fadaises, lieux communs, poncifs.Dire, écrire des platitudes; jouer une platitude; les platitudes du mariage, de la vie. Couché vers minuit et écrit ce Memorandum, aussi insignifiant que ce qu'il rappelle. Quel tissu de platitudes que la vie! (Barb. d'Aurev., Memor. 1,1836, p.88).Parlé avec les professeurs en attendant l'heure de la conférence; nous avons gravement échangé des platitudes sur la température et sur la guerre (Green, Journal,1943, p.29): 2. Racine. −La chose dont je lui sais le plus de gré, ce n'est pas d'avoir écrit les chefs-d'oeuvre d'Athalie, de Britannicus, d'Esther, etc., etc... c'est de n'avoir laissé de lui, après lui, que ces belles tragédies et pas une platitude de circonstance comme firent Corneille, et même Molière. Pas un madrigal honteux, pas une fadeur...
Vigny, Journal poète,1844, p.1222. 2. Manque de personnalité, d'élévation dans les idées chez une personne, dans une collectivité. Son dos même, son dos tranquille était irritant à voir, et elle y trouvait étalée sur la redingote toute la platitude du personnage (Flaub., MmeBovary,t.1, 1857, p.117).Vous m'avez offert une hospitalité et des secours que j'ai obstinément refusés. −Eh ! qui vous parle de cela? Vous les eussiez acceptés, que je n'aurais pas la platitude de vous les reprocher (Sand, M. Sylvestre,1866, p.292).L'ennui (qu'il [Flaubert] confesse) d'écrire ses romans de moeurs modernes et d'élever des monuments stylistiques à la platitude provinciale et bourgeoise (Valéry, Variété V,1944, p.202). − P. ext. Manque de dignité, caractère de celui qui manifeste une trop grande humilité pour obtenir des faveurs, la bienveillance de supérieurs. Synon. obséquiosité, servilité.On dit que Cousin manque aux saintes lois de la platitude et refuse de prêter serment! J'admire! (Hugo, Corresp.,1852, p.98).Ça vous dégoûte, la platitude de la presse, qui l'a autrefois et furieusement attaqué et qui, devant son gros succès de vente, a des attitudes de chien couchant (Goncourt, Journal,1888, p.768): 3. Le rire à l'académicien, la flatterie au ministre, la lèche au financier (...) ne vont pas avec la cabriole artistique, la gambade littéraire, ni les airs de mousquetaire aux champs. Il faut choisir entre la platitude et les Grâces...
L. Daudet, Salons et journaux,1917, p.65. ♦ P. méton., gén. au plur. Action basse, servile. Synon. fam. bassesses, courbettes.Si vous croyez que je vais revenir et vous faire des platitudes, vous vous trompez. Je suis fière (Hugo, Misér.,t.2, 1862, p.671).Sa vie toute entière se résumait en platitudes et petites précautions rusées pour retenir tout le monde, et se pousser du col (Aragon, Beaux quart.,1936, p.200). REM. Platitudineux, -euse, adj.,hapax, synon. de plat.Le désert de blé immense et platitudineux (Claudel, Corona Benignitatis,1915, p.434). Prononc. et Orth.: [platityd]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist.1. a) 1694 «(d'un discours, d'un style, d'une production de l'esprit) caractère de ce qui est sans élévation» (Ac.: Tout ce qu'il dit est d'une grande platitude); b) 1804 «absence d'originalité, d'imprévu, uniformité des choses» la platitude de la vie commune (Constant, Journaux, p.147); c) 1815 «médiocrité intellectuelle» (Id., ibid., p.449); en partic. 1817 «humilité excessive d'une personne» (Staël, Consid. Révol. fr., t.2, p.38); 2. a) 1776 «tabatière plate» (Bachaumont, Mém. secrets, 5 mai ds Brunot t.6, p.1106 et note 7); b) 1851 «caractère d'une chose plate, au relief peu accentué» la platitude du paysage de Mâcon (Lamart., loc. cit.). Dér. de plat1*; suff. -itude*. Fréq. abs. littér.: 285. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 224, b) 452; xxes.: a) 643, b) 391. Bbg. Darm. 1877, p.190. |