| PLAT2, subst. masc. A. − 1. Pièce de vaisselle plus ou moins creuse dans laquelle on sert les mets et où on peut quelquefois les faire cuire. Une forte fille aux joues rebondies (...) portait au bout de ses poings rouges les larges plats chargés de nourritures (Maupass., Contes et nouv.,t.2, Hist. vraie, 1882, p.335).Je songe (...) à Palissy misérable brûlant ses parquets, ses meubles pour faire cuire ses plats (Faure, Espr. formes,1927, p.128).Dans le même service impérial figuraient, en abondance, des plats d'entrées, d'entremets, de relevée (...), ainsi que des plats de rôts, à turbots et à brochets (Grandjean, Orfèvr. XIXes.,1962, p.53): 1. ... la soupière leur inspira le goût des faïences: nouveau sujet d'études et d'explorations dans la campagne. C'était l'époque où les gens distingués recherchaient les vieux plats de Rouen.
Flaub., Bouvard,t.1, 1880, p.117. SYNT. Plat creux, plat, large, long, ovale, rond; grand, petit plat; plat ébréché, fêlé; plat ciselé; plat de/en bois, céramique, faïence, porcelaine, terre, argent, cuivre, étain, or; plat à cake, à escargots, à oeufs, à poisson, à tarte; plat à gratin; plat à rôtir; plat de Chine, de Delft, Renaissance; essuyer, laver, récurer les plats; lécher, nettoyer, racler, torcher le plat; ne rien laisser dans le plat; manger à même le plat; oeuf au plat/sur le plat. ♦ Plat couvert. Plat muni d'un couvercle pour en protéger le contenu. Chaque jour, une procession de serviteurs m'apportait en des plats couverts une portion de chaque mets du repas royal (Maupass., Contes et nouv.,Châli, 1884, p.449).P. ext. Au xixes., plat surprise ne figurant pas au menu. V. couvert ex. 3.P. métaph. «Fixe!» commande le capitaine de toute la force de son enrouement incurable. Car c'est son triomphe, son «plat couvert», la parade des petits forçats (Coppée, Coupable,1897, p.179). − P. métaph. La baronne ne pouvait pas, ne savait pas servir sa blanche poitrine dans un magnifique plat de guipure (Balzac, Cous. Bette,1846, p.279).Les morceaux [de musique] découpés et servis sur le plat d'un concert, perdaient toute signification, demeuraient privés de sens (Huysmans, À rebours,1884, p.272). 2. P. méton. a) Ce récipient et son contenu; chacun des mets servis au cours d'un repas. Les deux femmes les servaient, remplissant les assiettes vides, apportant le grand plat de lard et de pommes de terre bouillies (Hémon, M. Chapdelaine,1916, p.61).Courtial il était porté sur les plats en «sauce» (Céline, Mort à crédit,1936, p.471): 2. ... le dîner fut patriarcal. L'architecte (...) s'appesantissait sur les plats, des plats de ménage, abondants et sains, comme il les qualifiait. Il y avait, ce soir-là, une poule au riz, une pièce de boeuf et des pommes de terre sautées.
Zola, Pot-Bouille,1882, p.273. SYNT. Plat appétissant, délectable, délicat, fin, friand, lourd, médiocre, bien présenté, raffiné, raté, réussi, savoureux, soigné, succulent; plat simple, compliqué, savant; plat chaud, froid, fumant; plat doux, épicé, salé, sucré; plat de crème, de fruits, de légumes, de riz, de viande; plat d'entrée, d'entremets, de relevé; plat exotique, local, national, régional, typique; assaisonner, cuisiner, mitonner un plat; servir plusieurs plats; se jeter sur les plats; reprendre d'un plat; faire honneur aux plats; toucher à peine aux plats. − P. métaph. Je ne puis plus prétendre à l'amour des jeunes pucelles. Hélas! à moins de devenir évêque, c'est un plat dont je ne goûterai plus jamais (A. France, Rôtisserie,1893, p.185).L'Évangile, sans l'antidote de l'Ancien Testament, est un plat fade et malsain (Rolland, J.-Chr.,Maison, 1909, p.998). − En partic. Plat cuisiné*, garni*. ♦ Plat monté. Synon. plus cour. pièce montée*.J'ai vu une chose gigantesque, à savoir deux plats montés (...). Ces deux pâtisseries, hautes d'un pied et demi, étaient terminées par une sylphide ou ange portant des couronnes (Flaub., Corresp.,1869, p.37). ♦ Plat unique. Mets où la viande et les légumes sont mélangés et souvent cuits ensemble et que l'on sert souvent sans entrée. Riz aux noix. Un plat unique amusant pour un dîner entre amis (La Table et ma cuisine,nov. 1981, no44, p.34). ♦ Petit plat. Mets fin, demandant une certaine préparation. Elle triomphait dans les petits plats, car elle avait grandi au presbytère, avec sa marraine, la servante du curé (Zola, Page amour,1878, p.822).Thomas expédiait la nourriture, mais la Karabassen s'arrangeait pour prolonger la fête en cuisinant de petits plats, en préparant tout à coup de petits suppléments qui demandaient à mijoter et que l'autre avalait enfin (...), abasourdi de tant d'histoires pour la nourriture, et une nourriture féminine qui ne bouchait pas les dents et ne calait pas l'intérieur (Queffélec, Recteur,1944, p.82).Loc. Mettre les petits plats dans les grands. Préparer un repas très raffiné, faire beaucoup de frais pour recevoir quelqu'un. Elle avait mis les petits plats dans les grands, disait-elle (...). Mais elle n'était pas très sûre de son cordon bleu, et elle avait tout fait venir de chez Potel et Chabot. Elle mentait un peu, prétendant que le turbot sauce mousseline lui avait causé du tintouin (Aragon, Beaux quart.,1936, p.410). ♦ Plat de résistance. Mets principal, le plus nourrissant du repas. Il fut entendu qu'on dînerait tous ensemble (...). Gaspard se chargeait du plat de résistance. Et de la poche ménagée dans le dos de sa veste, il tira un maître lièvre (Pourrat, Gaspard,1925, p.236).V. jarret B 3 ex. de Gide.Plat de fondation. Même sens. V. gigot A 1 ex. de Goncourt. ♦ Plat du jour. Mets proposé par un restaurateur en dehors de la carte, ou par un traiteur, et qui varie chaque jour. Quelqu'un qui ne peut jamais prendre le «plat du jour»; ou bien il fait changer la «garniture» (Gide, Journal,1928, p.885).Au fig., vieilli. Ce qui est au goût du jour, ce dont on parle beaucoup; appelé aussi plat à la mode. Il paraît qu'en ce moment, l'écrivain qui se vend le plus est le Droz de la Vie parisienne. C'est le plat du jour, que ce mélange de patchouli (Goncourt, Journal,1868, p.413).Rappelez-vous la critique de ces dernières années. Quelle différence faisait-elle entre le sublime et le ridicule? Quel irrespect! Quelle ignorance! (...) Et en même temps quelle servilité envers l'opinion du jour, le plat à la mode! (Flaub., Corresp.,1871, p.229).Oh! (...) leur désespérant désert d'idées [aux gens du monde], et là-dessus l'éternel plat du jour des clichés trop connus sur les écuries de courses et les alcôves des filles (Lorrain, Phocas,1901, p.31). − Loc. et expr. fig. ♦ Plat d'épinards. V. épinard. ♦ Plat de nouilles (fam.). Personne molle, sans volonté; chose sans intérêt. J'ai connu, à la Chambre de 1919, dont je faisais partie, le centre, collection de gnolles, plat de nouilles, comme on en voit peu (L. Daudet, Brév. journ.,1936, p.57).Charruel, tu vas manquer ton entrée. Descends au galop. Ah! pour aller mal, ça va mal. Quelle idée a eue le patron de monter ce plat de nouilles? (Duhamel, Suzanne,1941, p.68). ♦ [P. allus. à Ésope qui, chargé d'acheter au marché ce qu'il y avait de meilleur et de pire, ne rapporta que de la langue] Plat d'Ésope. Ce qui peut être la meilleure ou la pire des choses. Et comme, en ce temps-ci, la politique est le plat d'Ésope, qu'on en met partout, Pichery, très impérialiste, apostrophe la République (A. Daudet, Rois en exil,1879, p.343). ♦ Mettre les pieds dans le plat (fam.). Aborder sans ménagements une question délicate que les autres cherchent à éviter. J'ai dit que j'ai horreur des grands dîners: c'est pourquoi l'on ne m'y invite pas. On m'invite à part, pour être poli. On a peur de ma franchise. Je mettrais les pieds dans le plat (Renard, Journal,1898, p.465).Si votre journal plaît à tout le monde, c'est qu'il ne gêne personne. Il n'attaque rien, il ne défend rien, il élude tous les vrais problèmes (...). −Où voulez-vous en venir? (...) −Mettez donc carrément les pieds dans le plat (...) et situez-vous par rapport au P.C. (Beauvoir, Mandarins,1954, p.113).V. metteur A 2 ex. de Colette.Piétiner le plat. Même sens. Un Russe ou un Allemand n'aurait pas raté une occasion si belle de piétiner un peu le plat. Mais les Turcs sont des gens d'Asie, et leur politesse de bois dur en remontrerait à la correction anglaise (Farrère, Homme qui assass.,1907, p.8). ♦ Servir un plat de son métier/de sa façon (vieilli) Faire profiter quelqu'un, une compagnie d'un talent particulier. En un mot Bussy a donné dans l'Histoire amoureuse des Gaules une sorte de plat de son métier, une rabutinade qui a un ragoût particulier pour les palais qui n'en sont pas restés aux mets de l'âge d'or (Sainte-Beuve, Caus. lundi,t.13, 1857, p.180).Quand on le priait à dîner, Schwob apportait toujours quelque chose. C'était son plat à lui: un volume de Rabelais ou de Pascal. Il lisait admirablement (Renard, Journal,1894, p.238).Jouer un mauvais tour. Ah! vieil hypocrite de Président, tu joues au plus fin avec nous, tu t'en souviendras! Tu veux nous servir un plat de ton métier, tu en auras deux apprêtés par la main de ta servante (Balzac, Cabinet ant.,1839, p.151).Hélène (...) a fui devant les rancunes de Madame Grandfief; mais je suis resté sur la brèche, et je mitonne à cette détestable prude un plat de ma façon (...). Je couve ma vengeance et ne veux pas la laisser perdre (Theuriet, Mariage Gérard,1875, p.185). ♦ Faire un plat de qqc., en faire (tout) un plat (fam.). Donner une importance exagérée à quelque chose; faire toute une affaire de quelque chose. Faut pas nous en faire un plat avec ton chemin de fer à roulettes, qui met douze heures pour s'amener d'Pantruche (Benjamin, Gaspard,1915, p.10).Même la mort, ça ne méritait pas tout le plat qu'on faisait autour (Beauvoir, Invitée,1943, p.270).Il n'avait pas envie de discuter. −Écoute, dit-il, tu as tort de faire un plat de cette histoire (Sartre, Âge de raison,1945, p.16). ♦ Donner, vendre qqc. pour un plat de lentilles. V. lentille. ♦ La vengeance est un plat qui se mange froid*. b) MAR. Équipe de matelots désignés pour prendre leur repas ensemble. Vous savez bien qu'à présent, le vin et moi... Oh! mais ça ne fait rien, il faut me la faire donner [la double ration de vin], les gabiers de mon plat la boiront toujours (Loti, Mon frère Yves,1883, p.332). B. − Ustensile, récipient à fond plat servant à divers usages. Il n'avait plus que l'intelligence de cracher dans un plat rempli de cendre, qu'on mettait à côté de lui, par propreté (Zola, Germinal,1885, p.1516).Discrètement, j'irai me confier au plat de sciure (Colette, Dialog. bêtes,1905, p.106). − En partic. 1. Plat à barbe. Récipient creux, ovale, dont le bord est échancré d'un côté, que les barbiers plaçaient sous le menton de leurs clients pendant qu'ils leur savonnaient la barbe; enseigne de même forme des barbiers et des chirurgiens. Magdelinat (...) s'occupa de faire mousser son savon dans le plat à barbe de faïence (Theuriet, Mariage Gérard,1875p.22).Quant au chirurgien Coquebert, ajouta-t-il, vous le voyez là-bas, sous le plat à barbe qui lui sert d'enseigne (A. France, Rôtisserie,1893, p.338). ♦ P. anal. (de forme), fam. Chapeau. Les moines pansus et téteurs de cigares, coiffés de leurs petits plats à barbe pelucheux (Montherl., Pte Inf. Castille,1929, p.623).Grande oreille. Je t'ai vu, je t'ai vu, Poil de Carotte, dis voir un peu que je ne t'ai pas vu. Ah! tu vas bien pour ton âge. Mais tes plats à barbe s'élargiront ce soir! (Renard, Poil Carotte,1894, p.217).Arg. des forgerons. Cavité dans une soudure. Je m'aperçois que la soudure ne prenait pas en bas: Oh! donc, vivement, retournons ça, du nerf, refoulez donc, n... de D..., nous allons avoir un plat à barbe dans le milieu (Poulot, Sublime,1870, p.171). 2. Vieilli. Synon. de plateau2. ♦ Loc. fig. Apporter, offrir qqc. sur un plat (d'argent) (v. plateau2A). [Boulanger] aurait bien voulu du pouvoir, mais à la condition que ce pouvoir lui aurait été offert sur un plat d'argent, sans le plus petit allongement de la main pour le prendre (Goncourt, Journal,1892, p.232). ♦ Plat de balance. Plateau de balance. Tes paroles sont d'or, autant que ton silence, Et tiennent de niveau les plats de la balance (Leconte de Lisle, Poèmes barb.,1878, p.158). REM. -plat, élém. de compos.V. chauffe-plat, dessous de plat (s.v. dessous2), monte-plats, passe-plat. Prononc. et Orth.: [pla]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist.1. 1119 «nom donné à divers ustensiles à fond plat» ici désigne une écuelle (Philippe de Thaon, Comput, éd. E. Mall, 2676); d'où a) 1588 «plateau» ici «plateau d'une balance» (Montaigne, Essais, éd. Villey-Saulnier, III, VIII, p.923: où l'un plat est vuide du tout en la balance); b) 1762 plat à barbe (Ac.); 2. 1328 «vaisselle à fond plat destinée à contenir les mets qu'on sert sur la table» plaz à fruict (Inventaire de Clémence de Hongrie ds Havard 1890); 1808 fam. mettre les petits plats dans les grands (Hautel); 3. 1530 «chacun des mets servis dans un repas» (Palsgr., p.244, s.v. messe of meat); d'où expr. a) 1605 donner un plat de son metier «offrir quelque chose en rapport avec sa profession» (Le Lunaticque à M. Guillaume, 4 ds Quem. DDL t.19, s.v. plat et coeur); b) 1631 faire un plat de qqc. «rapporter quelque chose pour desservir quelqu'un» (Bassompierre, Journal de ma vie, Mémoires publ. par M. de Chantérac, t.3, p.76); 1914 id. «exagérer l'importance de quelque chose» faut pas nous faire un plat (Benjamin, loc. cit.) c) 1808 mettre les pieds dans le plat (Hautel); d) 1871 le plat à la mode «ce qui a cours» (Flaub., loc. cit.). Empl. subst. de plat1*. STAT. −Plat1 et 2. Fréq. abs. littér.: 3693. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 3328, b) 7398; xxes.: a) 6113, b) 5224. DÉR. Platerie, subst. fém.,technol. Ensemble des pièces plates de céramique et, p.ext., d'autres matières. Il est d'observation générale que, dans toutes les espèces de poteries, ce que l'on appelle la platerie (assiettes, plats, plaques, etc.) demande plus de feu que ce que l'on nomme le creux (tasses, jattes, pots, vases, etc.) (Al. Brongniart, Arts céram.,t.1, 1844, p.205).En 1963, le développement du département acier inoxydable, complété par la fabrication de platerie, n'a que partiellement compensé la baisse des commandes d'articles émaillés (Le Monde,29 déc. 1965, p.14, col. 6).− [platʀi]. − 1reattest. 1802 (Fourmy, Mém. sur les ouvrages de terres cuites..., Paris, seconde part., p.82: le prix en est très-modique, au moins pour ce qui s'appelle «platerie»); de plat2, suff. -erie*. BBG. −Lemieux (C.). Convenience food. Meta. 1980, t.25, no3, pp.356-358. |