| PLAISANTERIE, subst. fém. A. − 1. [L'idée dominante est celle d'amusement] a) Au sing., vieilli. Discours badin, où l'on se joue, avec ironie ou humour, des sujets abordés et que l'on tient généralement avec l'intention d'amuser, de distraire. Ton de plaisanterie. Stidmann répondit à l'amabilité du baron par les gerbes de la plaisanterie parisienne et par sa verve d'artiste (Balzac,Cous. Bette, 1846, p.213).Il a beau mêler la plaisanterie à la plainte, sa détresse n'en est pas moins pitoyable (Faral,Vie temps st Louis, 1942, p.149): 1. [La Bruyère] descend de la haute éloquence à la familiarité, et passe de la plaisanterie au raisonnement, sans jamais blesser le goût ni le lecteur. L'ironie est son arme favorite...
Chateaubr.,Génie, t.2, 1803, p.60. ♦ [Empl. avec l'art. partitif] Rare. On proposait à un célibataire de se marier. Il répondit par de la plaisanterie; et comme il y avait mis beaucoup d'esprit, on lui dit: «Votre femme ne s'ennuierait pas.» Sur quoi il répondit: «Si elle était jolie, sûrement elle s'amuserait tout comme une autre.» (Chamfort,Caract. et anecd., 1794, p.148). − Tourner, prendre qqc. en plaisanterie, (plus rarement) à la plaisanterie. Il avait pris en plaisanterie le désastre de ses châteaux en Anjou, et aborda sa tante fort gaiement (Balzac,E. Grandet, 1834, p.99).Heureusement que c'est solide, au fond, une paroisse! Tu risquerais de la casser. Je sentais bien qu'il tournait en plaisanterie, par pitié pour moi, une manière de voir très réfléchie, très sincère (Bernanos,Journal curé camp., 1936, p.1101). b) P. méton.
α) Paroles, plus ou moins spirituelles, plus ou moins drôles, jouant souvent d'équivoques sexuelles, que l'on dit par jeu et/ou pour amuser. Synon. blague, bon mot.Le chevalier faisait des plaisanteries lestes, des jeux de mots d'étranger, grossiers et maladroits (Maupass.,Contes et nouv., t.2, Yvette, 1884, p.547).Les comiques usent fort librement encore des ressources de l'argot et traînent un triste bagage de plaisanteries obscènes (Arts et litt., 1935, p.78-2).V. épicé B 1 ex. de Zola: 2. ... il avait de l'excellent vin d'Arbois, et une de ses plaisanteries affectionnées était de gueuler que c'était un vin qu'il aimait, parce qu'il lui rappelait l'archevêque de ce nom, qui avait été fusillé par le peuple!
Goncourt,Journal, 1885, p.420. ♦ [Constr. avec un compl. prép. introd. par sur] Je parlai avec légéreté de la galanterie; je fis des plaisanteries sur le sentiment (Sénac de Meilhan,Émigré, 1797, p.1786).À chaque pièce [de linge], cette grande vaurienne lâcha un mot cru, une saleté; elle étalait les misères des clients, les aventures des alcôves, elle avait des plaisanteries d'atelier sur tous les trous et toutes les taches (Zola,Assommoir, 1877, p.507). ♦ [Constr. avec une complét.] Rare. Il répète à tout venant la vieille plaisanterie que l'Anglais est «coué», c'est-à-dire qu'il porte une queue, comme les animaux (Faral,Vie temps st Louis, 1942, p.215). SYNT. Plaisanterie crue, énorme, fine, grasse, grivoise, innocente, légère, lourde, osée, piquante, risquée, scatologique, vulgaire; plaisanterie aimable, facile, stupide; bonne, grosse, méchante plaisanterie; plaisanterie de mauvais goût, d'un goût charmant, douteux; plaisanterie de corps de salle de garde, de garçon de bains; débiter des plaisanteries; rire d'une plaisanterie; un feu roulant de plaisanteries.
β) Acte que l'on fait par jeu, tour que l'on joue à quelqu'un pour (s')amuser. Synon. farce, niche (fam.).Le garçon (...) fit part au maître du café des choses extraordinaires qu'on venait de lui demander. Le cafetier crut que c'était une plaisanterie (Murger,Scènes vie boh., 1851, p.124).Il éveilla le dormeur en lui chatouillant le nez avec une paille. Camille éternua, se leva, trouva la plaisanterie excellente (Zola,Th. Raquin, 1867, p.65): 3. ... les réfractaires se virent (...) attribuer d'office des armoiries. Les commis se donnèrent du bon temps: ils attribuèrent aux Chauvel une tête de vieillard chauve (...). Parfois les plaisanteries vont un peu loin. François de La Gorgette, prêtre à Vézelay, se vit gratifié d'un écu à un buste de jeune femme, la gorge découverte. Une famille Néant à Nogent-sur-Marne reçut pour marque un squelette.
L'Hist. et ses méth., 1961, p.748. ♦ [Constr. avec un inf. spécifiant l'acte] La récente invention du diorama (...) avait amené dans quelques ateliers de peinture la plaisanterie de parler en rama (...) −Eh bien! Monsieurre Poiret, dit l'employé au muséum, comment va cette petite santérama? (Balzac,Goriot, 1835, p.62).Je ne l'ai pas vu (...) depuis cette charmante plaisanterie de se faire annoncer comme la reine de Suède (Proust,Guermantes 1, 1920, p.210).V. avaler ex. 3.
γ) Par plaisanterie; par manière de, en façon de plaisanterie. Par jeu et/ou pour amuser. Synon. (partiel) pour rire.Ils trouvèrent Cachelin, Pitolet et Boissel riant aux larmes et portant presque le père Savon, trouvé sur la berge avec une cocotte, affirmaient-ils par plaisanterie (Maupass.,Contes et nouv., t.1, Héritage, 1884, p.529).Il (...) frictionnait à tour de bras la tête du petit, par manière de plaisanterie, ou lui administrait joyeusement des claques sur les fesses (Rolland,J.-Chr., Aube, 1904, p.97). ♦ En plaisanterie (rare). Mon garçon, voilà le chef-d'oeuvre! Et je ne dis pas ça en plaisanterie. Ou bien je n'y connais rien, ou bien c'est un petit chef-d'oeuvre (Duhamel,Cécile, 1938, p.96). 2. [L'idée dominante est celle de moquerie] a) Rare. Action de se moquer de quelqu'un. Synon. moquerie, raillerie.Oh! mourir pour elle, l'adorer encore (...) et me sentir victime de sa plaisanterie (Balzac,Peau chagr., 1831, p.181). − ETHNOL. Parenté à/de plaisanterie. V. parenté A 5 b. b) P. méton. Parole que l'on dit ou acte que l'on fait, pour faire rire de quelqu'un, pour s'en moquer, ou qui est interprété comme manifestant cette intention. Synon. moquerie, tour.Une pauvre créature rebutée, un souffre-douleur sur qui pleuvaient les plaisanteries (Balzac,Goriot, 1835, p.25): 4. ... les railleries ne cessèrent point si vite. On était trop heureux de trouver cette occasion de dauber sur Christophe; et l'Iphigénie resta, pendant plusieurs semaines, un sujet d'inépuisables plaisanteries. On savait que Christophe n'avait plus d'arme pour se défendre; et l'on en profitait.
Rolland,J.-Chr., Révolte, 1907, p.491. ♦ [Constr. avec un compl. prép. introd. par sur, contre] Toute plaisanterie contre le pouvoir peut être fort courageuse, mais n'est pas littéraire (Stendhal,Racine et Shakspeare, t.1, 1825, p.109).Quand Grange entendit ces risées sur la Poule-Courte il se mit, lui aussi, à faire des plaisanteries sur elle devant MmeDomaize (Pourrat,Gaspard, 1922, p.187). ♦ Faire une plaisanterie à qqn. Synon. jouer un tour à qqn.Si madame voulait faire plus de plaisir à son pauvre serviteur (...) elle me permettrait de faire une petite plaisanterie à ce Rassi... (Stendhal,Chartreuse, 1839, p.371). SYNT. Plaisanterie acerbe, blessante, cruelle; être la victime, le plastron des plaisanteries; être en butte, s'exposer aux plaisanteries; avoir la plaisanterie féroce. 3. Locutions − Bonne plaisanterie. Plaisanterie faite par jeu sans intention blessante, ou présentée comme telle. D'abord des soldats sortirent... Puis des officiers, les bras en l'air. Les uns indifférents ou s'efforçant de l'être, l'un cachant son visage au fond d'une casquette, un autre souriant, comme si tout ça n'eût été qu'une bonne plaisanterie (Malraux,Espoir, 1937, p.466). ♦ Proverbe. Les plaisanteries les plus courtes sont (souvent) les meilleures. Var. Les meilleures plaisanteries sont les plus courtes (Ghelderode,Pantagleize, 1934, iii, tabl. 9, p.135). − Mauvaise plaisanterie. Plaisanterie cruelle pour celui qui en est l'objet ou qui est interprétée comme telle. J'ai le plaisir de vous annoncer que vous êtes nommé ministre de la guerre. Larivière, méfiant, ne répondit rien. (...) il soupçonnait un piège, peut-être même une mauvaise plaisanterie (A. France,Lys rouge, 1894, p.361). − Comprendre, entendre la plaisanterie. Ne pas se formaliser des plaisanteries. Asker-Kan (...) s'endormit debout adossé à la muraille, ses pieds un tant soit peu en avant, appuyés à un fauteuil (...); on trouva gai de le lui soutirer doucement, de sorte qu'il manqua glisser tout de son long, et ne se retint qu'en faisant un bruit effroyable. C'était celui des deux qui entendait le mieux la plaisanterie; cependant, cette fois, il se fâcha violemment (Las Cases,Mémor. Ste-Hélène, t.1, 1823, p.516).V. blaguer II A 1 ex. de Van der Meersch. ♦ Ne pas comprendre, ne pas entendre la plaisanterie. Être susceptible. On ne lui reprochait que de ne pas comprendre la plaisanterie tout de suite fâché, dès qu'on voulait taper sur lui (Zola,Germinal, 1885, p.1249). B. − [Plaisanterie exprime un jugement dépréc. de la part du locuteur] 1. Ce qui (parole, objet, situation, etc.) manque de sérieux, ne peut être pris au sérieux. Ils prennent la vie au sérieux, et la vie est une plaisanterie (Balzac,Illus. perdues, 1839, p.494).Tout ce qui est sémitique et asiatique paraît, jusqu'à présent, considérer l'athlétisme avec une méfiance narquoise de vieux peuples qui pensent savoir ce qui vaut la peine, et ce qui est une plaisanterie (J.-R. Bloch, Dest. du S., 1931, p.125): 5. «... les compagnies (...) comptent l'économie réalisée, en supposant que libres, elles auraient fait payer à chaque wagon de l'administration des Postes, le même prix qu'aux somptueux wagons-salons qui servent aux voyages princiers!» Cela semble une plaisanterie: c'est l'exacte vérité.
Pradelle,Serv. P.T.T. Fr., 1903, p.178. ♦ Empl. qualificatif antéposé. Un milieu artificiel [l'Académie Française] (...) où l'on n'a plus rien à faire de précis −si ce n'est la petite plaisanterie du dictionnaire (L. Daudet,Ét. et mil. littér., 1927, p.175). ♦ C'est pousser trop loin la plaisanterie, cela passe la plaisanterie, trêve de plaisanteries. [Empl. pour signifier à l'interlocuteur que l'on considère ce qu'il dit comme n'étant ni sérieux ni raisonnable] M. de Garelle: (...) si vous étiez heureuse avec celui qui a pris ma place, vous me seriez reconnaissante de ma violence qui vous a permis cette nouvelle union. Mmede Chantever: C'est pousser trop loin la plaisanterie, monsieur. Veuillez me laisser seule (Maupass.,Contes et nouv., t.1, Revanche, 1884, p.979).Le premier confrère venu vous dira qu'un dément n'est presque jamais sincère (...). Mais trêve de plaisanteries! Voilà déjà plusieurs semaines que nous aurions dû prendre ses mesures (Bernanos,M. Ouine, 1943, p.1523): 6. madame sorbet: Parlez donc d'un ton plus raisonnable. Je ne suis pas la personne... florimon: Et qui serait-ce donc, si ce n'est vous? madame sorbet: Moi! florimon: Vous-même. madame sorbet: Comment! c'est de moi... Allons, monsieur, ceci passe la plaisanterie.
Leclercq,Prov. dram., MmeSorbet, 1835, 6, p.154. ♦ Plaisanterie à part, sans plaisanterie. [Empl. pour demander à l'interlocuteur de prendre au sérieux ce que l'on va dire] Synon. blague à part (fam.).Mon cher Lousteau, plaisanterie à part, je suis dans des circonstances graves (Balzac,Illus. perdues, 1843, p.672).S'il me fallait à toute force me marier (si la loi m'y obligeait), je demanderais une enfant de l'assistance publique. Sans plaisanterie (Montherl.,Démon bien, 1937, p.1268). 2. P. iron. Ce qui (situation, action) est particulièrement grave ou cruel. Synon. comédie, farce.Il a laissé de très beaux livres, la France Juive, la France Juive devant l'Opinion, la Fin d'un monde (...). La plaisanterie historique a voulu que l'Allemagne hitlérienne adoptât ses théories, alors que la France les avait, sinon dédaignées, du moins négligées (L. Daudet,Brév. journ., 1936, p.85). ♦ Empl. qualificatif antéposé. Si cet appui leur manque, leur petite plaisanterie du licenciement de la Garde Nationale pourrait bien leur jouer un mauvais tour (Delécluze,Journal, 1827, p.450). − La/cette plaisanterie a assez duré. Monsieur le président, je ne pourrai vous dire le nom de l'assassin qu'à six heures et demie! (...). Quelques avocats dirent à haute voix: «Il se moque de nous!» (...) Le président dit: −Cette plaisanterie a assez duré. Vous pouvez vous retirer, monsieur, dans la salle des témoins (G. Leroux,Myst. ch. jaune, 1907, p.129). 3. Ce qui est dérisoire (comparé à autre chose). Synon. bagatelle.Un hiver abominable (six mois que je ne souhaiterais pas à mon pire ennemi (...); la patte cassée était une plaisanterie à côté du reste) (Flaub.,Corresp., 1879, p.264).Il parle (...) de son séjour (...) sur les hauts plateaux, où dans ces altitudes près desquelles le Mont Blanc est une plaisanterie, il avait des saignements de nez (Goncourt,Journal, 1892, p.224). 4. Chose très facile à faire. Synon. jeu d'enfant.Ce sera pour lui une plaisanterie de battre ce record (Rob.). Prononc. et Orth.: [plεzɑ
̃tʀi]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist.1. 1279 plesanterie «raillerie, chose dite ou faite pour amuser» (Laurent, Somme, ms. Chartres, 371, fo6 rods Gdf.); 2. 1663 tourner qqc. en plaisanterie (Molière, Critique école des femmes, 4); 1694 plaisanterie à part «sérieusement» (Ac.); 3. 1689 mauvaise plaisanterie (MmeDe Sévigné, Lettres, éd. M. Monmerqué, 9, 129); 1730 entendre la plaisanterie (C. Rollin, Hist. anc., OEuvres, t.6, 146 ds Pougens ds Littré); 1798 n'entendre pas plaisanterie (Ac.); 4. 1874 «chose sans valeur, bagatelle» (Lar. 19e). Dér. de plaisanter*; suff. -erie*. Fréq. abs. littér.: 2431. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 4215, b) 3643; xxes.: a) 3760, b) 2527. |