| PLAISANTER, verbe A. − Empl. intrans. 1. [L'idée dominante est celle d'amusement d'autrui] a) Parler sur un ton badin d'ironie spirituelle, d'humour, ou en montrant de l'enjouement, généralement dans l'intention d'amuser. Synon. badiner.Il me semblait d'être très bien reçu dans le salon de MmeCardon (...) on y jouait des charades avec déguisements, on y plaisantait sans cesse (Stendhal, H. Brulard, t.1, 1836, p.435).M. de Marsy sortait du petit salon, l'air très gai; il plaisanta un moment avec le chevalier Rusconi (Zola, E. Rougon, 1876, p.166): 1. ... [il] accepta une tasse de thé, plaisanta agréablement, à propos de boisson émit l'opinion que le vin dont mention est faite dans la Bible n'était pas une boisson alcoolisée, fit quelques citations, raconta une anecdote...
Rolland, J.-Chr., Buisson ard., 1911, p.1389. ♦ [Fréq. empl. en incise ou pour introd. un discours rapporté] Je croyais pourtant, plaisante Gilbert, que vous aviez une amie. Philippe se mit à rire. −Une amie? oui. Pourquoi pas?... (Arland, Ordre, 1929, p.137). b) Faire et/ou dire une plaisanterie, des plaisanteries. Le gros Cavrois plaisantait salement, encore qu'il demeurât vierge, car il savait les phases des maladies honteuses, les saletés de l'obstétrique (Adam, Enf. Aust., 1902, p.296).Il fit en plaisantant le geste de porter le flacon à sa bouche; vraiment, il n'avait pas envie de mourir (Arland, Ordre, 1929, p.15). 2. [Plaisanter exprimer un jugement de locuteur portant sur le sérieux des paroles prononcées]. Ne pas parler sérieusement. Ne plaisanter qu'à demi. C'est sous le règne de Louis Le Hutin qu'il eût voulu vivre: il en jurait tous les saints. Mon parrain croyait qu'il plaisantait; c'était une grande erreur. (...) ce sérieux qu'il gardait dans la folie lui donnait une grande autorité sur l'esprit d'un enfant comme moi (A. France, Vie fleur, 1922, p.377): 2. Il écrit à Dumas en 1853: «Du moment que j'avais cru saisir la série de toutes mes existences antérieures, il ne m'en coûtait pas plus d'avoir été prince, roi, mage, génie et même dieu». Il ne plaisante pas: bientôt c'est à son médecin qu'il dit: «Je m'étais cru un demi-dieu.»
Durry, Nerval, 1956, p.155. ♦ [Fréq. dans le dialogue] [Empl. pour engager l'interlocuteur à ne pas prendre au sérieux ou littéralement ce qui vient d'être dit] Est-ce que je fais un mauvais usage des rentes, aujourd'hui? MmeHennebeau, alarmée en voyant la mère et la fille blanches de peur, elle aussi, se hâta d'intervenir, en disant: −Paul plaisante, cher monsieur (Zola, Germinal, 1885, p.1314).Elle me rejoindra dans la tombe... piètre rendez-vous! J'aimerais mieux une chambre en ville... Je plaisante: c'est verbal. Je n'ai pas le coeur à rire... (Miomandre, Écrit sur eau, 1908, p.88).[Empl., gén. dans une interr. ou à l'impér., pour marquer que l'on n'accepte pas les paroles de l'interlocuteur] Ne plaisantons pas, ma fille, et mettons les points sur les i (Bernanos,Soleil Satan,1926,p.78).... je ne prendrai pas ta succession à Sérianne... −Hein? «Le docteur s'était redressé de toute sa paternité (...)» il prit le bras de son fils et l'entraîna à l'écart. «Tu plaisantes? Qu'est-ce que c'est que cette histoire? (...)» (Aragon, Beaux quart., 1936, p.226). − P. ext., fam. Ne pas plaisanter. [Gén. dans une rel.] Faire preuve d'un grand sérieux, de sévérité. Synon. être sérieux, strict; ne pas rigoler (fam.).Que chaque voltigeur se dise, en voyant Paturot sous les armes: «En voilà un qui ne plaisante pas; en voilà un de dur à cuire.» Et il est capitaine à perpétuité (Reybaud, J. Paturot, 1842, p.169). ♦ Au fig. Je vois que vos ornières ne plaisantent pas, et qu'il sera prudent de suivre votre conseil. Vous êtes sûr qu'avec une patache je ne verserai pas? (Sand, Meunier d'Angib., 1845, p.27).Rues étroites (...) parcourues, huit mois de l'année, par un vent froid qui ne plaisante pas (Larbaud, Barnabooth, 1913, p.223). B. − Empl. trans. indir. 1. Plaisanter de, sur qqc. a) Parler de quelque chose de manière badine, en montrant de l'ironie, de l'humour ou de l'enjouement, dans l'intention d'amuser, de distraire. Le duc de L (...) plaisanta sur la délivrance de Madame de Nevers, enfermée dans ce donjon gothique comme une princesse du temps de la chevalerie. Il lui demanda si elle ne s'était pas bien ennuyée depuis six mois (Duras, Édouard, 1825, p.184).Le roi faillit (...) périr en 1606, quand le carrosse où il se trouvait avec la reine (...) tomba dans la Seine. Henry IV était bon nageur, et il se tira très convenablement d'affaire; il en plaisanta même, se félicitant d'avoir bu un bon coup parce qu'il avait mangé trop salé à déjeuner (P. Rousseau, Hist. transp., 1961, p.174). − P. ext. Ne pas plaisanter sur qqc.Être strict sur quelque chose. Ma position (...) eût été dangereusement ébranlée par un procès entre nous: à cette époque, et en province, la société ne plaisantait pas sur ce sujet (Mauriac, Noeud vip., 1932, p.105).Militaire de carrière, La Fayette ne plaisantait pas sur la discipline (Lefebvre, Révol. fr., 1963, p.162). b) Parler de quelque chose de façon moqueuse. Les anciennes familles nobles (...) qui plaisantèrent beaucoup sur l'institution de la légion d'honneur, ne rient point aujourd'hui de l'établissement des titres (B. du Ministère de la Police Gén., 1808ds Rec. textes hist., p.136).Leurs petites économies sont l'objet des risées de leurs collègues; l'entourage en plaisante (...) et une certaine déconsidération personnelle est la suite de cette chasse aux centimes (Reybaud, J. Paturot, 1842, p.379). 2. Plaisanter avec qqc.Traiter quelque chose sans respect. Comment peux-tu, ma chère enfant, plaisanter avec ces choses sacrées [le mariage]? Tu as donc perdu toute vergogne? (Zola, Dr Pascal, 1893, p.183).Le comte: (...) je suis ravi que vous soyez l'amant de ma femme (...) Villebosse, bondit: Sachez, monsieur, que je vous interdis de plaisanter avec l'honneur de la comtesse! rentrez le mot, monsieur! rentrez! ou vous m'en rendrez raison! (Anouilh, Répét., 1950, v, p.112). − P. ext. Prendre quelque chose à la légère. Vous devriez voir le médecin. −Oh non! −Voyez-vous, vous avez tort, il ne faut pas plaisanter avec ces maladies-là (Goncourt, Journal, 1858, p.565).Personne ne plaisante avec le mauvais temps du Matterhorn (Peyré, Matterhorn, 1939, p.223). C. − Empl. trans. Plaisanter qqn, qqc. (sur qqc., de qqc., de + inf.). 1. Se moquer sans méchanceté, sans intention de blesser. Synon. blaguer (fam.), mettre en boîte (fam.), taquiner.Monseigneur voulut plaisanter son hôte, qui ne se laissa pas faire. «Vous avez quatre-vingt-deux ans, monsieur le curé, lui dit-il, c'est un bel âge!...» (Sand, Hist. vie, t.2, 1855, p.355).Buré (...) plaisantait ma mère sur son dévouement aux fêtes des curés (Guéhenno, Journal «Révol.», 1937, p.30): 3. Gertrude a pris ses manières, sa façon de parler, une sorte d'intonation, non point seulement de la voix, mais de la pensée, de tout l'être −ressemblance dont je plaisante l'une et l'autre, mais, dont aucune des deux ne consent à s'apercevoir.
Gide, Symph. pastor., 1919, p.919. ♦ Empl. pronom. ♦ réfl. Dès le second service, Gambara déjà ivre se plaisanta lui-même avec beaucoup de grâce (Balzac, Gambara, 1837, p.85).Elle avait (...) roulé de nouveau dans la boue, ne pouvant prendre longtemps sa maternité au sérieux, se plaisantant elle-même d'avoir cru à ces bêtises-là pendant quelques mois (Zola, M. Férat, 1868, p.210). ♦ réciproque. J'ai bien observé des réfugiés berbères qu'ils ne savaient se plaisanter l'un l'autre ni ne s'infligeaient des bourrades (Saint-Exup., Citad., 1944, p.942). 2. Se moquer. Synon. railler.Il s'agit bien de mon orgueil! Vous croyez donc l'avoir blessé? Vous croyez donc que ce qui m'afflige, c'est d'avoir été pris pour dupe et plaisanté à ce dîner? (Musset, Chandelier, 1840, iii, 3, p.84).On plaisante beaucoup la manière dont Swann parle de sa femme, on en fait même des gorges chaudes (Proust, J. filles en fleurs, 1918, p.467): 4. ... il se mit à ricaner, à la plaisanter grossièrement. La jeune fille, saisie à sa vue, ne trouva pas une parole. Elle sanglotait sous les injures.
Zola, Fortune Rougon, 1871, p.159. REM. Plaisanté, -ée, part. passé empl. subst.Une plaisanterie douce fait rire aux dépens du plaisanté; une plaisanterie trop bonne ne fait plus rire, on frémit en songeant à l'affreux malheur du plaisanté (Stendhal, Racine et Shakspeare, t.1, 1823, p.27). Prononc. et Orth.: [plεzɑ
̃te], (il) plaisante [plεzɑ
̃:t]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist.1. 1531 «badiner, faire quelque chose pour amuser» (Le Doyen, Ann. de Laval, 250 ds Fonds Barbier); 2. 1690 «ne pas parler sérieusement» (Fur.); 3. 1718 plaisanter qqn «railler sans méchanceté» (Ac.); 4. 1842 en voilà un qui ne plaisante pas (Reybaud, loc. cit.); 1869 Vous plaisantez! «vous ne parlez pas sérieusement» (Littré). Dér. de plaisant*; dés. -er. Fréq. abs. littér.: 1569. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 1628, b) 2086; xxes.: a) 3667, b) 1960. |