| PLAINTIF, -IVE, adj. A. − [En parlant d'un animé] 1. Littér. Qui exhale des gémissements. Dantès fit des efforts surhumains pour se rendre à cette invitation; mais à chaque effort il retombait plaintif et pâlissant (Dumas père, Monte-Cristo, t.1, 1846, p.283).Quelques chats plaintifs traversant précipitamment la chaussée et se glissant d'une lucarne à l'autre (Lamart., Nouv. Confid., 1851, p.152). 2. Vieilli. Qui profère des plaintes. Charlemagne chassant dans l'immense forêt des Vosges fut arrêté par des âmes plaintives qui lui demandèrent des prières et il fonda, dans ce lieu même, une église (Barrès,Cahiers, t.6, 1908, p.245). − En empl. subst. C'est un joli type de comédie que ce Charles Edmond, le plaintif, le pleurard, −et plus dolent à mesure qu'il est moins malheureux (Goncourt,Journal, 1863, p.1283).Tu te contentes de noter tes faiblesses, tes défaillances, tes ennuis, tes fautes; mais tu ne combats plus les premières et tu ne t'abstiens pas des autres. Tu es un plaintif découragé, et un sybarite indolent (Amiel,Journal, 1866, p.427). − LITT. Qui écrit des plaintes lyriques. Eh quoi, Toscar, ton ame généreuse Du plaintif Ossian garde le souvenir! (Baour-Lormian,Ossian, 1827, p.256). B. − [En parlant de qqc.] 1. Qui a l'accent d'une plainte; qui exprime une douleur. Ton plaintif; élégie, voix plaintive. La déroute [de Pyrrhus] commença par un jeune éléphant, qui blessé à la tête, attira sa mère par des cris plaintifs. Les hurlemens de celle-ci effarouchèrent les autres éléphans (Michelet,Hist. romaine, t.1, 1831, p.176): 1. Seulement, au lointain, sur les vertes collines,
On entendait gémir dans les brises divines
Un mélange confus de sanglots et de voix.
C'était le cri plaintif des muses d'autrefois,
Exhalé, frémissant d'une douleur amère,
Sur la lyre d'Orphée et la lyre d'Homère!
Banville,Cariat., 1842, p.37. 2. Qui traduit du mécontentement, des griefs. La joueuse de harpe chantait une mélopée plaintive (...). Les paroles exprimaient de vagues aspirations, des regrets voilés, un hymne d'amour à l'inconnu et des plaintes timides sur la rigueur des dieux et la cruauté du sort (Gautier,Rom. momie, 1858, p.199). 3. P. anal. Qui évoque une plainte; dont le bruit ressemble à une plainte. Ruisseau plaintif. La vieille girouette criarde et plaintive du vieux toit qui avait bercé à son bruit ses peurs et ses songes d'enfant (Goncourt,R. Mauperin, 1864, p.296): 2. On est comme un pasteur frappé d'enchantement,
Immobile à jamais près d'un fleuve écumant,
Qui, jour et nuit, le front incliné sur la rive,
Tirant un même son de sa flûte plaintive,
Semble un roseau de plus au milieu des roseaux...
Sainte-Beuve,Poés., 1829, p.74. Prononc. et Orth.: [plε
̃tif], fém. [-i:v]. Att. ds Ac. dép. 1694. Étymol. et Hist.1. Ca 1200 «qui a l'accent, la sonorité d'une plainte» (Moralites sur Job, 315, 24 ds T.-L.); 1260 subst. masc. «plaignant» (Cart. de Champ., Richel. L. 5993, fo 240c ds Gdf.); 2. av. 1794 «qui évoque une plainte» (Chénier, Élégies, p.155). Dér. de plainte*; suff. -if*. Fréq. abs. littér.: 725. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 1485, b) 1071; xxes.: a) 1166, b) 540. DÉR. Plaintivement, adv.a) [Domaine de l'animé] D'un ton plaintif. Un pauvre malade (...) lui demanda plaintivement du lait, en disant qu'il n'avait pas la force d'aller traire sa vache: aussitôt l'humble princesse entra dans l'étable et se mit en devoir de traire de ses propres mains la vache du pauvre (Montalembert,Ste Élisabeth, 1836, p.107).Les moutons qui, eux aussi, avait flairé le tonneau, s'étaient levés en tumulte (...) bêlant plaintivement (Zola,Terre, 1887, p.291).P. métaph. Veuve par la main du bourreau, elle considérait son veuvage comme sacré. Mais toutes les voix de la jeunesse chantaient plaintivement dans son coeur (A. France,Vie littér., t.2, 1890, p.166).b) [Domaine de l'inanimé] D'une manière plaintive. Je veux entendre encore au bord des froides eaux Chanter plaintivement les flûtes des roseaux (A. France,, Poés., Noces, 1876, p.182).Un harmonium, sous les doigts d'une demoiselle abstinente, aux dents dorées, soutenait plaintivement l'enthousiasme d'une pénombre populeuse (Arnoux,Juif Errant, 1931, p.182).− [plε
̃tivmɑ
̃]. Att. ds Ac. dep. 1694. − 1reattest. 1574 (R. Garnier, Cornélie, éd. W. Foerster, I, 146); de plaintif, suff. -ment2*. − Fréq. abs. littér.: 29. |