| PIÈTRE, adj. A. − 1. Vieilli ou littér. Très médiocre, dépourvu d'intérêt. Synon. piteux, triste.C'est [le Sganarelle de Molière] le côté du laid humain personnifié, le côté vieux, rechigné, morose, intéressé, bas, peureux, tour à tour piètre ou charlatan, bourru et saugrenu, le vilain côté, et qui fait rire (Sainte-Beuve,Portr. littér., t.2, 1835, p.22).Ce Salavin, Duhamel nous le montre avec ses manies, ses tics cachés de pantin humain (...); il nous décrit ses journées piètres, les basses occupations de son corps et jusqu'à son odeur (Massis,Jugements, 1924, p.195): . Au lieu de cette vie ridicule et piètre qui eût fait de moi un animal triste, un sot, depuis quatre ans je vis dans une grande ville et j'ai une excellente voiture, ce qui m'a empêché de connaître l'envie et tous les sentiments bas de la province.
Stendhal,Chartreuse, 1839, p.209. 2. [En parlant de choses seulement] Très défavorable, mauvais, lamentable. De piètres résultats; piètre avantage; piètre consolation; de piètre allure. Nous allons partir, nous autres, pour les environs de Fontainebleau; dans de bien piètres conditions, mais enfin pour y respirer l'air, ce qui est un peu vivre (Mallarmé,Corresp., 1877, p.153).Pourquoi donner une si piètre idée de soi-même, qui vous serait reprochée le moment du danger passé! (Peisson,Parti Liverpool, 1932, p.146).Un restaurant de piètre apparence (Martin du G.,Thib., Été 14, 1936, p.396). − Faire piètre figure. Être d'apparence médiocre, insignifiante. En société, je faisais piètre figure (Beauvoir,Mém. j. fille, 1958, p.178).Au fig. Ne pas se montrer à la hauteur (des circonstances). À côté et au regard de l'Apokryphon, le deuxième écrit du recueil −lui aussi, une théogonie et une cosmogonie (...) −fait plutôt piètre figure (Philos., Relig., 1957, p.42-7). B. − [En parlant d'une pers.] Qui est dépourvu de valeur, de capacités, qui est dérisoire, qui présente un aspect ou un caractère pitoyable. Comment ne pas sentir que c'était là la manière la plus vulgaire, la plus usée (...) de prendre le sujet? (...) Et l'aplomb de ces messieurs-là! Sont-ils piètres, contents d'eux, sûrs de leur jugement! (Flaub.,Corresp., 1853, p.188).Malvina, dit le piètre mari, en intervenant de sa voix mielleuse, comment peux-tu faire des choses pareilles à Madame qui est si bonne? (Daniel-Rops,Mort, 1934, p.264).Je ne suis qu'un piètre nageur et, quand nous naviguions ensemble, m'essoufflais vite et me laissais promptement distancer (Gide,Feuillets d'automne, 1949, p.1110). − Empl. subst. masc., vieilli. ,,Mendiant exhibant des membres rompus ou ulcéreux`` (Esn. 1966). Ainsi défilaient quatre par quatre (...), les polissons, les piètres, les capons (Hugo,N.-D. Paris, 1832, p.81).Je regardai curieusement défiler devant moi tous ces pauvres diables (...), ces orphelins, ces piètres, ces coquillards (...). Au reste, cette truanderie paraissait assez honnête (Du Camp,Hollande, 1859, p.207). REM. Piètrement, adv.De piètre façon, de façon médiocre. Je crois qu'il y a peut-être moyen de rendre cela lisible (...). Mais franchement, c'était piètrement écrit. Et quant à l'ensemble, je conçois que vous n'y ayez rien compris (Flaub.,Corresp., 1856, p.203).On se dirigea vers le Château-Bayard, dont les deux tours poivrières, piètrement restaurées, se distinguaient sur un plateau (A. Daudet,N. Roumestan, 1881, p.232).Et puis voilà, il maquereaute piètrement derrière la place de la République (Queneau,Enf. du limon, 1938, p.176). Prononc. et Orth.: [pjε:tʀ
̭]. Ac. 1694 et 1718: pietre; dep. 1740: piètre. Étymol. et Hist. 1. Ca 1195 paëstre «mauvais, infidèle, dépravé» (Ambroise, Guerre sainte, 6478 ds T.-L.); ca 1350 piestre (Gilles le Muisit, Poésies, éd. Kervyn de Lettenhove, t.1, p.154); 2. ca 1223 peestre «(personne) misérable» (Gautier de Coinci, éd. V. F. Koenig, I Mir. 10, 974); 1576 [éd. 1619] «id. (de choses)» (Baif, Les Mimes, l. II, fo85 vods Gdf. Compl.: en pietre equipage). Du lat. pedester «qui va à pied» d'où, avant l'époque littér. et en raison de la condition inférieure de ceux qui allaient à pied, le sens 1 ci-dessus. En Picardie, peestre est devenu en m. fr. piestre, et il s'est répandu en fr. sous cette forme, cf. G. Roques ds Mél. Baldinger (K.), 1979, pp.582-585. En fr. mod., piètre s'emploie surtout devant le subst. (pour les personnes, dep. J.-J. Rousseau, v. Littré). Fréq. abs. littér.: 169. DÉR. Piètrerie, subst. fém.,vx. Ce qui est vil et méprisable, de nulle valeur. Dans ce beau château Louis XV, le XIXesiècle passe çà et là avec ses piètreries et ses misères. Les yeux, en se détournant d'un portrait de Nattier, tombent sur un mauvais billard en noyer (Goncourt,Journal, 1863, p.1152).− [pjεtʀ
ə
ʀi]. Ac. 1694, 1718: pietrerie, 1740-1878: piè-. − 1reattest. 1611 (Cotgr.); de piètre, suff. -erie*. BBG. −Migl. Nome propr. 1968 [1927] p.230. _ Sain. Arg. 1972 [1907] p.179. |