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PITEUX, -EUSE, adj.
A. − Vx. Qui éprouve de la pitié; miséricordieux. Un adjectif qui signifie «bon» tend à signifier «bête» par excès de bonté. C'était dans une intention élogieuse que le fils de Charlemagne avait été appelé Louis le Piteux, il fallut changer l'adjectif quand piteux prit son sens moderne: Louis le Débonnaire (F. Brunot et Ch. Bruneau ds Dupré1972).
B. − [Souvent antéposé] Vieilli. Qui suscite la pitié, la compassion. Synon. pitoyable.Piteuse misère, victime. C'était quelquefois l'habitation d'une piteuse dame qui gémissait dans les fers d'un jaloux (Chateaubr., Génie,t.2, 1803, p.490).Il avait une mine si piteuse, si suppliante devant le sourcil froncé de son ami, que celui-ci en eut pitié (A. Daudet, Nabab,1877, p.116).Des blessures piteuses font saigner mes pieds (Vallès, J. Vingtras,Bachel., 1881, p.286).
Empl. subst. Faire le piteux. ,,Se plaindre, se lamenter sans en avoir autant de sujet qu'on voudrait le faire croire`` (Ac. 1835, 1878). Ma fortune? Ce n'est pas pour faire le piteux avec vous, vous comprenez; mais j'ai trois louis là-haut (Goncourt, Journal,1868, p.445).
C. − Fam., péj. Qui suscite le mépris apitoyé d'autrui ou la honte pour soi-même. Synon. lamentable, minable, misérable.Aspect piteux; loques piteuses. Sur le quai des Morfondus, un ouvrier, déguisé en vieille femme centenaire, piteuse, criblée de haillons, en lambeaux, présentait, de ses mains tremblantes, un chétif rameau de buis aux rires des passants (Balzac, OEuvres div.,t.2, 1831, p.127):
. ... il a tenu à me dire l'indignation que lui a causée votre inertie, vos hésitations, vos reculs. Il vous a qualifié d'un mot qui est peut-être dur, mais qui n'est que juste: vous avez été piteux! Le général le saura. Vercel, Cap. Conan,1934, p.222.
[Souvent antéposé] Insuffisant, raté, en mauvais état. Avoir de piteux résultats; piteux discours, piteuse valise. Son piteux chapeau, jadis neuf, au temps des incroyables (Adam, Enf. Aust.,1902, p.152).Au début du siècle dernier, ce château [de Mirabeau] était en piteux état, une ruine, un repaire de hiboux et de chouettes (J. Tharaud, Chez Barrès,1928, p.234).
Faire piteuse chère. ,,Faire mauvaise chère`` (Ac.). Faire piteuse mine. ,,Faire une mine rechignée`` (Ac.).
D. − Qui éprouve de la honte. Être tout piteux, se trouver tout piteux. Se sentir ridicule.
Piteux de.Honteux de. Un vieux serviteur à cheveux blancs, tout piteux d'avoir dit une bêtise et qui ne sait comment s'y prendre pour réparer, quoi de plus doux à notre misérable orgueil de maître? (Renard, Journal,1903, p.851).Jacques se sentait piteux de cette entrée manquée comme d'une histoire drôle qui fait long feu (Gracq, Beau tén.,1945, p.160).
Prononc. et Orth.: [pitø], fém. [-ø:z]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist.1. 1remoitié xiies. pitus «compatissant, miséricordieux» (Psautier de Cambridge, éd. F. Michel, 42, 1), piteux dans ce sens jusqu'au xviies. (Pomey 1671); 2. a) ca 1180 pitus «qui fait éprouver de la pitié, touchant» (Thomas, Tristan, éd. B. H. Wind, Sn 1, 782); b) 1623 péj. «médiocre» (Sorel, Francion, p.117: Eh Dieu! quelle piteuse chère [que celle du college], au prix de celles que faisoient seulement les porchers de notre village!); c) 1651 (Scarron, Virgile travesti, éd. 1786, livre 6, t.4, p.352: réduit à très-piteux point; p.357: Faisant une piteuse mine). Du lat. tardif pietosus «plein de compassion» (xes. ds Nierm.) dér. de pietas «pitié»; piteux a été att. au sens de «pieux» du xiveau xvies. (v. Gdf.). Fréq. abs. littér.: 261. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 224, b) 444; xxes.: a) 614, b) 310.