| PIRATE, subst. masc. A. − 1. Aventurier qui court les mers pour piller les navires de commerce ou les côtes. Synon. boucanier, écumeur, flibustier, frère* de la côte (vx).Tête de pirate. Il tomba entre les mains des pirates (Ac.).Plusieurs pirates enterraient dans le sable des îles des coffres lourds de lingots (Schwob, Monelle, 1894, p.144).Les villages juchés sur les hauteurs rappellent l'ancienne insécurité de la côte... Les pirates de Grèce, de la Tripolitaine, de l'Algérie, du monde slave en face (Barrès, Cahiers, t.9, 1911, p.104).Au neuvième siècle ces pirates danois, installés, assagis, ont refait de Londres la plus grande place de commerce du nord (Morand, Londres, 1933, p.5): 1. On peut se le représenter vagabond, chef de brigands, incendiaire, pirate sans merci, combattant des deux mains comme ce flibustier de cauchemar qui ne bondissait sur les galions de Vera-Cruz ou de Maracaïbo qu'après avoir allumé une chandelle dans chacune des boucles de ses interminables cheveux noirs.
Bloy, Femme pauvre, 1897, p.145. 2. P. ext. a) Celui qui s'empare illégalement par la force de biens d'autrui ou de personnes. Synon. bandit, voleur.C'est un pirate, un vrai pirate (Ac.1835-1935).Qui? Ce maudit Harris! Cet américain d'enfer! Ce pirate exécrable! Ce voleur d'enfants! Cet assassin de jeunes filles! (About, Roi mont., 1857, p.254).C'est un sombre vol de cinq cents cavaliers, Pirates du désert, vivant sémoûn (var. de simoun) qui rôde, Jour et nuit, à travers les sables familiers (Leconte de Lisle, Poèmes trag., 1884, p.123). − Empl. prédicatif. L'Angleterre varie beaucoup moins qu'on ne croit. Elle est restée pirate (Maurras, Kiel et Tanger, 1914, p.104). − En partic. Pirate de l'air. Individu qui s'empare par la menace d'un avion, généralement afin d'exiger la satisfaction de certaines exigences. 16 h 15, le Boeing décolle sans autorisation d'atterrir, après le refus des autorités bulgares d'accueillir l'avion détourné. Les pirates de l'air annoncent leur intention de faire escale à Athènes (Libération, 29 août 1983, p.36, col. 2). b) P. anal. Individu qui s'enrichit ou acquiert une position sociale aux dépens d'autrui, par escroquerie, spéculation. Synon. aventurier, bandit, escroc, filou, requin.En ce bonhomme étrange [Clemenceau] il [Drumont] a flairé depuis longtemps (...) le pirate de la politique (Bernanos, Gde peur, 1931, p.391).Soyons prêts à nous défendre. C'est que nous allons tomber sur des pirates, sur de véritables requins (Duhamel, Notaire Havre, 1933, p.162). c) Vieilli. Individu qui s'empare du contenu des oeuvres artistiques ou intellectuelles en les copiant ou les plagiant, ou en les reproduisant illicitement. Beau tableau à faire: la canaille littéraire; Ne pas oublier un portrait de Forgues, le pirate, l'écumeur de lettres (Baudel., Coeur nu, 1867, p.661). B. − En appos. ou en compos. 1. Navire-pirate, bâtiment-pirate, bateau-pirate. Navire utilisé par les pirates, dont l'équipage se livre à des actes de piraterie. Sans lui que serais-tu devenu, pauvre cher brick?... Quelque infâme bâtiment pirate (Sue, Atar-Gull, 1831, p.22).Insulté par un hercule, le chef de la bande, il le tuait à coups de poings, prenait sa place et ressortait, roi des truands, juste à temps pour embarquer ses troupes sur un bateau-pirate (Sartre, Mots, 1964, p.177). − P. métaph. Oh! sur le pont, là-haut, le vent long et féroce, le vent-pirate sifflant dans les cordages (Larbaud, Barnabooth, 1913, p.66). − P. méton. Navire pirate. Dix fois plus vive qu'un pirate, En cent jours du Havre à Surate Elle nous emporta souvent (Vigny, Poèmes ant. et mod., 1837, p.209).Il espérait le séparer de son navire, s'emparer du Duncan et faire de ce yacht un pirate du Pacifique (Verne, Île myst., 1874, p.382). 2. Usuel. Subst. + pirate a) [S'emploie pour indiquer que l'existence du référent du subst. résulte d'une infraction délibérée à la législation ou à une règle implicitement établie] Synon. hors-la-loi.Édition-pirate; taxi-pirate; radio-pirate, émission pirate. Les usines pirates planquées sous de fausses raisons sociales, où triment des esclaves de treize ans vendus par leur famille (J.-C. Guillebaud, Un Voyage vers l'Asie, Paris, éd. du Seuil, 1979, p.132).Le festival [de la photo, à Arles] sécrète déjà ses signes extérieurs de réussite. Son antifestival, par exemple. Un accrochage pirate sur les parois d'une camionnette (Le Nouvel Observateur, 26 juill. 1976, p.39, col. 1). b) En partic. [S'emploie pour indiquer que le référent du subst. s'approprie la forme et/ou plagie le contenu d'oeuvres antérieures en violation des lois protégeant la propriété artistique ou intellectuelle] C'est nous qui avons fait, en décembre 1943, une édition-pirate du «Nouvelliste», feuille super-collaboratrice (Le Nouvel Observateur, 26 janv. 1976, p.80, col. 2).Devenu quasi introuvable, le livre [«l'École des cadavres»] s'achète à prix d'or chez les bouquinistes. Et depuis peu, en photocopie-pirate (Le Point, 2 août 1976, p.73, col. 1): 2. «Macbeth» demeura un opéra mal aimé jusqu'à nos jours. Exactement jusqu'au soir de 1952 où Maria Callas, comme de coutume, en donna à la Scala une interprétation bouleversante, et dont nous savons, grâce à un disque pirate et à l'enregistrement des principaux airs effectué en 1959, qu'elle reste inégalée.
L'Express, 14 août 1978, p.19, col. 1. Prononc. et Orth.: [piʀat]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. Subst. 1. a) 1213 «navigateur interceptant les navires pour les piller» (Faits des Romains, éd. L.-L. Flutre et K. Sneyders de Vogel, 463, l. 11); b) 1837 «navire de pirates» (Vigny, loc. cit.); 2. 1634 «individu sans scrupules qui s'enrichit aux dépens des autres» vray Corsaire et Pyrate d'Academie (de jeux) (Trad. A. J. de Salas Barbadillo, Le Matois mary, 11 ds Quem. DDL t.21); 1835 (Ac.: Il se dit, par extension, de Tout homme qui s'enrichit avec impudence aux dépens des autres, qui commet des exactions criantes. C'est un pirate, un vrai pirate); 3. 1969 pirates de l'air (La Croix, 19 déc. ds Gilb. 1971). B. Empl. appos. et adj. 1773 vaisseau pirate (Bern. de St-P., Voyage à l'île de France, p.84); 1856 libraire pirate (Sainte-Beuve, Caus. lundi, t.13, p.10); 1931 araires pirates (Giono, Gd troupeau, p.128); 1966 édition-pirate (Le Monde, 24 déc. ds Gilb. 1971). Empr. au lat. pirata, -ae, lui-même empr. au gr. π
ε
ι
ρ
α
τ
η
́
ς «brigand, pirate». Fréq. abs. littér.: 354. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 583, b) 952; xxes.: a) 247, b) 348. Bbg. Chautard Vie étrange Argot 1931, p.469. _Dubuc (R.). Pirates de terre ferme. Meta. 1976, t.21, pp.141-142. _Kemna 1901, p.90. |