| PIQUER, verbe trans. I. − Entamer légèrement, percer avec une pointe ou un objet pointu. A. − 1. Empl. trans. a) Qqn pique qqn/une partie du corps de qqn.Piquer qqn avec une épingle. Mirax semblait jouer; du bout de son épée Il agaçait son homme et lui piquait la peau (Bouilhet,Melaenis, 1857, p.113).Quand Savonarole sera pris, ils le mèneront en prison à travers les rues, alors, avec ces bâtons-là, on va rigoler à lui piquer les fesses (Salacrou,Terre ronde, 1938, iii, 2, p.245). b) Qqn pique qqc.Le pivert pique l'écorce des arbres. D'ordinaire (...) [Napoléon] promenait sur la salle un oeil incertain, ou mutilait les crayons avec son canif, ou piquait avec ce même canif le tapis de sa table, ou le bras de son fauteuil (Las Cases,Mémor. Ste-Hélène, t.1, 1823, p.805): 1. Un merle noir, oxydé de vert et de violet, piquait les cerises, buvait le jus, déchiquetait la chair rosée...
Colette, Sido, 1929, p.49. c) Qqc. pique qqn/une partie du corps de qqn.Chardons qui piquent les bras, les jambes. Là-bas, Fly se ruait, parce que le fer des étriers la piquait aux flancs (Adam,Enf. Aust., 1902, p.251).Tout à coup, je me trouvai assis par terre, j'étendis les mains. Des buissons... Une épine me piqua le doigt (Benoît,Atlant., 1919, p.283). d) Qqc. pique qqc.La plume pique le papier. Elle (...) lança le crochet dans les branches de l'arbre (...). À la seconde tentative, la griffe de l'hameçon piqua l'écorce et Chiquita tira la corde à elle (Gautier,Fracasse, 1863, p.389). 2. Empl. pronom. réfl. a) réfl. dir. Je me pique aux épingles, je serre les cordons en des noeuds indéliables au lieu de les démêler (Maupass.,Contes et nouv., t.2, Inconnue, 1885, p.1000).Le père Wolf s'était piqué à la couronne d'épines en la portant et (...) il saignait (Giraudoux,Siegfried et Lim., 1922, p.280). b) réfl. indir. Se piquer les bras, les jambes. Tout en cousant, elle se piquait les doigts, qu'elle portait ensuite à sa bouche pour les sucer (Flaub.,MmeBovary, t.1, 1857, p.15).Papa (...) préparait des examens, la nuit, et se piquait le dos des mains avec son canif pour s'empêcher de dormir (Duhamel,Maîtres, 1937, p.20). 3. Empl. abs. a) Qqc. pique.Les épines, les ronces, les oursins piquent. La fillette s'assit. Le mousse lui enveloppa les pieds et les jambes d'herbe sèche. −Ça pique, dit-elle (Schwob,Monelle, 1894, p.35).C'est peut-être parce que le chardon pique qu'il ne craint pas la sécheresse. Il ne faut pas être trop indulgent: un peu de haine protège (Renard,Journal, 1905, p.981). b) Qqn pique.[L'idée dominante est celle d'une blessure infligée au moyen d'une arme aiguë, effilée] À l'Alma, j'ai eu le bonheur de sauver mon colonel blessé; je suis tombé sur un groupe de Russes qui l'emportaient; j'ai sabré, piqué, je me suis tant démené, que j'en ai tué, blessé (Ségur,Auberge ange gard., 1863, p.89). − Arg. Blesser à coups de couteau. [Le meurtre ne] semblait pas signé Riton. La gorge tranchée net (...) un rasoir (...) Riton, il piquait au buffet, en remontant, c'était bien connu (Simonin,Touchez pas au grisbi, 1953, p.45). B. − En partic. 1. Piquer qqc.Percer quelque chose pour l'attraper, s'en emparer; (en parlant d'un oiseau) effectuer un mouvement du bec analogue à celui d'une pointe. Piquer des aliments avec une fourchette. Des poules piquent un grain entre deux pailles (Goncourt,Ch. Demailly, 1860, p.384).Un merle noir, oxydé de vert et de violet, piquait les cerises, buvait le jus, déchiquetait la chair rosée (Colette,Sido, 1929, p.49): 2. ... il s'assit devant la table, tira le tiroir au pain. Comme autrefois, il taillait des bouchées qu'il piquait de la pointe du couteau, trempait dans le verre de vin et portait à sa bouche.
Pourrat,Gaspard, 1930, p.8. a) Pop. Prendre, dérober. Synon. barboter (arg.), chiper (fam.), faucher (pop.).Les copains, ils auront tôt fait de vous piquer le pognon et quand il n'en restera plus, ils vous feront coffrer (Aymé,Uranus, 1948, p.99).On ne peut pas écrire un roman sans piquer des trucs autour de soi, dit Henri (Beauvoir,Mandarins, 1954, p.556). ♦ Fam., vieilli. Piquer la table*, l'assiette* (vieilli). Pauvre ami! condamné à piquer l'assiette (...) dans les pires ménages de la montagne, il en avait vu bien d'autres! (Fabre,Xavière, 1890, p.37) b) Arg. des grandes écoles. Piquer (une note). Obtenir (en parlant d'un élève), donner (en parlant d'un professeur) une note (d'apr. Rigaud, Dict. jargon paris., 1878, p.265; ds France 1907). 2. Pop. [Le compl. désigne une pers.] Piquer qqn, se faire piquer. Prendre quelqu'un, se faire prendre en flagrant délit, généralement dans une activité illégale. Synon. fam. se faire pincer (v. ce mot I C 1 a ex. de Colette), se faire choper*.Tu as de l'eau dans le cerveau ou quoi? Le jour où ce cinglé se sera fait piquer tu te sentiras fier? (Beauvoir,Mandarins, 1954, p.233). 3. [Le compl. désigne certains animaux] a) Piquer un boeuf, un cheval. Donner des coups d'aiguillon dans les flancs du boeuf, des coups d'éperon dans les flancs du cheval, afin de les stimuler, d'augmenter leur allure. Synon. aiguillonner, éperonner.Ayant vu passer dans le crépuscule un bouvier de Belmont, qui piquait ses boeufs, elle se prit à l'aimer (A. France,Île ping., 1908, p.102): 3. ... voulant se rendre compte de la belle ordonnance des troupes dont il venait de prendre le commandement, il piqua son cheval de l'éperon et s'élança au galop le long de la colonne qui sinuait parmi de légers mimosas d'Afrique.
Psichari,Voy. centur., 1914, p.1. ♦ Piquer des deux*, des éperons (v. éperon). b) Piquer un cheval. Faire pénétrer la pointe du clou jusqu'à la chair, en ferrant le cheval. (Dict. xixes., Quillet 1965). c) Piquer un poisson. Synon. de ferrer.Quand il pique un gardon de cent grammes, ça devient un brochet de trois livres (Pt Simonin ill., 1957, p.82). 4. [Le suj. désigne un insecte, un serpent, etc.] Enfoncer son aiguillon, son dard, son crochet à venin dans la chair d'un homme, d'un animal. Être piqué/se faire piquer par une guêpe, une puce, un scorpion, une vipère. Les mouches me piquent la figure (Flaub.,Corresp., 1850, p.178).Chaque matin les moustiques lui piquaient la main gauche, chaque soir il perçait les cloques (...) et des petits jets d'eau se mettaient à jaillir (Prévert,Paroles, 1946, p.31): 4. À supposer que, dans la suite des temps, le sphex soit arrivé à reconnaître un à un, par tâtonnement, les points de sa victime qu'il faut piquer pour l'immobiliser, et le traitement spécial qu'il faut infliger au cerveau pour que la paralysie vienne sans entraîner la mort...
Bergson,Évol. créatr., 1907, p.174. − Expr. fig. Quelle mouche* le pique? Être piqué de la tarentule*. 5. Vieilli. Piquer des noms sur une liste. [P. méton.] Piquer les absents, les retardataires. Les cocher en faisant une marque avec un crayon, un objet pointu. (Dict.xixes.). 6. Spécialement a) BEAUX-ARTS. Piquer un dessin.
α) Tracer, avec de petits trous, le contour d'un dessin appliqué sur une surface afin d'obtenir un poncif. Si vous craignez que votre papier ne noircisse le cuir, vous pouvez piquer votre dessin et le poncer (Closset,Trav. artist. cuir, 1930, p.17).On a préalablement exécuté un carton général, que l'on a calqué en piquant le dessin (Moreau-Vauthier,Peint., 1933, p.122).
β) Rehausser les parties claires ou vives d'un dessin à l'aide d'un crayon blanc ou de petites touches de gouache (d'apr. Adeline, Lex. termes art, 1884). b) CUIS. Garnir un aliment (généralement une viande) de certains ingrédients (ail, lardons, etc.) après y avoir pratiqué de petits trous à l'aide d'un instrument approprié. Piquer un gigot, un rôti. Après deux ou trois heures, piquez les ris de lardons gras, blancs et frais (Gdes heures cuis. fr.,L. Tendret, 1896, p.201).Une table solide, assez grande, à tiroir, pour hacher, piquer les viandes, dresser les mets (Lar. mén.1926, p.466). c) MÉD., ART VÉTÉR. Introduire une aiguille, une lancette, dans un point précis du corps d'un homme, d'un animal, afin d'effectuer une injection, une ponction, ou de pratiquer l'acupuncture. Piquer (à) la cuisse, (à) l'épaule, (dans) une veine, un muscle; piquer un enfant, un malade. Le malade eut le temps de lui dire, avant d'étouffer −Piquez-moi, piquez-moi tout de suite, avec de l'eau pure! (Zola,Dr Pascal, 1893, p.294): 5. Barca était assis sur son lit. Non, il ne désirait rien de plus (...). L'embêtant c'était qu'on ne voulait pas le piquer à la morphine. Si c'était qu'on craignait qu'il devînt morphinomane, à son âge, on ferait mieux de lui foutre la paix.
Malraux,Espoir, 1937, p.511. ♦ (Faire) piquer un animal. Faire (faire) à un animal une piqûre provoquant une mort rapide et sans souffrances. Allons-nous recommencer cette séance où nous avions à décider s'il fallait piquer le chat de Joséphine et où, malgré tous nos efforts, nous n'avons pu aborder la question! (Giraudoux,Folle, 1944, ii, p.111). − Empl. pronom. réfl. S'injecter un stupéfiant. Visiblement elle se piquait, se droguait. Somnolence, voix éteinte, et ce vague spécial dû à la morphine! (Blanche,Modèles, 1929, p.27).Le 14 juillet (...) MmeRezeau se piqua vainement trois fois. Un calcul plus gros que les autres, engagé dans le canal cholédoque, se refusait à passer (H. Bazin,Vipère, 1948, p.100): 6. ... comme il s'était montré plus brutal encore que de coutume, la pauvre fille, exaspérée, s'était sauvée chez une amie. Celle-ci, morphinomane, lui conseilla de se «piquer». Aline calcula-t-elle mal la dose? ou voulut-elle la forcer?... Elle en prit tant, qu'une heure après elle était morte.
Gide,Journal, 1902, p.111. d) TECHNOLOGIE
α) BÂT. Piquer un moellon, une pierre, une surface, etc. Y pratiquer de petites entailles à l'aide d'un outil approprié afin de rendre ces matériaux ou cette surface moins lisse(s) (dans un but pratique ou décoratif). L'archivolte de l'arcade donnant sur la nef [dans la tribune de Saint-Savin] (...) présente une moulure très simple, mais cependant ornée (...). Puis on a piqué cette même moulure, afin d'y faire adhérer le crépi de mortier (Mérimée,Ét. arts Moy. Âge, 1870, p.171).La taille nécessaire pour smiller ou piquer le moellon (...) est comptée séparément [du prix de la maçonnerie] (Robinot,Vérif., métré et prat. trav. bât., t.1, 1929, p.62): 7. ... les ouvriers utilisaient des instruments de toutes sortes. Certains à plusieurs lames et recourbés permettaient d'user lentement la pierre afin de creuser des rainures dans lesquelles venait s'emboîter une autre pierre, travaillée auparavant à l'aide de lames au tranchant convexe. Un moine, Robert Daujant, piquait les pierres, à Cluny, nous dit la légende, à l'aide d'un os de poulet façonné de sa main.
Lambertie,Industr. pierre et marbre, 1962, p.61.
β) SERR. Piquer une serrure. ,,Tracer avec une pointe sur le palastre l'endroit où doivent être posées les différentes pièces, dont l'assemblement formera la serrure`` (Jossier 1881; dict.xixeet xxes.). C. − P. anal. 1. P. anal. (d'aspect). [Gén. empl. à la forme passive ou pronom. à valeur passive] a) [En parlant du bois] Être creusé, parsemé de petits trous dus aux vers, à certains insectes. Une bûche piquée des vers éclate dans le feu comme un marron d'artifice (Gautier,Fracasse, 1863, p.391).Je déplace l'armoire, ma chère vieille armoire piquée des vers (H. Bazin, Vipère, 1948, p.193). − Loc. fam., p.iron. N'être pas piqué, à piquer des vers, des hannetons. Être bien conservé. Je vous ai choisi tout ce que nous avons de plus beau, mon cher monsieur Godefroid, dit-elle d'un air triomphant... Voilà de jolis rideaux de soie et un lit en acajou qui n'est pas piqué des vers! (Balzac,Initié, 1848, p.376).Être parfait, remarquable dans son genre. Il recevait des lettres anonymes qu'étaient pas à piquer des vers! (Céline,Mort à crédit, 1936, p.510): 8. Des consommateurs entraient (...) et, regardant de côté la jeune femme, clignaient de l'oeil avec malice; ce qui signifiait: «Sacré mâtin! elle n'est pas piquée des vers, l'épouse à Georges Duroy.»
Maupass.,Bel-Ami, 1885, p.225. b) [En parlant de certains matériaux, de certaines surfaces] Être recouvert de petites taches (d'humidité, de rouille, etc.) semblables à des traces de piqûres. Linge, livre, miroir qui se pique/est piqué. L'humidité (...) si elle ne consume pas brusquement les tableaux (...) les dégrade lentement. Dans les musées où la température est mal réglée, les panneaux de bois travaillent, les dessins se piquent. Aussi faut-il veiller de très près aux conditions hygrométriques (Réau,Archives, bibl., musées, 1909, p.29). ♦ Aliment, vin qui se pique/est piqué. Aliment, vin qui se couvre de petites moisissures, qui s'altère, s'aigrit. Son vin se piquait, et il attribuait ce dommage à la façon défectueuse dont ses bouteilles étaient bouchées (A. France,Orme, 1897, p.48). c) Consteller de petites taches, de petits points lumineux. Astres, lumières qui piquent le ciel, l'ombre. Des points rouges piquaient cette obscurité bleue, comme si les étoiles eussent laissé tomber des étincelles sur la terre (Gautier,Rom. momie, 1858, p.284).Les Anglais sont de drôles d'enfants, aux mains piquées de taches de son, que les écureuils et les pois de senteur font pleurer (Morand,Tendres stocks, 1921, p.88). 2. P. anal. (d'effet). Produire une sensation vive, irritante, rappelant celle de piqûres. a) [L'objet ou l'être comporte des aspérités, renferme une substance urticante, est fait d'une matière rugueuse] Synon. démanger, gratter (fam.).Méduse, ortie, tissu, vêtement qui pique. Sa barbe grêle piquait à travers ses rides comme le chaume dans les sillons (Balzac,Paysans, 1844, p.230).André donnait de gros baisers à son grand-papa, dont le menton piquait, piquait (A. France,Livre ami, 1885, p.232). − [P. méton.] La joue montre, à contre-soleil, un duvet qui retient la lumière (...). Matin et soir, quand Antoinette Baudoin embrasse Hubert (...) la mère dit en souriant: «Vraiment, tu commences à piquer!» (Duhamel,Suzanne, 1941, p.186). b) [L'objet affecte certains sens] Synon. brûler, cuire, picoter.Le froid, le vent piquent la peau; la moutarde pique la langue; les larmes piquent les yeux. Une âcre fumée lui piqua les yeux et le gosier, si bien qu'il se prit à tousser comme un chat qui avale des plumes en croquant un oiseau (Gautier,Fracasse, 1863, p.304): 9. Lorsque, tous habillés, nous nous mettions en rond, les jambes croisées en tailleur, pour nous partager, dans deux gros verres sans pied, la limonade rafraîchie, il ne revenait guère à chacun, lorsqu'on avait prié M. Seurel de prendre sa part, qu'un peu de mousse qui piquait le gosier et ne faisait qu'irriter la soif.
Alain-Fournier,Meaulnes, 1913, p.217. − Empl. abs. Le printemps de Combray (...) piquait encore aigrement avec toutes les aiguilles du givre (Proust, Swann, 1913, p.386).Le soleil pique... Nous aurons du regain, que de regain! (Bernanos,Joie, 1929, p.607). c) [Le suj. désigne une partie du corps humain; le verbe est accompagné d'un compl. second désignant la pers.] Être le siège d'une sensation de piqûre. La gorge, la langue me pique. Les yeux me piquent à force d'avoir feuilleté (Flaub.,Corresp., 1853, p.412). ♦ Se piquer le nez* (pop.). D. − Au fig. 1. Piquer qqn (au vif). Irriter vivement; atteindre, blesser l'amour-propre (de quelqu'un). Synon. égratigner, froisser, offenser.Quoique mensonger l'article piquait au vif le Garde-des-Sceaux, sa femme et le Roi (Balzac,Illus. perdues, 1839, p.520).Ma moquerie le piquait au vif et il mit vite un point d'honneur à s'enhardir (Gide,Journal, 1914, p.495): 10. Ce danseur (...) n'est qu'un danseur à la mode, un faiseur de tours de force, pirouettant sans cesse, et tout-à-fait dénué de grâces. Je me taisais, c'était vraiment tout ce que je pouvais faire; cela piqua Madame de Mirval, qui voulait que j'applaudisse.
Leclercq,Prov. dram., Répét. prov., 1835, 2, p.367. − Empl. pronom. réfl. Se fâcher, se vexer. Tu aurais pu, chère Louise, te dispenser de te piquer pour ma malheureuse plaisanterie sur d'Arpentigny (Flaub.,Corresp., 1852, p.377).Comme chacun des jeunes gens réclamait la note avec une indifférence enjouée, Gilbert se piqua et tint à la régler seul (Arland,Ordre, 1929, p.422). ♦ Se piquer contre qqn (vieilli). On peut être sublime de charité dans une peste et se piquer contre le prochain dans une simple dispute théologique (Sainte-Beuve,Port-Royal, t.1, 1840, p.506). 2. Proverbe. Qui s'y frotte s'y pique (v. frotter B 2 b). Cette grande dame devait me perdre: je n'ai eu qu'à souffler sur elle, et elle n'ose plus se montrer (...). On sait maintenant que qui s'y frotte s'y pique (Augier,Effrontés, 1861, p.386). 3. [L'objet désigne une pers. ou une faculté humaine] Exciter, stimuler vivement. Synon. aiguillonner, chatouiller, enflammer, éveiller.Tout ce qui put piquer le goût fut essayé comme assaisonnement ou employé comme tel (Brillat-Sav.,Physiol. goût, 1825, p.265).Ce qui piquait le plus ma curiosité était de savoir comment l'acteur chargé du rôle d'Hamlet se tirerait de ce mélange de bouffonneries et de choses terribles (Delécluze,Journal, 1827, p.455).Les circonstances romanesques de la vie de Christophe ne contribuèrent pas peu à piquer l'attention (Rolland,J.-Chr., Maison, 1909, p.1073). ♦ Piquer d'honneur*. − Empl. pronom. réfl. ♦ Se piquer d'honneur*. Se piquer le nez* (pop.). Se piquer au jeu*. ♦ Se piquer de qqc., de faire qqc. Prétendre posséder une aptitude, une qualité particulière dont on s'enorgueillit. Synon. se flatter (de), se vanter (de), se faire fort (de), se faire gloire (de).Se piquer de distinction, d'élégance, de littérature, de poésie; se piquer de savoir chanter, composer, d'avoir du goût, d'être au courant, à la mode. M. Bourdon donne là un bon exemple à ses confrères qui ne se piquent pas généralement d'exactitude (Becque,Corbeaux, 1882, i, 10, p.93).Le baron de Malefroi, qui se piquait d'être poète, ayant fait rimer rose avec prose (Aymé,Clérambard, 1950, ii, 9, p.119): 11. Il songeait qu'un fils de cet âge le poserait, l'installerait définitivement dans son rôle de veuf remarié, riche et sérieux. Lorsqu'il annonça son projet à Renée, à l'égard de laquelle il se piquait d'une extrême galanterie, elle lui répondit négligemment: −C'est cela, faites venir le gamin...
Zola,Curée, 1872, p.403. II. A. − Fixer (quelque chose sur quelque chose, deux choses entre elles) en traversant à l'aide d'une aiguille, d'une pointe; transpercer. Piquer des papillons sur un support, des photos au mur. Heureux les gens qui ont passé leurs jours à piquer des insectes sur des feuilles de liège (Flaub.,Corresp., 1846, p.209).Elle piquait sur une aiguille à tricoter des quartiers d'orange, des dattes, des pruneaux (Beauvoir,Mém. j. fille, 1958, p.93). − P. métaph. [En parlant d'un portraitiste] M. Degas, en attendant qu'elles deviennent ouvreuses, chiromanciennes ou marcheuses, les pique, toutes vives, devant la rampe [les danseuses] (Huysmans,Art mod., 1883, p.134). − P. anal. [Toutes ces choses] faisaient de cette chambre une sorte de chapelle où le soleil (...) piquait sur les murs, après avoir rosé l'aubépine des rideaux, des lueurs aussi étranges que si la petite chapelle avait été enclose dans une plus grande nef à vitraux (Proust,Past. et mél., 1919, p.233). B. − Spécialement 1. COUT., SELLERIE. Faire passer un ou plusieurs fils alternativement d'un côté à l'autre d'une ou plusieurs épaisseurs de tissu, de cuir, en les traversant au moyen d'une aiguille, afin d'obtenir une suite continue et régulière de points. Piquer du jersey, du taffetas, du velours; piquer une encolure, des poignets; piquer une semelle, une tige de chaussure; piquer à la machine. Sa fille unique, (...) très habile à piquer à la main les ourlets des chemises et aussi à jouer du piano (Larbaud,Barnabooth, 1913, p.15).Une ouvrière se borne à piquer la doublure des manches, une autre les coutures du dos, une autre le col (Traité sociol., 1967, p.449): 12. ... il suivait son aiguille qui piquait le calicot avec un petit bruit cadencé; et il lui semblait que ce fil emportait et nouait un peu de leurs deux existences. Pendant des heures, elle aurait pu coudre, il serait resté là, à entendre le langage de l'aiguille...
Zola,Page amour, 1878, p.942. − Empl. abs. Elle savait tout faire: couper les vêtements d'homme, faufiler, piquer, broder, tricoter (Duhamel,Notaire Havre, 1933, p.61). − Empl. subst. On entendait le piquer de l'aiguille et le tirer de la laine que la princesse passait brusquement dans le canevas (Chateaubr.,Mém., t.4, 1848, p.269). 2. IMPR. Carte à piquer. ,,Carte laminée sur laquelle les épreuves tirées sur papier à report sont assemblées suivant un tracé déterminé`` (Lar. encyclop.). Piquer une épreuve (lithographique). ,,Fixer sur la carte à piquer, en frappant avec une pointe, les épreuves lithographiques qui doivent être reportées sur pierre ou sur zinc`` (Lar. encyclop. et Lar. Lang. fr.). 3. RELIURE. ,,Procéder au brochage d'un volume avec un fil métallique`` (Lar. Lang. fr.). 4. TECHNOL. Brancher une canalisation annexe sur une canalisation principale; poser un robinet sur une conduite. (Dict. xixeet xxes.). III. A. − 1. Faire pénétrer (quelque chose) par la pointe. Synon. ficher, planter.Piquer une aiguille dans une étoffe, des épingles sur une pelote, des clous de girofle dans un oignon, une fourchette dans un aliment. Après avoir masqué le dôme avec du blanc d'oeuf (...), vous le glacez avec du sucre fin, ensuite vous y piquez avec symétrie les filets de pistaches (Gdes heures cuis. fr.,Carême, 1833, p.150).Comme le chef avait une mince cravate noire qui ne pouvait porter d'épingle, il piqua le bijou sur le revers de sa redingote (Maupass.,Contes et nouv., t.1, Hérit., 1884, p.528): 13. ... il revint à l'enfant, souleva le petit bras inanimé, le badigeonna d'iode, découvrit le vaisseau d'un coup de bistouri, glissa la sonde dessous et piqua l'aiguille dans la veine. −«Ça passe», cria-t-il. «Prenez le pouls. Moi, je ne bouge plus.»
Martin du G.,Thib., Belle sais., 1923, p.876. − Empl. pronom. a) réfl. indir. Les petits bouquets de jasmin montés sur des rondelles de carton, que des gamins vendent aux femmes −celles qui n'ont pas de chapeau −et qu'elles se piquent dans les cheveux (T'Serstevens,Itinér. esp., 1933, p.64). b) à valeur passive. Un enseigne assis à côté de moi s'amusait (...) à laisser tomber la pointe en bas, sur les planches du tillac, le poignard que les officiers de marine portent ordinairement en petite tenue. C'est un amusement (...) qui exige de l'adresse pour que la pointe se pique bien perpendiculairement dans le bois (Mérimée,Mosaïque, 1833, p.117). 2. En partic. Établir, planter en terre. Piquer un bâton dans le sol. J'arrivai près d'un petit étang sur les bords duquel je fis piquer ma tente (Du Camp,Nil, 1854, p.78).Courbe-toi pour piquer un poireau. Repique-le parce que tu es tombé sur une motte (Giraudoux,Électre, 1937, i, 3, p.57). − P. anal. (d'aspect). Piquer un chapeau sur sa tête. Le président, en jaquette et pantalon rayé, sera derechef piqué sur son fauteuil (Mauriac,Nouv. Bloc-Notes, 1961, p.156). ♦ Empl. pronom. Synon. se planter (fam.).On arrivait bien en avance... On se piquait là-haut dans le virage... On s'embêtait pas une seconde... (Céline,Mort à crédit, 1936, p.395). B. − P. anal. (avec la rapidité du mouvement, la manière de l'effectuer) 1. a) [Le suj. désigne un oiseau] Effectuer rapidement un mouvement descendant et (presque) vertical. L'aigle pique sur sa proie. De temps en temps l'une [des mouettes] (...) piquait dans l'eau, comme une pierre, et remontait en tournoyant (Alain,Propos, 1907, p.12). − P. anal. [En parlant d'un avion] Descendre brusquement selon une trajectoire presque verticale (avant de se redresser rapidement). Un voyageur qui venait du Luxembourg avait vu un aviateur français piquer droit sur un Zeppelin, −et le crever, comme une bulle de savon! (Martin du G.,Thib., Été 14, 1936, p.669).Les avions piquent très bas, on dirait qu'ils veulent s'enfoncer comme des clous dans la rue étroite (Triolet,Prem. accroc, 1945, p.406). b) [Le suj. désigne une pers., un animal, p.méton. un objet doté de mouvement] Se diriger, se lancer rapidement vers un objectif. Piquer au plus court. On piqua droit sur les tentes; il faisait chaud, et nous avions encore à traverser une longue lisière de sables jaunes (Fromentin,Été Sahara, 1857, p.55).Le grand navire piquait son chemin tout droit, sans rouler, sur l'eau clapotante (Mille,Barnavaux, 1908, p.251): 14. ... ils auraient bien voulu se glisser dans leur bateau et piquer au large, dériver, retrouver sur la mer vacante, si douce, leurs gestes de tous les jours, −si maladroits, si empêtrés d'eux-mêmes ils se trouvaient sur cette terre délabrée, aux tristes joies.
Gracq,Beau tén., 1945, p.68. − MAR. Piquer dans le vent, piquer au vent. Mettre le cap vers le vent (d'apr. Jal1, Gruss 1978). c) Locutions ♦ Piquer du nez. Plonger, tomber tête en avant. Les goujons, ventre en l'air, viraient au bord des larges goulots, oscillaient une hésitante seconde, et, d'un coup de queue vif (...) piquaient du nez vers les ténèbres fraîches (Genevoix,Raboliot, 1925, p.19).Je montai en courant les trois étages d'un marchepied qui se dépliait, et, butant, je vins piquer du nez sur les genoux d'une affreuse vieille dame (Gyp,Souv. pte fille, 1928, p.88). ♦ Piquer une tête. Plonger, se jeter à l'eau. Si je ne travaillais pas, je n'aurais plus qu'à piquer une tête dans la rivière avec une pierre au cou (Flaub.,Corresp., 1872, p.62).L'on vit l'étrange ambassadeur se déshabiller tout nu, piquer une tête dans la flotte et nager sans hésitation vers le rivage (Cendrars,Bourlinguer, 1948, p.181).P. métaph. Rabot piqua une tête vers la portière, lancé en avant par une poussée de sa femme (Maupass.,Contes et nouv., t.1, Bête à mait'Belh., 1885, p.195).Piquer une tête en hauteur dans l'indépendance, dans l'accordéon, ça se solde par quoi, au juste, ces boniments? (Audiberti,Femmes Boeuf, 1948, p.128). ♦ Piquer un cent mètres, un galop, un sprint. Se mettre à courir, se précipiter (vers quelqu'un, quelque chose). Et la chanson continua (...), au train enragé du petit cheval qui s'emballait maintenant à tous les retours du refrain, et piquait chaque fois ses cent mètres de galop, à la grande joie des voyageurs (Maupass.,Contes et nouv., Mais. Tellier, 1881, p.1200).Lavelongue piquait un cent mètres, j'étais sa manie... Je l'avais tout de suite sur le paletot (Céline,Mort à crédit, 1936, p.166). ♦ Piquer des deux*. V. supra I B 2 a. ♦ CHASSE. Piquer à la queue des chiens. Se lancer à leur suite, les serrer de près pour les diriger. (Dict.xixeet xxes.). Piquer dans le fort. ,,Pousser son cheval dans le plus épais du bois`` (Vén. 1974; dict.xixeet xxes.). d) Au fig., fam. Avoir un accès soudain (de), éprouver, manifester brusquement une envie de quelque chose, de faire quelque chose. Piquer une colère, une crise de nerfs, un fou-rire, une rage, un quarante de fièvre. Tout à coup, battant des mains, sautant, dansant, pirouettant sur place à en tomber d'hystérie et à piquer une crise, elle se mettait à chanter (Cendrars,Bourlinguer, 1948, p.87).Quand elle rentrait elle était plus hargneuse que de coutume; ça n'est pas peu dire; tout prétexte lui était bon pour piquer des colères (Beauvoir,Mandarins, 1954, p.162): 15. Non, ajouta-t-il avec un accent chargé d'une terrible rancune, je refuserai toujours de faire le cabotin et de piquer des cris d'enthousiasme ou de colère à heure fixe, pour faire jouir les crétins...
Abellio,Pacifiques, 1946, p.25. ♦ Piquer un fard*, un soleil* (fam.). Rougir sous l'effet d'une émotion soudaine. À peine avait-il dit ces mots que le duc piqua ce qu'on appelle un soleil (Proust,Sodome, 1922, p.718).Je n'ai pas fini de piquer un fard à l'évocation de cette histoire qui n'est pas vieille de deux ans (H. Bazin,Huile sur feu, 1954, p.39). ♦ Piquer un chien1* (vieilli), un roupillon (pop.), un somme. Faire un somme, dormir un moment. Je vais (...) m'étendre sur mon divan rouge afin de piquer un chien, si faire se peut (Flaub.,Corresp., 1877, p.101).Volpatte manifeste l'intention de «piquer un roupillon» et il s'installe par terre, adossé à une paroi (Barbusse,Feu, 1916, p.238). 2. Frapper quelque chose d'un coup sec. Piquer le sol de coups de sabot. − Spécialement a) CHORÉGR. Piquer la pointe. ,,Poser directement la pointe d'un pied à terre, la plante des pieds et les orteils restant entièrement soulevés`` (Reyna 1967). Pour piquer la pointe (...) le corps repose sur un pied posé à plat (Meunier,Danse class., 1931, p.211).Piquer la pointe gauche à terre à quatre demi-pieds de distance de la jambe de position (Bourgat,Techn. danse, 1959, p.116). b) JEUX
α) BILLARD. Piquer la bille. Toucher la bille perpendiculairement avec la queue. (Dict. xixeet xxes.).
β) JEUX DE CARTES, arg. Piquer la carte*. c) MAR. Piquer la cloche, piquer l'heure. Frapper la cloche du bord autant de fois que de demi-heures écoulées depuis le début du quart. Ayant entendu piquer quatre heures, je descendis dans ma chambre (Dumont d'Urville,Voy. autour du monde, t.5, 1832-34, p.249).Pique huit! cria soudainement le second qui était de quart. Et le mousse frappa sur la cloche les huit coups de minuit (Cendrars,Dan Yack, Plan de l'Aiguille, 1929, p.43). − P. méton. Lorsque l'horloge du bord piquera le quart après minuit, je redescendrai dans la cale (Dumas père, Jeunesse Mousquet., 1849, v, 11, p.378).Midi sonne à la tour de la Douane, la boule du sémaphore tombe, tous les bateaux piquent l'heure (Claudel,Connaiss. Est, 1907, p.98). d) MUS. Piquer la note, une note. Jouer une note en la détachant vivement, rapidement. Le Staccato se pratiquant (...) en piquant chaque note d'un coup sec (Widor,Techn. orch. mod., 1904, p.208).Le signe de liaison indique qu'il faut faire [les] deux notes du même sens de l'archet, (...) ensuite l'on pique la brève avec plus ou moins de force (Laurencie,Éc. fr. violon, 1924, p.53). e) TECHNOL. Frapper (un matériau, un appareil, une pièce quelconque) pour nettoyer, détacher certains fragments, etc. Piquer la houille. Un ouvrier (...), au moyen d'un marteau spécial, pique la chaudière à coups répétés qui détachent en éclats la couche d'incrustation (Ser,Phys. industr., 1890, p.237).Pendant qu'il alimente sa machine, le mécanicien pique d'habitude son feu, c'est-à-dire qu'il fait tomber à travers la grille le mâchefer et les cendres (Bricka,Cours ch. de fer, t.2, 1894, p.104). ♦ Piquer la rouille. Marteler une pièce métallique pour en détacher les plaques de rouille. Je pense à toi, au pont de l'Antoinette où je piquais la rouille, dans l'embrun, en détournant la tête pour qu'on ne me vît pas pleurer (Genevoix,Avent. en nous, 1952, p.211). Prononc. et Orth.: [pike], (il) pique [pik]. Ac. 1694: picquer; dep. 1718: piquer. Étymol. et Hist.I. 2emoitié xiiies. [ms.] «démolir à coups de pics» (Élie de Saint Gille, éd. W. Foerster, 2432). II. A. 1. Ca 1306 «percer avec la pointe d'une épée» (Joinville, La Vie de St Louis, éd. N. L. Corbett, 224); d'où a) 1541 [date de l'éd.] «faire une piqûre (d'insectes)» (Jean de Brie, Le Bon Berger, éd. P. Lacroix, p.58); 1585 et ne say quelle mouche l'avoit piquee (N. du Fail, Contes d'Eutrapel, II, p.282 ds IGLF); b) ca 1480 «faire un trou, ronger (en parlant des vers)» (Mystere du Viel Testament, éd. J. de Rothschild, 31601); 1832 qui n'est pas piqué des vers (Les Amours de Mahieu, Chanson ds Larchey, Excentr. lang., 1865, p.253); c) 1538 «aiguillonner un animal» (Est.); d) id. «ficher en terre» (ibid.); e) 1572, 15 sept. cout. courtepoincte picquee (Vente du Mobilier de Claude Gouffier, duc de Roannes ds Havard); 1606 «coudre deux étoffes ensemble» (Crespin); f) 1660 «larder de la viande» (Oudin Esp.-Fr.); g) 1671 méd. «percer la peau avec une lancette» (Pomey); 2. spéc. a) 1721 mus. note piquee «rendue par un coup sec et détaché et marquée par un point allongé» (Trév.); b) 1773 mar. piquer au vent «aller à l'encontre du vent» (J. Bourdé de Villehuet, Manuel des marins); c) 1831 piquer un chien «dormir» (Musset ds Le Temps, p.75); d) 1835 piquer la bille «toucher perpendiculairement avec la queue (au billard)» (Ac.); e) 1842, 31 août piquer une tête «tomber la tête la première» (E. Briffault, Historiettes contemporaines, 9 ds Quem. DDL t.12) ; f) 1844 piquer un soleil (d'apr. Esn., s.v. soleil); g) 1858 piquer une carte «marquer d'un signe pour tricher» (Larch., p.653); h) id. se piquer le nez «s'enivrer» (ibid.); i) 1908, 7 oct. aviat. (L'Auto ds Petiot). B. Fin xives. «voler au passage» (Eustache Deschamps, Balades, Tout se perd, le monde et l'Eglise, 27, éd. Queux de Saint-Hilaire, VI, 249); 1694 piquer les tables «vivre en parasite» (Ac.); 1807 piquer l'assiette (Michel (J.-F.) Expr. vic., p.152). C. 1393 p.métaph. et fig. «donner la sensation d'entamer avec une pointe» (Ménagier de Paris, éd. G. E. Brereton et J. M. Ferrier, p.264, 29); 1580 piquer la langue (B. Palissy, Disc. admir., p.460 ds IGLF); 1671 piquer le goût «affecter le goût de sorte que la langue semble en être piquée» (Pomey); d'où 1835 se piquer «commencer à s'aigrir (du vin)» (Ac.). D. 1456-67 «donner de l'éperon à un cheval» (Les Cent Nouvelles Nouvelles, éd. F. P. Sweetser, 65, 44); 1484 «s'élancer sur son cheval» (J. de Roye, Chron. Scand., II, 39 ds IGLF); 1688 piquer des deux «donner des deux éperons à un cheval» (Rich.). III. 1. 1456-67 piquier son chemin «se sauver à pied en courant» (Les Cent Nouvelles Nouvelles, 50, 39); 2. a) 1596 piquer la cloche «faire résonner avec un marteau» (Compt. d'Et. Caillat, Arch. mun. Avallon, CC 203 ds Gdf.); b) 1773 mar. piquer l'horloge (J. Bourdé de Villehuet, Manuel des marins); c) 1836 id. piquer l'heure (Ac. Suppl.); 3. a) 1636 «piquer le trait d'un dessin pour en faire des copies» (Monet); b) 1676 piquer le grais (Félibien); c) id. «marquer (sur du bois) l'ouvrage qu'il faut y faire» (ibid.); d) 1765 piquer une serrure «tracer les places où doivent être posées les pièces» (Encyclop.). IV. 1. a) 1458 «fâcher» (Arnoul Greban, Mystère de la Passion, éd. O. Jodogne, 13414); verbe réfl. ca 1590 (Montaigne, Essais, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, I, 21, 102); b) 1588 se piquer à «s'entêter à» (Id., ibid., III, 6, 903); c) 1623 se piquer de «se vanter de» (Sorel, Francion, 212 ds IGLF); d) 1644 se piquer d'honneur «faire paraître sa générosité en quelque occasion» (Corneille, Le Menteur, IV, 6); 2. 1615 «exciter, provoquer quelqu'un» (A. d'Aubigné, Tragiques, I, p.4 ds IGLF). I dér. de pic*; dés. -er. II du lat. pop. *pīkkare «piquer, frapper» qui existe dans toutes les lang. rom. dont le cat., esp., port. (picar), à l'exception du roum., dér. prob. d'une onomat. pikk, où la voyelle i exprime ce qui pique, les 2 consonnes explosives sourdes, le début d'un mouvement qui dure un moment, la gutturale dure exprimant le bruit d'un coup sec sur un objet. On trouve de telles formations en all., sans qu'il soit nécessaire d'y chercher l'orig. de la famille des lang. rom. (FEW t.8, p.470b): en lat. class. l'onomat. pic se trouve déjà à l'orig. du subst. pīcus (v. pic-vert). Fréq. abs. littér.: 1505. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 1495, b) 2397; xxes.: a) 2332, b) 2441. DÉR. Piquoir, subst. masc.Aiguille emmanchée, utilisée pour piquer un dessin. (Dict.xixeet xxes.). − [pikwa:ʀ]. − 1resattest. 1765 piquois (Encyclop.), 1842 piquoir (Ac. Compl.); de piquer, suff. -oir*. BBG. −Dauzat Ling. fr. 1946, p.157. _Quem. DDL t.2, 6, 16. _Schuchardt (H.). Romanische Etymologien. Sitzungsberichte der philosophisch-historischen Klasse der kaiserlichen Akademie der Wissenschaften. 1899, t.141, no3, p.175. |