| PILLER, verbe trans. I. − Courant A. − 1. S'emparer par force de tous les biens que renferme un lieu pris par violence et mis à sac. Piller une ville. Le comte d'Armagnac lui-même ne pouvait les arrêter. Après avoir pillé les maisons, ils se jetèrent sur les couvens et les églises, où s'étaient réfugiées les filles et les femmes (Barante, Hist. ducs Bourg.,t.3, 1821-24, p.416).Cette collection prouve que les gens qui ont pillé les églises et les couvents sont d'excellents artistes et d'admirables connaisseurs (Gautier, Tra los montes,1843, p.63). ♦ P. métaph. Par lui d'abord [Mammon] les hommes aussi (...) saccagèrent le centre de la terre, et avec des mains impies pillèrent les entrailles de leur mère, pour des trésors qu'il vaudrait mieux cacher (Chateaubr., Paradis perdu,1836, p.59). 2. S'emparer par la force des biens de particuliers. La population se voit piller par les brigands comme une femme du peuple se sent battre par son mari, en admirant comme il frappe bien (About, Roi mont.,1857, p.23). − Empl. abs. Mais c'était le pillage, l'incendie, le meurtre et le viol certains. Et les Bourguignons seraient venus la reprendre (...) y piller, brûler, violer, massacrer de nouveau (A. France, J. d'Arc,t.1, 1908, p.472). B. − P. ext. − Dérober, emporter le bien d'autrui. Synon. dévaliser, faire main basse sur (fam.; v. bas1I A 3 c).Tout à coup le roi apprit qu'une troupe de Français attaquait l'armée anglaise par derrière et venait de piller ses bagages (Barante, Hist. ducs Bourg.,t.4, 1821-24, p.77).Il entra au service du chevalier de Trigand, qu'il ne vola pas (...) mais qu'il pilla comme un pays conquis (Sand, Valentine,1832, p.77). ♦ P. anal. Moi, j'ai toujours défendu de dénicher les moineaux de la ferme: ça nous pille beaucoup de grain, mais ça nous en sauve encore plus (Erckm.-Chatr., Ami Fritz,1864, p.48). − Dépouiller par des manoeuvres frauduleuses (vols, concussion, détournements, etc.). Piller les deniers de l'État. (Chacun d'eux fouille dans la cassette, et en tire quelque chose en poussant des cris de joie) (...) Le roi: (...) Ah çà! mais on a donc pillé le trésor de la couronne, ici? (Dumas père, Jeunesse Mousquet.,1849, iii, 10, p.146).[Louis Bonaparte] se tourne vers les juges inamovibles, et leur dit: −Magistrature, je brise la Constitution, je me parjure, je dissous l'Assemblée souveraine (...) je pille les caisses publiques, je séquestre, je confisque, je vole, j'escroque, je spolie (...) regardez les lois, elles sont sous mes pieds (Hugo, Nap. le Pt,1852, p.205). − P. ext. Prendre tout, ne rien laisser. Il s'en va dans les bois et pille les fraisiers. Il s'attarde. La lune a rongé le sentier Qui bouge (Jammes, De tout temps,1935, p.103). C. − Au fig. ou p. métaph. Prendre à son compte, faire passer pour siennes les créations d'autrui, plagier. Dîné chez Bertin; le bon Delsarte m'a dit que Mozart avait outrageusement pillé Galuppi, à peu près sans doute comme Molière a pillé partout où il a trouvé (Delacroix, Journal,1855, p.317).Tu devrais être fier, car c'est toi le véritable triomphateur du Salon, cette année. Il n'y a pas que Fagerolles qui te pille, tous maintenant t'imitent (Zola, L'OEuvre,1886, p.323). II. − Spécialement A. − CHASSE. [En parlant d'un chien de chasse] S'élancer sur le gibier, ne plus rester en arrêt. [Le chien] tenait l'arrêt (...) il y serait encore, je crois, en arrêt, si son maître ne lui eût crié: «Pille! pille!» (Dumas père, Chasse au chastre,1850, i, 1, p.183). B. − JEUX, vx. Piller ou faire pille. ,,Avoir le droit, dans certains cas, de prendre pour soi, toutes les cartes d'une même couleur`` (Littré). REM. 1. Pille, subst. fém.,jeux. [Corresp. à supra II B] Jouer à pille. [Nos ancêtres] jouaient (...) au malheureux, à pille, nade, jocque, fore (Kock, Ficheclaque,1867, p.41). 2. Pilloter, verbe trans.Commettre ici et là de petits larcins. Les voisins, dont il pillotait volontiers les poulaillers et les vergers et qu'il houspillait après boire, n'intercédèrent pas pour sa libération (Arnoux, Calendr. Fl.,1946, p.211). Prononc. et Orth.: [pije], (il) pille [pij]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) 2emoit. xiiies. «malmener, houspiller» (Gaufrey, 103 ds T.-L.); b) 1288 en partic. «malmener, mordre (en parlant d'un chien)» (Jacquemart Gielee, Renart le Nouvel, éd. H. Roussel, 3427); 1680 (Rich.: On dit aussi en parlant à un chien, pille, c'est-à-dire, prend ce qu'on te jette) −xviiies. «assaillir avec violence» (Voltaire ds DG), encore ds Hautel 1808; 2. a) ca 1277 «dépouiller quelqu'un (par la ruse)» (Adam de La Halle, Jeu de la Feuillée, éd. J. Dufournet, 1063); b) déb. xives. peillier «prendre, se saisir de quelque chose (par la violence)» (Ovide moralisé, éd. C. de Boer, XI, 104); c) 1680 jeux «prendre, enlever» (Rich.). Dér. du lat. pĭlleum «chiffon», v. peille; cf. les comp. espillier, despillier «maltraiter, malmener, houspiller» bien att. aux xiiie-xives., v. T.-L., Gdf. et FEW t.8, p.496 à 501. Fréq. abs. littér.: 733. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 1309, b) 1252; xxes.: a) 833, b) 825. DÉR. Pillerie, subst. fém.Action de piller, de voler, de commettre des larcins; résultat de cette action. Il parle des pilleries d'officiers du génie, qui feraient inscrire sur les feuilles des entrepreneurs 300 ouvriers, là où un atelier de 50 travaille seulement (Goncourt, Journal,1870, p.595).D'Hazebrouck à Gravelines, les bandes tenaient la campagne, ce n'était que pilleries; on voyait flamber les villages jusqu'à Furnes, par-dessus les coteaux de Bamberque, à vingt lieues (Bernanos, M. Ouine,1943, p.1378).− [pijʀi]. Att. ds Ac. dep. 1694. − 1resattest. 1345 pillorie (Interrogatoire et jugement ds A. et E. Molinier, Chronique normande du XVIes., p.227); 1360 pillerie (Ordonnances des Rois de France, t.3, p.434); de piller, suff. -erie*. BBG. −Bach (E.). Rückzugsgebiete von im Mittelalter weiter verbreiteten altfranzösischen Wortfamilien im Gallorom. Wuppertal, 1979, pp.37-38. _Jaberg (K.). Mittelfranzösische Wortstudien. In: [Mél. Jud (J.)]. Genève; Zurich-Erlenbach, 1943, pp.299-328. _Lecoy (F.), Levy (R.). Apostilles de lexicogr. raschianique. Romania. 1960, t.81, p.280. _Tracc. 1907, p.162. _Wind 1928, p.174. |