| PIEUVRE, subst. fém. A. − HIST. NAT. Mollusque céphalopode marin pourvu de huit bras ou tentacules munis de ventouses qui vit dans le creux des rochers près des côtes. Synon. poulpe.Le crabe se nourrit de charogne, la pieuvre se nourrit de crabes. La pieuvre arrête au passage un animal nageant, une loutre, un chien, un homme si elle peut, boit le sang, et laisse au fond de l'eau le corps mort (Hugo,Travaill. mer, 1866, p.384).Les architectes portugais demandaient déjà aux grands marins qui colonisaient l'Afrique et l'Inde, de leur dire comment les Indiens décoraient leurs temples, et de leur rapporter de leurs voyages, pour les assembler aux floraisons dernières de l'art mauresque et de l'art ogival, des carènes, des ancres, des câbles, la flore et la faune des mers, des algues, des pieuvres, des madrépores, des coraux, des coquillages (Faure,Hist. art, 1912, p.312): 1. Il lança sa fouine, et, quand il la releva, je vis, enveloppant les dents de la fourchette (...) une sorte de grande loque de chair rouge qui palpitait, remuait, enroulant et déroulant de longues et molles et fortes lanières couvertes de suçoirs autour du manche du trident. C'était une pieuvre.
Maupass.,Contes et nouv., t.1, Soir, 1889, p.1133. − P. métaph. ou p. compar. [Le mot pieuvre appliqué à tout ce qui enlace, paralyse, emprisonne] Quand j'aurai fourré dans ma cervelle le nom et la figure de deux ou trois mille espèces imperceptibles, je serai bien avancée, n'est-ce pas? Eh bien, ces études-là sont de véritables pieuvres qui vous enlacent et qui vous ouvrent je ne sais quel infini (Sand,Corresp., t.5, 1867, p.193).C'est ici, hélas! à Rangoun, que la grande pieuvre appelée «Civilisation d'Occident» est venue appliquer sa principale ventouse pour tirer à soi les richesses et les forces vives de la Birmanie (Loti,Chât. Belle-au-bois-dorm., 1910, p.271): 2. Sa jalousie, comme une pieuvre qui jette une première, puis une seconde, puis une troisième amarre, s'attacha solidement à ce moment de cinq heures du soir, puis à un autre, puis à un autre encore.
Proust,Swann, 1913, p.283. B. − P. anal. 1. Personne tenace, insatiable qui, dans ses exigences, ne lâche pas sa proie. À propos de commission, que fait la commission dramatique? La pieuvre Bagier nous suce bien paisiblement, ce me semble (Hugo,Corresp., 1866, p.570). 2. Femme entretenue qui ruine son protecteur. Ce furent d'abord des Lorettes (...). Nous en sommes, aujourd'hui aux Trichines et aux Pieuvres (P. Véron, La Mythologie paris.,1867, p.65 ds Quem. DDL t.21). Prononc. et Orth.: [pjoe:vʀ
̣]. Att. ds Ac. dep. 1878. Étymol. et Hist. 1. 1866 (Hugo, Travaill. mer, p.370); 2. 1866, 18 avr. «personne insatiable» (Événement ds Larch. 1872, p.196). Mot normand (cf. puerve «poulpe; femme méprisable», Dum. 1849 et Du Bois, Travers, Gloss. du pat. norm., Caen, A. Hardel, 1856), du lat. polypus «poulpe» (cf. FEW t.9, p.140a). Fréq. abs. littér.: 132. Bbg. Klein (J. R.). Le Vocab. des moeurs de la «Vie parisienne» sous le Second Empire. Louvain, 1976, p.93. _ Quem. DDL t.21, 27. _ Vidos 1939, p.430, 513. |