| PICORER, verbe A. − Empl. intrans. 1. Vx. Marauder, piller en pays ennemi. (Dict. xixeet xxes.). − Se livrer à de petits chapardages. M. Raffaëlli (...) est le peintre des pauvres gens et des grands ciels! −Son chiffonnier, seul, avec sa chienne, et prêt à picorer dans un monceau de détritus, à grande allure (Huysmans, Art mod., 1883, p.89): 1. Une petite fille, sans doute chargée de garder la maison, mais occupée à picorer dans le jardin, entendit, sur les grands carreaux qui dallaient les deux salles basses, les pas d'un homme chaussé de souliers craquants.
Balzac, Curé vill., 1839, p.91. 2. a) [Le suj. désigne un oiseau, une abeille] Chercher çà et là de la nourriture. Synon. picoter.Oiseau, poule qui picore. Pauvre poussin! Il était si heureux cinq minutes avant mon arrivée! (...) il picorait autour des granges et sur l'aire (Chateaubr., Mém., t.4, 1848, p.458): 2. Qui voudrait troubler, dès l'aurore,
L'alouette dans sa chanson,
La vive abeille qui picore,
L'hirondelle, étrangère encore,
La linotte au bord du buisson?
Sainte-Beuve, Poés., 1829, p.89. b) P. anal. [Le suj. désigne une pers.] Prendre de la nourriture par petites quantités, grappiller. Il acheta deux sous de raisins. Il picorait dans sa dernière grappe en rasant les murs sous les arcades de la place San-Carlo quand il fut saisi par le bras (Giono, Bonheur fou, 1957, p.457): 3. Rose-Anna habilla les enfants aussitôt qu'ils eurent pris leur repas de midi. Tout étonnés par cette hâte de leur mère à les pousser dehors, ils ne se dépêchaient point comme elle le voulait; ils s'attardaient à picorer dans les plats, à chercher leurs effets.
Roy, Bonheur occas., 1945, p.440. − P. ext. Se nourrir de peu. Le célibat, la médiocrité de son traitement à cette époque et l'austérité de ses convictions politiques le vouaient à la cuisine des traiteurs. Il ne l'a délaissée que pour celle, fastueuse et morne, des tables ministérielles. Là comme ailleurs, il continue de picorer, au gré d'un estomac débile (Duhamel, Nuit St-Jean, 1935, p.102). c) Picorer dans (un ouvrage, un auteur). Relever ici et là des éléments d'information, grappiller des citations, des preuves. Picorer dans les dictionnaires. Il m'a fallu, pour l'explication de l'oeuvre de l'Angelico, picorer dans les mystiques, afin de découvrir, çà et là, les sens qu'ils décernaient aux tons (Huysmans, Cathédr., 1898, p.436). B. − Empl. trans. 1. [Le suj. désigne un oiseau] Prendre avec le bec, à petits coups. Synon. picoter.Éveillées au tintamarre du cabaret, deux ou trois poules (...) s'étaient glissées dans la salle par une porte communiquant avec la cour, et picoraient sous les pieds et entre les jambes des buveurs les miettes tombées du festin (Gautier, Fracasse, 1863, p.314).Toute la moisson est rentrée et les oiseaux du ciel picorent le grain perdu (Claudel, Annonce, 1912, iv, 5, p.104). 2. P. anal. [Le suj. désigne une pers.] Prendre un peu de nourriture çà et là; grappiller. Synon. picoter.Un double quatuor de virtuoses choisis (...) berçant les conversations des mondaines, en train de picorer des fruits glacés dans leurs loges (Coppée, Contes rap., 1890, p.96): 4. Lui qui, chez ses enfants rechignait au moindre ouvrage (...) était toujours prêt ici à donner un coup de main (...) picorant de-ci de-là un berlingot, une olive, égayant le travail par ses singeries et ses histoires...
A. Daudet, N. Roumestan, 1881, p.279. − Au fig. Et je suis −essentiellement −celui-qui-prend-toutes-les-formes. Je vous parle un langage qui doit vous être en partie incompréhensible. Vous y picorerez ce que vous pourrez (Montherl., J. filles, 1936, p.949). REM. 1. Picorage, subst. masc.a) [Dans l'arg. des voleurs] Vol sur les grands chemins; maraude rapide (d'apr. France 1907). b) [En parlant d'une pers.] Action de prendre de la nourriture par petites quantités à la fois. De la table de ses amies, il attendait de tout-à-fait situer leur rang social (...). Il observait leur délicat picorage (La Varende, Souv. Seigneur, 1953, p.74). 2. Picorant, -ante, adj.Qui picore. Au début du dix-septième siècle, la cité (...) est médiévale, traversée de chaussées fangeuses, aux culs-de-sac égayés par des poules picorantes, au ruisseau médian, où saignent les porcs égorgés (Morand, Londres, 1933, p.19). Prononc. et Orth.: [pikɔ
ʀe], (il) picore [pikɔ:ʀ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. a) 1573 «marauder» (J. Le Frère de Laval, Vraye et entière histoire des troubles et guerres civiles, p.340a); b) 1648 picorer les fleurs (des abeilles) (Scarron, Virgile Travesty, livre VI, p.111); c) 1650 fig. «piller un auteur» (Id., Poésies diverses, éd. M. Cauchie, t.1, p.470). Terme forgé dans l'arg. des soldats, prob. dér. de piquer* d'apr. pécore* au sens de «pièce de bétail»; l'esp. pecorear att. seulement dep. 1706 a été prob. formé par des soldats esp. d'apr. l'ital. pecora «brebis» (att. dep. le xives., v. pécore) cf. Cor.-Pasc. Fréq. abs. littér.: 130. DÉR. Picoreur, -euse, subst. masc. et adj.a) Subst. masc., vx. Pillard, en partic., soldat qui maraude. M. de Chateaubriand lui décerne le titre de Roi des picoreurs [à Dubourg] (Arnoux, Roi, 1956, p.55).Empl. adj., p.anal. Passereaux sont d'effrontés larrons, et tant leur plaît la picorée qu'ils seront toujours picoreurs. Ils vendangeront pour vous votre vigne (Bertrand, Gaspard, 1841, p.144).b) Adj.
α) [En parlant d'un oiseau] Qui trouve sa nourriture en allant çà et là. Des pigeons picoreurs s'envolèrent dans un grand bruit d'ailes (Genevoix, Avent. en nous, 1952, p.165).
β) P. anal. [En parlant d'une pers.] Qui va à droite et à gauche dans le but de trouver quelque chose. V. cacotant, rem. s.v. caqueter, ex. de Céline.P. méton. Au passage des Beresinas, tout le monde se connaissait de boutique en boutique (...). Pour ce qui est de la matérielle, avant la guerre, on y discutait entre commerçants une vie picoreuse et désespérément économe (Céline, Voyage, 1932, p.94).− [pikɔ
ʀoe:ʀ], fém. [-ø:z]. Att. ds Ac. dep. 1694 (au masc.). − 1reattest. av. 1573 soldat picoureur (Michel Lhospital, Reformat. de la justice, OEuv. inéd., I, 224, Dufey, ds Gdf. Compl.); de picorer, suff. -eur2*. BBG. −Sain. Arg. 1972 [1907], p.241. |