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PIAFFER, verbe intrans.
I. − Vieilli. Faire de la piaffe. [Zola] a tenu à piaffer, à promener toute sa sonnaille de brute autour du cercueil de cet indigent [Verlaine] (Bloy,Journal,1896, p.225).Cela fait encore figure dans le monde, allez! ça piaffe devant les filles. Ça blasphème agréablement (Bernanos,Soleil Satan,1926, p.257).
II.
A. − [Le suj. désigne un cheval] Frapper alternativement le sol de chacun des pieds de devant, sans avancer. Les chevaux piaffaient, les postillons étaient en selle (Sandeau,Sacs,1851, p.4).Le jour de la Fête Nationale, j'ai vu un vigoureux cheval qui avait deux petits drapeaux aux oreilles; il piaffait en rongeant son mors, et cela lui donnait un air triomphant, comme s'il avait, lui aussi, un peu pris la Bastille (Alain,Propos,1906, p.6):
1. Sitôt que sonne la trompette, tu l'entendrais hennir et piaffer; ses pieds frappent la terre et ses larges naseaux aspirent et cherchent l'odeur de la poudre. Il bondit sous moi et s'indigne de la main qui l'empêche d'aller en avant. Karr,Sous tilleuls,1832, p.14.
[Le suj. désigne un autre animal] Son fiancé [de Pati-Pati la chienne] (...) ressemblait à un hanneton furieux, dont il avait la couleur, le dos robuste, et ses petites pattes de conquérant piaffaient et griffaient le dallage (Colette,Mais. Cl., 1922, p.221).Je n'ose résister au chevreuil apprivoisé, qui m'a poursuivie et cornée. Il est là, le gentil animal, qui piaffe et brâme dans l'antichambre (Giraudoux,Amphitr. 38,1929, p.114).
HIPP., en empl. subst. masc. Figure de haute école dans laquelle le cheval lève simultanément les deux jambes diagonalement opposées sans avancer ni reculer; p.méton., air de manège sur lequel s'exécute cette figure. Jamais aucun précipité des pieds et quel rythme dans les coups de lancette des éperons! Pas de différence de cadence entre le piaffer et le passage (Vialar,Brisées hautes,1952, p.21).Au piaffer, il est équilibré sur l'arrière-main: ses postérieurs sont engagés sous la masse et il marche sur place sans avancer, bien que toujours prêt à se porter en avant (H. Aublet,L'Équit.,Paris, P.U.F., 1974, p.98).
B. − P. anal. [Le suj. désigne une pers.] Taper des pieds sur le sol. Synon. trépigner.Piaffer d'impatience. Il se fit conduire à la banque; il piaffait devant les guichets (Martin du G., Thib.,Belle sais., 1923, p.1010).Le général d'Amandine (...) l'avait mangée des yeux pendant tout le temps de l'office (...), tandis qu'il piaffait nerveusement de ses bottines vernies (Aymé,Boeuf cland.,1939, p.16).
P. ext. Manifester ses sentiments par des mouvements impulsifs. Probablement une oisiveté de quinze années nous pèse, et nous avons une impatience d'avenir qui nous fait tous piaffer, caracoler, tout essayer, tout laisser (Balzac,OEuvres div.,t.2, 1830, p.41):
2. La personnalité naissante, aveuglée par sa jeune force et craignant de la perdre parmi tant de traditions ancestrales et de solides conformismes, se cherche dans l'extravagance pour ne pas se dissoudre dans l'habitude héréditaire. Elle piaffe de joie au scandale le plus futile; fantaisies de costumes, amour des couleurs criardes et des coupes offensantes, maniérisme, impolitesse préméditée... Mounier,Traité caract.,1946, p.588.
REM.
Piaffant, -ante, part. prés. en empl. adj.Qui piaffe. Quand défilent dans la grand'rue, Clairons levés, chevaux piaffants (Sully Prudh.,Justice,1878, p.257).Au rebours, j'ai connu des poltrons nés, qui étaient piaffants, entreprenants et magnifiques, donnaient des ordres et distribuaient des consignes (L. Daudet,Rêve éveillé,1926, p.200).
Prononc. et Orth.: [pjafe], (il) piaffe [pjaf]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist.1. 1578 «agir avec ostentation, faire des embarras» (H. Estienne, Dialogues, I, 7 ds Hug.); 2. a) 1677 «frapper la terre en levant et en abaissant alternativement chacun des pieds de devant (en parlant d'un cheval)» (Solleysel, Nouv. méthode pour dresser les chevaux, p.18); b) 1865 «frapper du pied, piétiner (en parlant d'une personne)» (Goncourt, Journal, p.207). Mot d'orig. onomat.
DÉR. 1.
Piaffement, subst. masc.Action de piaffer (supra II); bruit qui en résulte. Les grands premiers rôles (...) restaient debout au milieu du théâtre, c'est-à-dire de la cour, le chapeau sur la cuisse, avec un petit piaffement du pied gauche qui les aidait à contenir leur douleur: «Tais-toi, mon coeur, tais-toi» (A. Daudet,Fromont jeune,1874, p.272).Un petit cheval andalou à la tête forte, au profil de mouton, aux mêmes piaffements précieux que la jaca que je monte ici, qui jamais ne trotte mais galopaille (Montherl.,Pte Inf. Castille,1929, p.653).Sauf le piaffement d'une bête dans l'écurie et le doux frottement des chaînes qui râclaient de temps en temps le bord du râtelier de bois, il n'y avait plus un seul bruit autour du mas Théotime (Bosco,Mas Théot.,1945, p.42). [pjafmɑ ̃]. 1reattest. 1842 (Mozin-Biber); de piaffer, suff. -ment1*.
2.
Piaffeur, -euse, adj. et subst.a) [En parlant d'une pers.] Vieilli. (Celui, celle) qui fait de la piaffe. C'était un colosse mou, aux yeux noirs, à la barbe de jais, très jeteur de poudre aux yeux, très piaffeur, et qui recevait chez lui, et abreuvait de liqueurs rares, une foule de journalistes et de politiciens (L. Daudet,Brév. journ.,1936, p.21).b) [En parlant d'un animal, gén. d'un cheval] Uniquement adj. Qui a l'habitude de piaffer. Il devrait me souvenir du chemin que j'ai fait sur un cheval piaffeur qui a manqué deux ou trois fois de me faire boire l'eau de la Charente (Mérimée,Lettre Antiq. Ouest,1870, p.65).[pjafoe:ʀ], fém. [-ø:z]. Att. ds Ac. dep. 1762 (au masc.) 1resattest. a) 1583 subst. «personne qui a une attitude arrogante, qui fait des embarras» (Tabourot, Bigarrures, I, 19 ds Hug.), 1587 adj. (Benedicti, La Somme des pechez, III, 6, p.253), b) 1678 «(cheval) qui a l'habitude de piaffer» (Guillet, I); de piaffer, suff. -eur2*.
BBG.Quem. DDL t.12. _ Spitzer (L.). Z. fr. Spr. Lit. 1917, t.44, p.218. _ Tobler (A.). Etymologisches. In: [Mél. Caix (N.) et Canello (U. A.)]. Firenze, 1886, pp.72-73. _ Wind 1928, p.98.