| PHYSIONOMIE, subst. fém. A. − Vieilli. Physiognomonie. La biotypologie avait été entrevue par Della Porta (physiognomonie, 1630), par Lavater (physionomie des animaux, 1776), par Gall (1750-1828), auteur de deux ouvrages sur la phrénologie (David, Cybern., 1965, p.113). B. − Ensemble des traits, aspect du visage d'une personne. Physionomie jeune, atroce; examiner, observer la physionomie d'une personne. C'est une espèce de grand gaillard, tout jeune, de physionomie vulgaire, couleur de brique rose (Mirbeau, Journal femme ch., 1900, p.62).Aux fauteuils d'orchestre, un peu en retrait de la loge, voici, ma foi, deux autres visages qu'il a croisés le matin même sur les paliers de Koupriane! Ce que c'est que d'avoir la mémoire des physionomies (G. Leroux, Roul. tsar, 1912, p.89): 1. ... il vit bien le salut et le rendit, mais sans s'arrêter; et, s'éloignant à toute vitesse, sans un sourire, sans qu'un muscle de sa physionomie bougeât, il se contenta de tenir pendant deux minutes sa main levée au bord de son képi, comme il eût répondu à un soldat qu'il n'eût pas connu.
Proust,Guermantes 1, 1920, p.138. − P. méton., pop. Visage, figure. Amène-toi maintenant que je te noircisse la physionomie, enlève donc tes lunettes, couillon, là, que je t'astique le portrait (Queneau, Pierrot, 1942, p.80). ♦ Loc. fig. S'offrir la physionomie de qqn. [Sur le modèle de se payer la tête de qqn] Les savants disent ça, mais ils s'offrent notre physionomie (Claudel, Rempart Ath., 1927, p.1133). 1. En partic. a) Expression du visage passagère ou permanente reflétant un trait de caractère ou un sentiment. J'avais déjà remarqué, dans le même jardin, sa redingote râpée qui se boutonnait jusqu'au menton (...) ses mains décharnées, pareilles à des ossuaires, sa physionomie narquoise, chafouine et maladive (Bertrand, Gaspard, 1841, p.44).Ceux qui n'avaient lu au tableau aucun nom s'en allaient, emportant leur joie fragile. Dingley les retrouvait le lendemain, à la même place, avec la même physionomie d'angoisse que la veille (Tharaud, Dingley, 1906, p.16).Celui qui a caché les osselets chante, balance rythmiquement son corps et essaie d'induire en erreur ses adversaires par des jeux de physionomie (Lowie, Anthropol. cult., trad. par E. Métraux, 1936, p.191). SYNT. Physionomie ardente, bouleversée, calme, douce, effarée, funèbre, goguenarde, impassible, inquiétante, mobile, naïve, rayonnante, touchante, tranquille, triomphante, triste, vive; se composer une physionomie; modifier, changer sa physionomie; physionomie d'ivrogne, de brigand, de charlatan; mobilité de la physionomie. b) Rare. Allure corporelle, aspect morphologique d'une personne. Les marins et les militaires appliquent donc les lois du mouvement dans le but de toujours obtenir un même résultat, une émission de force par le plexus solaire et par les mains (...). Or la direction constante de leur volonté dans ces deux agents doit déterminer une spéciale atrophie de mouvement, d'où procède la physionomie de leur corps (Balzac,Théor. démarche, 1833, p.636). 2. Absol., vieilli. Caractère original qui fait la particularité d'un visage, indépendamment de la beauté, de la finesse ou de la régularité des traits. Le caractère de sa figure est ordinairement la tranquille sérénité; cependant, lorsqu'elle s'anime, elle a de la physionomie (Laclos, Éduc. femmes, 1803, p.440).Il sentit bientôt qu'il perdait sa peine à jouer le personnage de Pascal et à vouloir lui prendre son masque; car Pascal n'a pas de masque, il a une physionomie (Sainte-Beuve, Port-Royal, t.5, 1859, p.352). 3. P. anal., vieilli. Ensemble des traits du faciès, morphologie d'un animal. Les plumes effilées (...) forment les cercles qui donnent à la physionomie de ces oiseaux son caractère singulier (Cuvier, Anat. comp., t.2, 1805, p.512).C'est une chose incroyable que la mobilité et la transparence de la physionomie de ces chevaux, quand on n'en a pas été témoin. Toutes leurs pensées se peignent dans leurs yeux et dans le mouvement convulsif de leurs joues (Lamart., Voy. Orient, t.1, 1835, p.249). C. − P. anal. Ensemble des caractères, des traits physiques qui donne à un objet, à un lieu, un aspect particulier ou remarquable. Physionomie d'un navire, d'un meuble, d'une rue. Combien d'observateurs et d'écrivains de grande valeur ont essayé de noter la physionomie et les caractères les plus parlants de toutes les villes significatives! Ces études ne sont pas toutes au même degré géographiques (Brunhes, Géogr. hum., 1942, p.89).Le «mondain» supporte mal une modification quelconque dans la disposition des échos et mondanités du Figaro. En général, la physionomie du journal doit rester identique à elle-même pour convenir à ses lecteurs (Coston, A.B.C. journ., 1952, p.175): 2. Chaque monument, pour peu qu'il diffère quant au programme, quant aux moyens de structure, prend une physionomie qui lui est propre, bien que l'on reconnaisse parfaitement à l'inspection de son ensemble, comme de ses moindres détails, qu'il appartient à telle période de l'art.
Viollet-Le-Duc, Archit., 1863, p.469. − [En parlant d'une oeuvre littér. ou musicale] Ensemble des traits caractéristiques d'une oeuvre d'art. Comment saisir la physionomie et l'originalité des littératures primitives, si on ne pénètre la vie morale et intime de la nation (Renan, Avenir sc., 1890, p.292).Plus je vais, mieux se dessine à mes yeux la physionomie de l'oeuvre à écrire: féerie. Théâtre. Élimination complète de l'inutile. Mais ici, tout est à inventer (J.Bousquet, Trad. du sil., 1936, p.114).On ne doit jamais faire succéder deux mesures ayant la même physionomie rythmique (Dupré, Cours contrepoint, s.d., p.17). D. − Au fig. Ensemble des caractéristiques d'un phénomène, d'un processus, d'un système. On peut dire que la physionomie de l'histoire de France ne se dégage complètement que si l'on tient compte des causes qui n'ont pas trouvé fortune (Vidal de La Bl., Tabl. géogr. de Fr., 1908, p.382).Pour venir compléter la perception, les souvenirs ont besoin d'être rendus possibles par la physionomie des données (Merleau-Ponty, Phénoménol. perception, 1945, p.27).Il y a dans ces résultats une valeur d'indication à la manière dont, en cours de vote, les premiers sondages donnent une physionomie anticipée des scrutins (Gds ensembles habit., 1963, p.27). REM. 1. Physiognomie, subst. fém.,vieilli, synon. (supra A).De la morphologie statique, qui étudie les formes au repos (typologie générale, physiognomie, chirologie), à la morphologie dynamique qui s'attache à leurs mouvements, la continuité s'établit de plus en plus (Mounier, Traité caract., 1946, p.207). 2. Physionomane, subst.,vieilli. a) Celui, celle qui étudie le caractère d'une personne d'après les traits de son visage. Une physionomane, qui nous dit à tous nos santés et nos caractères (Goncourt, Journal, 1858, p.481).b) Celui, celle qui reproduit les physionomies. En appos. Il y avait à Paris une espèce de bouffon physionomane (...) qui courait les guinguettes, les caveaux et les petits théâtres (Baudel., Curios. esthét., 1857, p.201). 3. Physionomètre, subst. masc.Appareil reproduisant la forme des objets par moulage. (Ds Lexis 1975, Lar. Lang. fr.). 4. Physionomotrace, physionotrace, subst. masc.Instrument servant à dessiner mécaniquement des portraits. La figure du Vendéen se découpait contre le couchant, sur le papier huilé de la fenêtre, avec la netteté des profils tirés au physionomotrace, par les imitateurs de M. de Silhouette (Morand, P. de Saligny, 1947, p.102).Au XVIIIesiècle encore, le physionotrace qui connut une telle vogue, ne faisait qu'élaborer mécaniquement le procédé. Mais celui-ci ne s'empare que des profils (Huyghe, Dialog. avec visible, 1955, p.128). 5. Physionotype, subst. masc.,,Appareil (...) servant à fabriquer des empreintes. Il consistait en une plaque métallique armée de tiges mobiles qui, enfoncées plus ou moins, suivant les saillies de l'original, déterminaient une surface ondulée que l'on pouvait reproduire à l'aide d'une matière malléable`` (Adeline, Lex. termes art, 1884). Prononc. et Orth.: [fizjɔnɔmi]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) 1256 phisanomie «art de déterminer le caractère d'un homme d'après la conformation extérieure» (Aldebrandin de Sienne, Régime du corps, éd. L. Landouzy et R. Pépin, fo2b, p.5, ligne 27); fin xiiies. [ms.] physianomie (Le charte de le chité d'Am., B.N. 25247, fo49); b) 1596 phisiognomie «art de déterminer le caractère d'une personne d'après les traits de son visage» (Hulsius); 1671 physionomie (Pomey); ,,anc.`` ds DG; 2. 1355-58 phisonomie «ensemble des traits de la figure, expression du visage; visage» (Guillaume de Deguileville, Pelerinage âme, éd. J. J. Stürzinger, 1606); 1376 fisonomie «id., en parlant d'un animal» (Modus et Ratio, éd. G. Tilander, 79, 6, t.II, p.151); 1532 [éd.] phizionomie (Marot, Ballades, Des Enfans sans soucy, 25 ds OEuvres diverses, éd. C. A. Mayer, IV, 140); 1723 changer de physionomie (Marivaux, Spectat. fr., p.204); 1781 un jeu de physionomie (Raymond, Lettre de Coxe, p.88); 3. 1773 «(d'un inanimé) aspect particulier, apparence» la physionomie de la nation (Mercier, Du théâtre, p.80); 1773 la physionomie des langues anciennes (Thomas, Essais sur éloges, p.19). Empr. à un lat. tardif physiognomia (gr. φ
υ
σ
ι
ο
γ
ν
ω
μ
ι
́
α), altération par superposition syllabique de physiognomonia, v. physiognomonie; le mot fr. a souvent été altéré jusqu'au xvies. (cf. FEW t.8, p.410b et 411a et Renson 1962, p.389); le sens 1 a été assumé par physiognomonie*. Fréq. abs. littér.: 2604. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 5302, b) 5318; xxes.: a) 3703, b) 1471. Bbg. Gohin 1903, p.346. _ Quem. DDL t.28 (s.v. physionomane). |