| PHRASE, subst. fém. I. − LING. et lang. cour. A. − Vieilli. Tout assemblage de mots: expression, locution, tour figé ou non. Rem. C'est le sens anc., le seul qu'ait le mot phrase jusqu'au xviiies. Il est proche du sens étymol. (gr. φ
ρ
α
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σ
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ς, lat. phrasis «diction, élocution»). Il ne subsiste que dans qq. emplois (notamment au plur., avec valeur péj., infra 3) et dans qq. comp. (périphrase, phraséologie, phraséologique). La rubrique I A regroupe donc tous les emplois, vieillis ou non, où le mot phrase peut désigner une unité inférieure à la phrase au sens mod. I B. À la limite, il peut s'agir d'une phrase entière. 1. Tour, tournure de phrase(s). Expression, façon de s'exprimer. Je ne crois pas que l'on doive faire un mode particulier de ces tournures de phrases, Oserais-je observer? Ne pourrait-on pas essayer? (...) Par leur forme, elles sont interrogatives (...). Pour le fond de l'expression, elles signifient, je doute, je ne sais, je crois pouvoir, etc., etc. (Destutt de Tr., Idéol. 2, 1803, p.52).Il empruntait à Stephen sa démarche, sa mise, ses idées, ses inflexions de voix et jusqu'à ces tournures de phrases et ces mots que l'on affectionne sans le savoir et dont on se sert habituellement (Karr, Sous tilleuls, 1832, p.274).V. employer A 3 b ex. de Hémon. − Phrase(s) toute(s) faite(s). (Phrase a le sens de «expression», à la limite le sens mod. B). Les parties du langage qui ont la vie la plus dure sont les phrases toutes faites, les locutions usuelles (Gourmont, Esthét. lang. fr., 1899, p.285). − Vx. Phrase faite. ,,Façon de parler particulière, qui est consacrée par l'usage, et à laquelle il n'est pas permis de rien changer. Faire rage, faire grâce, avoir à coeur, battre monnaie, etc., sont autant de phrases faites`` (Ac. 1878). 2. Vx. Tour figé. Le style de Mallarmé doit précisément son obscurité, parfois réelle, à l'absence quasi totale de clichés, de ces petites phrases ou locutions ou mots accouplés que tout le monde comprend dans un sens abstrait, c'est-à-dire unique (Gourmont, Esthét. lang. fr., 1899, p.304): 1. Et il écrivit une longue lettre doucement tendre, pleine de phrases et de périphrases, de métaphores et de comparaisons, de philosophie et de galanterie universitaire, un vrai chef-d'oeuvre de grâce burlesque.
Maupass., Contes et nouv., t.1, Quest. du lat., 1886, p.570. 3. Péjoratif a) Au plur. Expression vide sous des apparences rhétoriques (à la limite phrase entière au sens B infra) contenant des clichés. Qu'on me réponde par des raisons, et non par des phrases (Proudhon, Syst. contrad. écon., t.1, 1846, p. 331).Mais le bien ou le juste sont en fait pour Julien Benda, tout au contraire, le principe et la vérité, au prix de quoi tout le reste apparaît mots et phrases (Paulhan, Fleurs Tarbes, 1941, p.86). ♦ De grandes, de belles phrases. L'étalage des grands sentiments, les belles phrases sur le peuple me font horreur chez un garçon comme Alain, qui n'a jamais cherché que son plaisir (Mauriac, Mal Aimés, 1945, iii, 2, p.227). ♦ Des phrases toutes faites. Il ignorait les phrases toutes faites et les rites de la politesse (Beauvoir, Mandarins, 1954, p.305). ♦ Aimer, détester les phrases. Le maréchal, qui détestait les phrases, d'abord parce qu'elles sont détestables, et ensuite parce qu'il ne savait pas en faire, lui avait tourné le dos (Stendhal, L. Leuwen, t.3, 1836, p.355).Voyons, Jenkins, vous savez bien que je n'aime pas les phrases (...) ça ne va donc pas par là? (A. Daudet, Nabab, 1877, p.36). ♦ Faire des phrases. ,,Parler d'une manière recherchée et affectée`` (Ac. 1935). Au collège, dans tes narrations, tu faisais déjà des phrases (Renard, Journal, 1901, p.685). ♦ Se payer de phrases. Se contenter de vaines paroles. Synon. plus fréq. se payer de mots.Nous en appelons à la conscience du public, lequel, dieu merci! ne se paye plus de mots ni de phrases (Villiers de L'I.-A., Contes cruels, 1883, p.82). ♦ Sans phrases. Sans rhétorique creuse. Arrivez donc, Monsieur, sans tant de phrases, à ce que vous proposez (Becque, Corbeaux, 1882, ii, 9, p.136).Sans phrases, sans mots à effet (Vogüé, Morts, 1899, p.295): 2. ... c'est exquis de se parler sans phrases. Mais quand on écrit, quand j'écris, je ne puis faire autrement que de chercher, de solenniser pour arriver à dire la vérité.
Alain-Fournier, Corresp.[avec Rivière], 1907, p.128. ♦ Pas de phrases. −Le conseil d'administration m'a prié de vous dire... −Oh! pas de phrases (Peisson, Parti Liverpool, 1932, p.26). ♦ Enfileur, tourneur, faiseur de phrases. Assez sur ce pleurnichard. Flatteur de la populace, enfileur de phrases, hypocrite furibond (Salacrou, Terre ronde, 1938, i, 1, p.142). Rem. Rare, sans valeur péj.: Ah! Ce Gustave Geffroy, ce joli tourneur de phrases, ce fin et délicat penseur, ce lettré artiste enfin, que j'aime pour un tas de bonnes et tendres choses que je sens en lui, il me fait de la peine (Goncourt, Journal, 1888, p.745). b) Au sing., rare.
α) Tournure figée, qu'on ne peut prendre à la lettre: 3. yvonne: Je compte sur Georges pour faire preuve de caractère une fois au moins, et pour trancher dans le vif. georges: Trancher dans le vif est une phrase.
Cocteau, Parents, 1938, I, 9, p.221.
β) Rhétorique, déclamation, emphase. Pillerault, peu démonstratif, ainsi que l'indiquaient son attitude calme et sa figure arrêtée, avait une sensibilité tout intérieure, sans phrase ni emphase (Balzac, C. Birotteau, 1837, p.124).Le vice moderne qui a fait le plus de mal peut-être dans ces derniers temps a été la phrase, la déclamation, les grands mots (Sainte-Beuve, Caus. lundi, t.1, 1849, p.92). B. − Assemblage de mots, grammaticalement cohérent, marqué par une intonation ou une mélodie spécifique, encadré de pauses (à l'écrit, de signes de ponctuation forte: point, point d'interrogation, point d'exclamation), que le locuteur considère comme produisant un sens complet (assertif, interrogatif ou injonctif). Phrase après phrase; un amas de phrases, un membre de phrase; la vérité tient en une phrase. J'ai frémi en tombant d'abord sur cette phrase: «Toute jeune fille qui lira ce livre est perdue» (Nerval, Filles feu, Sylvie, 1854, p.610).Un livre n'est qu'une suite de phrases que l'auteur prononce ou fait prononcer à ses personnages (Taine, Philos. art, t.2, 1865, p.321).[Proust] donne, selon le cliché nouveau, des «coups de sonde» à chaque détour de phrase, il nous étonne par la manière qu'il a de toucher à tout (Blanche, Modèles, 1928, p.152): 4. ... il croyait triompher de sa femme, et l'accablait alors d'une grêle de phrases qui répétaient la même idée et ressemblaient à des coups de hache rendant le même son.
Balzac, Lys, 1836, p.177. Rem. Ce sens corresp. à une intuition plus ou moins floue. Le découpage d'un discours en phrases (p.ex. d'un texte non ponctué) peut varier sensiblement d'un locuteur à un autre. 1. [La phrase comme acte ou comme résultat d'un acte d'énonciation] ♦ Former, construire, énoncer, proférer, lancer, polir une phrase; écrire, dicter, citer une phrase; lâcher des bouts de phrase; balbutier quelques phrases; commencer, achever, finir, terminer sa phrase. Il recommença ses phrases lentes, ses tours et détours de paroles (Genevoix, Raboliot, 1925, p.204).Écrivains. Ceux pour qui une phrase n'est pas un acte inconscient, analogue à la manducation et à la déglutition d'un homme pressé qui ne sent pas ce qu'il mange (Valéry, Litt., 1930, p.55): 5. ... il affectait un dandinement de lassitude, une voix molle, avec des mots d'argot, des phrases qu'il ne se donnait pas la peine de finir.
Zola, Nana, 1880, p.1382. ♦ Chercher ses phrases. Synon. plus fréq. chercher ses mots (v. mot).Il tournait de côté et d'autre, d'un air emprunté, cherchant ses phrases (Musset, Confess. enf. s., 1836, p.200). ♦ Rattraper sa phrase. Lui faire dire autre chose que son début ne laissait prévoir. Elle devenait toute pâle souvent, (...) rattrapant sa phrase avec la confusion d'une vilaine pensée (Zola, Assommoir, 1877, p.491). ♦ Rester sans phrase (rare). Rester bouche bée. Abasourdie, elle le regardait à son tour, restait sans phrase (Châteaubriant, Lourdines, 1911, p.143). − Dans le domaine pol.Petite phrase. Propos bref d'un homme politique, qui sert à frapper l'opinion. Ainsi donc, la petite phrase de Françoise Giroud n'avait pas été lancée au hasard. Dès l'ouverture, le Centre Pompidou doit s'attendre, comme une vulgaire maison de la culture ou un centre dramatique, à voir ses crédits sérieusement rognés (Le Nouvel Observateur, 4 oct. 1976, p.69, col. 2). SYNT. Répéter une phrase; aligner des phrases; échanger quelques phrases; répondre d'une phrase, en une phrase, en deux phrases, en quelques phrases; lire, déchiffrer, comprendre une phrase; le début, le milieu, la fin d'une phrase; s'arrêter au milieu d'une phrase; s'embrouiller dans ses phrases; des bribes, des lambeaux de phrases; des amas de phrases; se rappeler une phrase de... 2. [La phrase comme contenu] Le sens, la signification d'une phrase; phrases à double sens, équivoques, ambiguës; phrase claire, obscure, embrouillée; phrase d'excuse, de compliment: 6. ... c'était aussi l'intonation singulièrement significative de cette voix qui me faisait encore dresser l'oreille, comme à une phrase lourde de sous-entendus.
Gracq, Syrtes, 1951, p.36. − Vx. Phrase botanique. ,,Description d'une plante qui en présente tous les caractères dans une phrase très courte`` (Littré). 3. [La phrase comme lieu de qualités ou de défauts grammaticaux ou stylistiques] − Des phrases élégantes, amples, organisées, bien faites, bien construites; de longues phrases sinueuses, enchevêtrées, entortillées, interminables; des phrases brèves, courtes, rapides, hachées; des phrases gauches, maladroites, boiteuses, incohérentes, incompréhensibles; des phrases banales, sèches, piquantes; phrase oratoire. − Le rythme, l'harmonie, l'équilibre de la phrase. Quant au style, j'ai moins sacrifié dans ce livre-là que dans l'autre à la rondeur de la phrase et à la période (Flaub., Corresp., 1862, p.67).Autrefois −je m'en aperçois enfin −ma phrase disait une chose et le mouvement de la phrase donnait la sensation de sa présence. J'écrivais pour les sens autant que pour l'esprit (J. Bousquet, Trad. du sil., 1936, p.72): 7. ... des discours incohérents transperçaient par instants les murs, des propos interrompus, scandés de «sacré nom de dieu» marquant la cadence de la phrase, où il était question de rosses, de chameaux, et d'étranges brebis égarées ramenées au bercail à coup de bottes dans les fesses.
Courteline, Train 8 h 47, 1888, 3epart., 1, p.216. − La phrase de Chateaubriand, d'Anatole France, de Marcel Proust. La phrase de ces écrivains considérée dans sa longueur, sa complexité, son rythme... La phrase latine, française. Traiter des questions toutes modernes avec la phrase de Descartes et le vocabulaire de Bossuet, voilà le problème qu'a souvent résolu M. Brunetière (Lemaitre, Contemp., 1885, p.224).La phrase du XVIIesiècle est longue, à périodes; c'est l'époque du développement, de la dissertation (Huyghe, Dialog. avec visible, 1955, p.43).C'est dans la mesure où elle diffère de la phrase véritablement écrite, que la phrase dramatique peut paraître spontanée et vivante. (...) la phrase trop bien écrite, belle parfois dans un roman, paraît à la scène fabriquée, ce qui la rend inefficace −parce qu'elle n'obéit plus à ce postulat essentiel du genre qui implique une improvisation simulée (P. Larthomas, Le Lang. dram., 1980, p.332): 8. J'aime les mots de Hugo, sa phrase, et, cette musique, cet éclat des couleurs, cette architecture qui est sa poésie, mais non ses thèses où je ne vois rien qui m'émeuve et m'anime.
Barrès, Cahiers, t.11, 1915, p.141. C. − LINGUISTIQUE 1. [Unité ling. définie au moyen de critères variés] a) GRAMM. CLASS. Assemblage de mots caractérisé par la complétude sémantique, la cohésion grammaticale et par les pauses qui l'entourent (à l'écrit par les signes de ponctuation forte). La phrase est soit une proposition simple, soit une réunion de propositions formant un sens complet. Elle est ordinairement comprise entre deux points (A. Brachet, J. Dussouchet, Nouv. cours de gramm. fr. à l'usage de l'enseign. second., Cours sup., 7eéd., Paris, Hachette, 1895, pp.271-272).La phrase est un ensemble de mots qui a un sens complet et qui va d'un point à un autre. Elle peut être très brève, même réduite à un seul mot. Entrez! Silence! mais bien souvent elle peut être longue (A. Hamon, Gramm. fr., Cycle d'observation, 6e, 5e, Paris, Hachette, 1964, p.28). Rem. La ponctuation n'a rien de rigoureux. Combien faut-il voir de phrases dans un énoncé comme celui-ci: Des Chinois arrivèrent aussi. Si bien qu'au bout de quelques mois Cox-City comptait près de cinq mille habitants (Apollinaire ds Gramm. Lar. 1964, p.12, § 7). b) GRAMM. STRUCTURALE ou FONCTIONALISTE. Assemblage de mots caractérisé par son autonomie grammaticale. La structure syntaxique de la phrase. La phrase est le type par excellence du syntagme. Mais elle appartient à la parole, non à la langue (Sauss.1916, p.172).Ceci nous permet de définir la phrase comme l'énoncé dont tous les éléments se rattachent à un prédicat unique ou à plusieurs prédicats coordonnés (Martinet1969, p.131).Pour L. Bloomfield (...) la phrase est une «forme linguistique indépendante, qui n'est pas incluse dans une forme linguistique plus large en vertu d'une construction grammaticale quelconque» (...). Les travaux de Z. Harris, de C. F. Hockett, de bien d'autres, sont issus de cette définition (Ch. Marchello-Nizia,p.68, infra bbg.).La phrase est un ensemble organisé dont les éléments constituants sont les mots (...). Tout mot qui fait partie d'une phrase cesse par lui-même d'être isolé comme dans le dictionnaire. Entre lui et ses voisins, l'esprit aperçoit des connexions, dont l'ensemble forme la charpente de la phrase (Tesn.1959): 9. ... il importe de bien préciser ce que Harris entend par phrase. Il en donne une jolie définition: «Dans chaque langue nous trouvons que nous pouvons distinguer et classer des éléments appelés «morphèmes» (parties de mots, comme les préfixes, ou mots indécomposables) de telle sorte que les diverses classes de ces morphèmes se trouvent (dans la langue parlée et écrite) de manière régulière les unes vis-à-vis des autres. Le domaine de cette régularité est appelé une phrase».
Coyaud, Introd. ét. lang. docum., 1966, p.72. − [Chez E. Benveniste] Unité minimale du discours. La phrase, création indéfinie, variété sans limite, est la vie même du langage en action. Nous en concluons qu'avec la phrase on quitte le domaine de la langue comme système de signes, et l'on entre dans un autre univers, celui de la langue comme instrument de communication, dont l'expression est le discours (...). Il y a d'un côté la langue, ensemble de signes formels, étagés en classes, combinés en structures et en systèmes, de l'autre, la manifestation de la langue dans la communication (...). La phrase est l'unité du discours (E. Benveniste, Problèmes de ling. gén., 1966, pp.129-130). − V. morphème, syntagme, mot. c) GRAMM. GÉNÉRATIVE, SÉM. CONTEMP. [Primitif de la théorie linguistique (et comme tel non défini)] :
10. La notion de phrase est, en grammaire générative, tenue pour un terme primitif, non défini, de la théorie (...) nous pouvons (...) nous contenter de nous la représenter comme une suite d'éléments syntaxiques minimaux enchaînés (...); ces éléments syntaxiques minimaux sont, approximativement, équivalents aux morphèmes des structuralistes.
N. Ruwet, Introd. à la gramm. générative, 1967, p.366. − [S'oppose à énoncé] ,,On distinguera désormais, de la façon suivante, les notions de phrase et d'énoncé: la phrase relève de la compétence, et l'énoncé de la performance. C'est ainsi que «j'ai faim» prononcé par Dupont le 5 janvier 1966 à midi, est un énoncé différent de «j'ai faim», prononcé par Durand le 15 août à 8 heures, mais ces deux énoncés sont des occurrences distinctes d'une même phrase. La notion de phrase est donc plus abstraite que celle d'énoncé`` (Id., ibid., p.368, note 10): 11. J'entendrai par phrase (...) une entité linguistique abstraite, purement théorique, en l'occurrence un ensemble de mots combinés selon les règles de la syntaxe, ensemble pris hors de toute situation de discours, ce que produit un locuteur, ce qu'entend un auditeur, ce n'est donc pas une phrase, mais un énoncé particulier d'une phrase.
O. Ducrot, Les Mots du discours, 1980, p.7. 2. Locutions − Phrase simple. ,,Phrase qui ne comporte qu'une seule proposition`` (Dagn. 1965). Phrase complexe. ,,Phrase formée de plusieurs propositions (une proposition «principale» et des propositions «subordonnées»)`` (Dagn. 1965). − Phrase nominale. Celle ,,dont le prédicat est un nom (lat. omnia praeclara rara: toutes les belles choses [sont] rares)`` (Mar. Lex. 1933): 12. Au cours du xixesiècle, la phrase française a été peu à peu envahie par la construction nominale, c'est-à-dire que l'on a demandé au substantif de remplir des rôles ressortissant normalement au verbe, à l'adjectif ou à l'adverbe (...). Un cri dans la rue, un rassemblement (...). Ce n'est pas parce qu'il manque des verbes que la construction est nominale. Aurions-nous: il y eut un cri, un rassemblement se fit, qu'elle le serait encore, parce que l'essentiel de la notation est exprimé nominalement. Nominales encore, et pour la même raison, ces phrases de Flaubert et des Goncourt: Un cri se fit entendre. C'était sur les zébrures des peaux, un remuement presque invisible.
Cressot1969, pp.193-194. − Phrase interrogative, impérative, exclamative. V. interrogation, impératif, exclamation. − Phrase-noyau. ,,1. En grammaire structurale, la phrase-noyau est la phrase déclarative active transitive réduite à ses constituants fondamentaux. L'enfant lit un livre est une phrase-noyau. 2. En grammaire générative, synon. de phrase nucléaire`` (Ling. 1972). − Phrase nucléaire (dans la première version de la grammaire générative). Celle qui résulte de l'application des transformations obligatoires. On appellera phrase nucléaire («kernel sentence») une phrase qui est engendrée en n'appliquant à une suite S terminale que les transformations obligatoires; on appellera phrases dérivées les phrases produites en appliquant également des transformations facultatives (N. Ruwet, Introd. à la gramm. générative, 1967, p.194). − Phrase matrice; phrase constituante (Mounin 1974). Synon. de proposition principale et proposition subordonnée (dans la première version de la grammaire générative). II. − P. anal. et p.métaph. A. − MUS. ,,Partie d'une ligne mélodique ou d'une idée musicale naturellement délimitée, significative du point de vue de la déclamation, de l'articulation et de la respiration (...). Le terme de phrase est (...) intimement lié au rythme de la respiration et au phrasé. Il se définit surtout à partir de la déclamation et de l'exécution avec lesquelles il constitue un tout naturel`` (Mus. 1976). La première phrase de la sonate du septuor, de l'allegretto; telle phrase de Beethoven. La belle phrase expressive, qui va, sur cette basse, s'élever, scandée à contre-temps par des palpitations, est fille de celle qui a déjà paru (...) comme deuxième partie du thème principal (Rolland, Beethoven, t.1, 1937, p.262).Le caractère le plus net de son génie [de Gounod] très divers est d'être si personnel qu'il suffit d'une phrase ou d'un thème pour le reconnaître immédiatement et sans erreur possible (Dumesnil, Hist. théâtre lyr., 1953, p.148).V. phrasé, cristallin1B 1 ex. de Gide: 13. ... quelques minutes à peine après que le petit pianiste avait commencé de jouer chez MmeVerdurin, tout d'un coup, après une note haute longuement tenue pendant deux mesures, il vit approcher, s'échappant de sous cette sonorité prolongée et tendue comme un rideau sonore pour cacher le mystère de son incubation, il reconnut, secrète, bruissante et divisée, la phrase aérienne et odorante qu'il aimait.
Proust, Swann, 1913, p.211. − Phrase musicale, mélodique; une phrase de musique. Synon. de phrase (au sens musical).Au son du tambour et de la même phrase musicale, reprise en coeur et inlassablement répétée, tous tournent en formant une vaste ronde (Gide, Voy. Congo, 1927, p.787).Cette captation méthodique de toutes les énergies et de toutes les émotions encloses dans une phrase mélodique, dans un accord d'orchestre (Arts et litt., 1935, p.88-11).Une phrase de musique ronfla dans un silence relatif (Aragon, Beaux quart., 1936, p.275). − Une phrase de + nom d'instrument de musique.Une petite musique cristalline, nette et déliée comme une phrase d'harmonica (Zola, Assommoir, 1877, p.420). B. − Littér. Mais c'était surtout sur la table que les fromages s'empilaient (...). Alors, commençaient les puanteurs: (...) les neufchâtel, les limbourg, les marolles, les pont-l'évêque, carrés, mettant chacun leur note aiguë et particulière dans cette phrase rude jusqu'à la nausée (Zola, Ventre Paris, 1873, p.827).Il ne restait plus d'eux qu'un souvenir, de roses bues par l'azur, dans la phrase interminable et doucement heurtée de la mer (Jammes, Robinsons, 1925, p.23): 14. Ce qui arrêtait ces dames, c'était le spectacle prodigieux de la grande exposition de blanc (...). Elles ne se lassaient pas de cette chanson du blanc, que chantaient les étoffes de la maison entière (...). Sous l'écroulement de ces blancheurs, dans l'apparent désordre des tissus (...) il y avait une phrase harmonique, le blanc suivi et développé dans tous ses tons...
Zola, Bonh. dames, 1883, p.769. C. − ESCR. Phrase d'armes. ,,Succession non interrompue des coups portés et rendus`` (Embry, Dict. d'escr., 1859 ds Petiot 1982). Phrase d'armes, par comparaison avec la conversation entre deux interlocuteurs (Cléry, L'Escr., 1973,ds Petiot 1982). REM. 1. Phrasier, -ière, subst. masc. et adj.a) Rare. (Celui) qui construit des phrases. L'homme de lettres réduit à son expression pure est l'écrivain public, sorte de commis-phrasier aux gages de tout le monde, et dont la variété la plus connue est le journaliste (Proudhon, Syst. contrad. écon., t.1, 1846, p.114).b) Vx. (Celui) ,,qui parle ou qui écrit d'une manière affectée, recherchée, verbeuse et vide`` (Ac. 1835; ne figure plus ds Ac. 1878 et 1935). Synon. phraseur. (Ac. 1878 note s.v. phraseur: ,,On a dit dans le même sens phrasier``).Jamais le plus petit acte de courage, toujours la servilité la plus phrasière et la moins noble (Stendhal, Racine et Shakspeare, t.1, 1825, p.133). 2. Mot-phrase, subst. masc.,ling. a) Mot qui forme phrase à lui seul. Si (...) connaît un emploi plein de mot-phrase dans les assertions positives après un énoncé négatif (assertif, jussif ou interrogatif): Il n'est pas là? − Si!... il correspond sémantiquement à la phrase c'est ainsi (Moignet, Systématique de la lang. fr., 1981, p.320).b) En partic. Synon. de interjection.Puisque les interjections jouent dans le discours le même rôle que des phrases entières, nous les appellerons des mots-phrases (Tesn.1959, p.95).Rem. Phrase-mot ds Lar. encyclop.: inusité sous cette forme. Prononc. et Orth.: [fʀ
ɑ:z]. Passy 1914, Barbeau-Rodhe 1930, Pt Rob., Warn. 1968 [-ɑ-]; Lar. Lang. fr. [-a-]; Martinet-Walter 1973 [-ɑ-] (16/17), [-a-] (1/17). Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist.1. 1546 «arrangement des mots, façon de parler» (Palmerin d'Olive, trad. I. Maugin, a 2a ds Rom. Forsch. t.32, p.127); 1688-96 phrases toutes faites (La Bruyère, Caractères, De la cour, éd. G. Servois, t.2, p.242, 81); 1718 péj. diseur de phrases (Ac.); 1740 faiseur de phrases (Ac.); spéc. 2. 1732 «assemblage de mots formant un sens complet» (Père Buffier, Grammaire françoyse sur un plan nouveau, p.47 d'apr. Chr. Marchello-Nizia ds Lang. fr. 1979, no41, p.47); 1754 (Encyclop. t.4, p.84b, s.v. construction); pour les relations phrase/proposition, v. aussi Encyclop. t.12 1765; pour l'évol. de ce sens v. l'art. de Chr. Marchello-Nizia, loc. cit., pp.35-48; 3. 1722 mus. (Fr. Couperin, Préface au 3eLivre de pièces de clavecin ds Mus.: On trouvera un signe nouveau dont voicy la figure: ' c'est pour marquer la terminaison des Chants, ou de nos Phrases harmoniques). Empr. au lat. phrasis «diction, style, élocution), du gr. φ
ρ
α
́
σ
ι
ς, -ε
ω
ς «discours», «élocution, expression, langage, diction», de φ
ρ
α
́
ζ
ω «faire comprendre, indiquer». Au sens 1 l'angl. phrase est att. dep. 1530 ds Palsgr. Introd., p.XXXIX: phrasys, 1535 phrase, ibid. Fréq. abs. littér.: 9910. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 8147, b) 11439; xxes.: a) 19217, b) 17506. Bbg. Allaire (S.). La Phrase du fr. parlé radiophonique. Lang. fr. 1975, no28, pp.79-90. _ Analyse de la phrase. Par B. Combettes, P. Demarolle, J. Copeaux et J. Fresson. Nancy, 1972, 69 p.−Bastuji (J.). La Phrase. Lang. fr. 1975, no26, pp.6-29. _ Bureau (C.). Qu'est-ce que la phrase? Lang. Ling. 1980, no6, pp.1-16. _ Candelier (M.), Delaveau (A.), Kerleroux (F.). La Not. de phrase... LINX. 1983, no8, pp.7-52. _ Delesalle (S.). L'Ét. de la phrase. Lang. fr. 1974, no22, pp.45-67. _ Marchello-Nizia (Ch.). Rech. sur la structuration de l'énoncé en anc. et m. fr. Thèse, Paris, 1982, pp.19-76. _ Sechehaye (A.). Essai de classement des espèces de phrases. B. Soc. Ling. Paris. 1934, t.35, pp.58-75. _ Stéfanini (J.). Sur la not. de phrase et son hist. Rech. sur le fr. parlé. 3. Aix-en-Provence - Paris, 1981, pp.7-18. |