| PHARISIEN, -IENNE, subst. et adj. A. − HIST. RELIG., le plus souvent au masc. plur. Membre d'un groupe juif, dont l'existence est antérieure à l'ère chrétienne (iies. av. J.-C.), se conformant à une observance rigoureuse de la Loi de Moïse et développant le plus possible la tradition orale. Tandis que les Esséniens, et, jusqu'à un certain point, les Pharisiens, s'attachaient au fond, au sens, à l'idée [de la doctrine de Moïse], les Saducéens, au contraire, s'immobilisaient à la forme, à la lettre, au récit (P. Leroux, Humanité,1840, p.679).Les Pharisiens étaient des gens qui comptaient sur leur propre force pour être vertueux (S. Weil, Pesanteur,1943, p.39): 1. Les pharisiens croyaient (...) aux anges et aux démons; ils partageaient l'espérance de la résurrection et ils attendaient le proche avènement du Royaume de Dieu. Leur fidélité à la Thora, leur discipline de vie, la largeur de leur credo et aussi le zèle pieux qu'ils déployaient dans les synagogues pour l'édification et l'instruction de leurs frères, leur gagnaient la considération du peuple et leur assuraient une influence considérable sur lui.
Ch. Guignebert, Le Monde juif vers le temps de Jésus,1950, p.217. − Empl. adj. ♦ [En parlant d'une pers.] Qui appartient à ce groupe. Josèphe et Philon, qui (...) étaient pharisiens (P. Leroux, Humanité,1840p.767).Les chefs pharisiens, Banaïas, intendant d'Épher, Jean l'économe, Maccès (Hugo,Fin Satan,1885, p.812). ♦ [En parlant d'une chose] Relatif ou propre à ce groupe, à la position religieuse qu'il exprime ou met en oeuvre. Si nous le cherchons [le Christ] aux jours de son passage, nous le trouvons dans la maison de Simon et dans l'auberge d'Emmaüs, au puits de Sichem et à la table de Cana, et toujours, selon le reproche pharisien, «avec ceux qui boivent et qui mangent» (Claudel,Art poét.,1907, p.209).Le procès de Jésus et le droit pharisien (Bible Suppl.t.71966, p.1023).V. pharisaïsme ex. de Ch. Guignebert. B. − Péjoratif 1. [P. réf. aux accusations de formalisme et d'hypocrisie portées par le Christ contre les pharisiens; en partic. p.réf. à la parabole Le Pharisien et le Publicain (Luc XVIII, 9-14)] Et si je fais trop souvent l'impie, c'est de peur d'être un pharisien de qui les lèvres disent: «Seigneur, Seigneur», avant que le coeur soit tout pénétré (Barrès,Cahiers,t.6, 1907, p.225).Je ne suis pas un pharisien qui se bat la poitrine parce qu'il se met dans un livre. Je m'y mets avec les autres et au même titre que les autres (Cendrars,Bourlinguer,1948, p.204): 2. Moi, disait-elle (et en parlant ainsi sa figure rayonnait comme celle d'un archange), j'ai un orgueil de Satan! Je me tiens dans le temple comme le pharisien superbe, et il me faut faire un effort pour me mettre moi-même à la porte, où je te trouve, toi, endormie et souriante, à l'humble place du publicain.
Sand,Hist. vie,t.3, 1855, p.215. − Empl. adj. [P. méton. du déterminé] Les autres sont perdus parmi tant de richesses Qu'ils ont le coeur plus creux qu'un coeur pharisien (Péguy,Ève,1913, p.766). − P. métaph. La destinée de Charles Claparon était d'être un jour livré aux juifs et aux pharisiens, si les affaires lancées par Du Tillet exigeaient une faillite, et Claparon le savait (Balzac,C. Birotteau,1837, p.86). 2. P. ext., littér. a) Personne à la piété ostentatoire. Le Pharisien est un homme qui croit en Dieu, et qui croit que Dieu est content de lui (Alain,Propos,1913, p.154): 3. Un criminel qui a le sens de son péché et en souffre, et s'en repent au secret de son coeur, est plus près de Dieu que le Pharisien qui met ses deux sous à la quête et croit, à ce prix modique, acheter son salut. L'essentiel est de se repentir...
Daniel-Rops,Mort,1934, p.170. − Empl. adj. [En parlant d'un trait du comportement] Leur religion [des schizoïdes] tend vers un mélange de mysticisme obscur et vague et de raideur pharisienne ou doctrinaire (Mounier,Traité caract.,1946, p.367). b) Personne qui, observant strictement les préceptes moraux, s'attache plus à leur formalisme qu'à leur contenu, et se donne une bonne conscience avec laquelle elle juge sévèrement la conduite d'autrui. Ce pape docile envers les monarques, ces évêques arrogants, ces vicaires flatteurs du riche, ces amis des Pharisiens et du César, que gardaient-ils de l'évangélique humilité, du culte des faibles et des pauvres? (Adam,Enf. Aust.,1902, p.314).Rien de plus rigoriste que les laïcs, quand ils s'y mettent, surtout s'ils sont un peu bambocheurs. Ils deviennent alors grands docteurs parmi les pharisiens et ne permettent pas le moindre écart de conduite ou ce qu'ils jugent tel. Ils sont hantés de morale (Green,Journal,1956, p.158).V. accapareur ex. 8 et formalisme A ex. de Estaunié: 4. Non que la pharisienne fût morte en elle: la lucidité qui lui avait permis de se juger et de se condamner, la rendait fière. Elle ne croyait point qu'il y eût beaucoup d'exemples d'une chrétienne capable de reconnaître, à cinquante ans, qu'elle avait fait fausse route. Elle ne s'avouait pas qu'il lui était agréable maintenant de ne plus diriger personne.
Mauriac,La Pharisienne,1981 [1941], p.872. − Empl. adj. ♦ [En parlant d'une pers.] À la réflexion, je m'apercevais que l'inconvénient de notre entreprise [une association charitable] était sa facilité même. Il n'était que trop aisé de remettre nos cinquante-sept sous au premier aveugle que nous rencontrerions. Et pour ma part, s'il faut l'avouer, je ne me jugeais pas assez payé de ma générosité par le regard du caniche, assis sur son derrière, sa sébile dans la gueule. Je voulais un autre loyer de ma bienfaisance. À douze ans, j'étais un peu pharisien (A. France,Vie fleur,1922, p.290). ♦ [En parlant d'une chose] Propre au pharisien. Le pays, honnête et rural, de morale bornée, étroite, pharisienne et routinière, manquait à un degré déplorable de prostituées et d'assassins (Arnoux,Zulma,1960, p.19): 5. Il en est des bonnes oeuvres pharisiennes conformes au devoir comme des chefs-d'oeuvre scolaires conformes aux règles: les uns et les autres devraient être parfaits, et pour un peu nous accuserions notre insatisfaction elle-même plutôt que leur imperfection.
Jankél.,Je-ne-sais-quoi,1957, p.82. − Loc. adv. À la pharisienne. Bah! ne nous bouchons pas le nez hypocritement, à la pharisienne (Arnoux,Roi,1956, p.158). Prononc. et Orth.: [faʀizjε
̃], fém. [-jεn]. Att. ds Ac. dep. 1762. Étymol. et Hist.1. Ca 1190 Fariseu c. suj. plur. «membres d'une secte juive» (Herman de Valenciennes, Li romanz de Dieu et de sa Mère, éd. I. Spiele, 4479); fin xiies. phariseus c. suj. sing. (Sermons St Bernard, éd. W. Foerster, p.17, 9); ca 1240 pharisien (Evangile des Domées, éd. R. Bossuat et G. Raynaud de Lage, 26, 21); 1585 adj. (Noël du Fail, Contes et discours d'Eutrapel, éd. J. Assézat, t.2, p.85: Prestres Pharisiens); 2. 1541 subst. p.ext. «hypocrite, faux dévôt» (Calvin, Instit. de la relig. chrét., Epistre au Roy, éd. J. D. Benoît, t.1, p.29); 1611 adj. (Cotgr.). Empr. (puis adaptation au moyen du suff.-ien*) au lat. chrét.Pharisaeus (dans le N.T.), lui-même empr. au gr. Φ
α
ρ
ι
σ
α
ι
ο
ς, et celui-ci à l'araméen perīshayyā
, plur. emphatique de peīsh «séparé», part. passif de perāsh «séparer». Les Pharisiens étaient prob. ainsi appelés parce qu'ils se tenaient à l'écart des personnes et des choses qu'ils considéraient comme impures (cf. Bible 1912 et Klein Etymol.). Fréq. abs. littér.: 261. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 458, b) 182; xxes.: a) 409, b) 374. Bbg. Richard (W.). 1959, p.101, 105. |