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PEU, adv.
Quantificateur de l'intensité faible.
I. − Peu, quantificateur restrictif.
A. − [En fonction d'adv., associé à des mots de sens positif ou interprétés comme tels, indique l'intensité faible]
1. Peu + adj.Voilà, Madame, des paroles peu agréables que je voulais vous épargner (Stendhal, L. Leuwen,t.3, 1836, p.394).Une personne exacte et d'ailleurs peu aimable avec moi (Proust, Guermantes 2,1921, p.353).Les patates, portées à fleurir, s'étaient délayées en une purée grisâtre, peu appétissante (Guèvremont, Survenant,1945, p.156).
Rem. 1. L'adj. que modifie peu est gén. polysyllabique sauf pour ceux dont la prononc. est identique au masc. ou au fém.: peu clair, peu grave, peu net. 2. Peu + adj. n'est pas d'un usage cour. dans la lang. orale fam., qui lui préfère pas très + adj. Peu + adj. appartient à une lang. relativement châtiée.
2. Peu + adv. ou compl. circ.C'est une intolérable tyrannie (...) que le pouvoir central impose aux provinces des institutions, des hommes, des écoles, peu en harmonie avec les préjugés de ces provinces (Renan, Avenir sc.,1890, p.343).Assise en lapin, peu confortablement (Farrère, Homme qui assass.,1907, p.74):
1. Staline, dit-on, a demandé le rappel de l'ambassadeur des U.S.A. à Moscou, qui insistait trop peu discrètement sur ce point. Gide, Journal,1943, p.212.
3. Verbe + peu.C'est vrai, maman, j'ai peu dormi (Sue, Atar-Gull,1831, p.29).Une courbe ovale, qui diffère peu d'un cercle, différera encore moins d'une ellipse (Cournot, Fond. connaiss.,1851, p.60).
Rem. La différence entre peu, adv. modifiant un verbe et peu, en fonction de nom., est ténue. Dans la constr. trans. sans autre obj., il est possible d'interpréter peu comme compl. d'obj. dir. du verbe. Balcombe mira le vin, but peu et avec lenteur (Hamp, Champagne, 1909, p.176). Anne écrivait peu. Parfois dans les lettres de Mahaut à François, en marge, une ligne (Radiguet, Bal, 1923, p.142). Peu glisse ainsi de la catégorie de l'adv. à celle du nom (v. infra C).
B. − Peu de.[En fonction de prédéterminant du subst., indique une quantité ou un nombre faible]
1. Peu de + subst. sing. (non comptable et compatible avec le partitif).As-tu donc peu ou beaucoup d'amour-propre? Je crois que tu en as beaucoup (Amiel, Journal,1866, p.257).
Peu de chose. Une chose sans importance, sans conséquence, négligeable. À peu de chose près. Ce n'est pas peu de chose que vous me demandez là (Stendhal, L. Leuwen,t.3, 1836, p.162):
2. Prévot, dans les débris, a découvert une orange miraculeuse. Nous nous la partageons. J'en suis bouleversé, et cependant c'est peu de chose quand il nous faudrait vingt litres d'eau. Saint-Exup., Terre hommes,1939, p.231.
Faire peu de cas de qqn, qqc. N'accorder à quelqu'un, quelque chose qu'une importance négligeable. Un homme qui fait peu de cas de nous (Courier, Pamphlets pol.,Au réd. «Censeur», 1819, p.29).
De peu de. Qui possède une faible quantité de. Une chose de peu d'importance (Duhamel, Confess. min.,1920, p.126).
[P. allus. aux paroles de reproche que Jésus adresse aux apôtres incrédules: Gens, hommes de peu de foi (Matth. vi, 30; viii, 26 p.ex.)] Comme font les hommes de peu de foi, aux yeux desquels les choses ne se sont jamais passées telles que le rapportent les témoins (Mauriac, Journal 2,1937, p.206).
2. Peu de + subst. plur.La mort qui va les séparer n'est plus qu'une absence de peu de jours (Cottin, Mathilde,t.5, 1805, p.333):
3. Quant à Françoise, elle voyait qu'on donnait peu de médicaments à ma grand'mère. Comme, selon elle, ils ne servent qu'à vous abîmer l'estomac, elle en était heureuse, mais plus encore humiliée. Proust, Guermantes 2,1921, p.331.
Rem. 1. L'accord du verbe se fait avec le compl.: Bien peu d'hommes auraient agi autrement (Bernstein, Secret, 1913, II, 3, p.18) même si celui-ci n'est pas exprimé (v. infra C). 2. Comme dans le cas de l'adv. beaucoup, peu n'introduit un pron. pers. que s'il précède immédiatement les prép. d'entre ou parmi. Instruments électro-mécaniques. Peu d'entre eux présentent une réelle importance (Arts et litt., 1935, p.38-1).
3. [Le syntagme prép. introd. par de cède la place à un pron. (en, dont...)] Les femmes de mes amis ne me remarquaient pas particulièrement. Lorsque j'ai eu Odette, il y en a peu qui ne se soient montrées intriguées, puis irritées, puis provocantes (Simenon, Vac. Maigret,1948, p.177).
C. − [En fonction de nom.]
1. [Compl. d'un verbe ou comme attribut (peu pouvant occuper toutes les fonctions d'un syntagme nom. ou d'un pron.)]
a) [Un verbe trans. dir.] Elle avait peu mangé, point dormi (Bernanos, Crime,1935, p.868).Ayant peu à décrire dans l'humble logis, ils n'y séjournent guère (Bachelard, Poét. espace,1957, p.24).
Peu importe (v. importer I B), peu me chaut (v. chaloir B 1).
Rem. V. s.v. importer l'accord du verbe lorsque le subst. est au plur.
C'est (trop) peu dire. Les mots sont insuffisants, insuffisamment forts pour décrire quelque chose. Plus je suis près du bonheur, plus je redoute les obstacles. Ah! les obstacles, c'est peu dire! (Sénac de Meilhan, Émigré,1797, p.1562).
Ce n'est pas peu dire. Ce qui est dit est pleinement significatif. Cette idée, si naïve d'apparence, a duré, je crois, sans s'affaiblir; elle n'allait pas chez les anciens au delà des autres; elle serait donc aujourd'hui la même, et ce n'est pas peu dire (Alain, Beaux-arts,1920, p.223).
b) [Un verbe constr. avec la prép. de] Se satisfaire de peu; vivre de peu. Elle aspire à tout, et se contente de peu (Constant, Princ. pol.,1815, p.65).
S'en falloir* de peu (que...), peu s'en faut (que...). Être sur le point de. Tous les êtres viennent de peu, et peu s'en faut qu'ils ne viennent de rien (Joubert, Pensées,t.1, 1824, p.137).On peut donc photographier la nuit comme en plein jour (ou peu s'en faut), à la «lueur» de projecteurs, allumés mais camouflés par des écrans noirs spéciaux qui ne laissent passer aucune lumière visible (Prinet, Phot.,1945, p.106).Il s'en fallut de peu que je ne renonçasse à la littérature (Sartre, Mots,1964, p.179).
c) [Avec le verbe être]
C'est peu. C'est insuffisant. Quatre jours... C'est peu... (Guitry, Veilleur,1911, ii, p.17).
Ce n'est pas peu. C'est beaucoup:
4. Mais plutôt réveillant l'homme en chacun, invite-les tous à penser selon la joie et l'espérance; invoquant la guerre même, et ce qu'elle fait voir d'énergie et de puissance gouvernante en chacun; ce n'est pas peu. Alain, Propos,1921, p.251.
C'est peu de + verbe à l'inf. C'est insuffisant de. C'est peu de servir l'homme, il faut encor lui plaire (Florian, Fables,1792, p.107).C'est peu d'être poëte, il faut être savant (Richepin, Mer,1886, p.320).
C'est peu que + verbe au subj. C'est insuffisant que. C'est peu que la physique de l'homme fournisse les bases de la philosophie rationnelle, il faut qu'elle fournisse encore celles de la morale (Cabanis, Rapp. phys. et mor.,t.1, 1808, p.60).
Être de peu. Être sans importance, sans valeur. Les ressemblances de visages sont de peu, je crois, dans les ressemblances de caractères (Goncourt, Journal,1860, p.779).
2. [P. ell. du compl. prép. de + subst. (lorsque le subst. est de grande généralité)]
[Le compl. s.-ent. est au sing.]
Peu de temps. Dans, avant peu; il y a peu, sous peu, d'ici peu, d'ici à peu; peu après. J'y ai peu vécu (Gobineau, Pléiades,1874, p.85).Je l'ai peu vue, elle est allée se coucher de bonne heure (Proust, J. filles en fleurs,1918, p.476).
Peu de chose. Le maître-ouvrier sait faire de peu un ouvrage sans défaut (Blanche,Modèles,1928, p.248).Il montre par là combien peu comptent toutes les barrières qui pourraient lui être opposées (Artaud, Théâtre et son double,1938, p.35).
Peu d'argent, peu de valeur. Valoir, coûter peu.
[Le compl. s.-ent. est au plur.] Peu de gens. Si peu furent destinés à compter pour l'humanité, à vivre dans les siècles, à marcher avec leur ascendant comme avec leur ombre, et à forcer tous les regards à se baisser! (Krüdener, Valérie,1803, p.174).En effet, pour tout le monde, à vingt ans, la grande affaire c'est de vivre, mais bien peu se préoccupent de trouver le fondement philosophique de leur activité (Barrès, Homme libre,1889, p.xv).
3. Dans diverses loc.
De peu, loc. adj. Minable, sans importance. Panturle a rencontré le vent, (...) plus le vent de peu qui s'amuse à la balle, mais le beau vent, large d'épaules qui bouscule tout le pays (Giono, Regain,1930, p.100).
Homme, gens de peu. Homme, gens de peu d'importance (sur le plan social ou intellectuel). Gens de peu, qui ne payaient pas cher, mais qui payaient tous les trois mois (A. France, Pt Pierre,1918, p.109):
5. ... celui qui vaque, avec les gens de peu, sur les chantiers et sur les cales désertées par la foule, après le lancement d'une grande coque de trois ans... Saint-John Perse, Exil,1942, p.225.
Loc. adv.
À peu près. Environ, presque. Il est à peu près dix heures. J'étais seul ou à peu près (Fromentin, Dominique,1863, p.137).
De peu. De justesse, à peine. Il s'est montré convive aimable, amateur distingué, et n'a cependant outrepassé que de peu la limite du besoin (Brillat-Sav., Physiol. goût,1825, p.216).
Peu à peu. Progressivement, degré par degré. À force d'y réfléchir, je me rendis peu à peu cette idée plus familière (Fiévée, Dot Suzette,1798, p.86).
Si peu que rien. Presque rien. Peu de chose avait suffi à ce rare thaumaturge, si peu que rien, cinq ou six lignes sur une note officielle, mais sublimes à la vérité (Ambrière, Gdes vac.,1946, p.329).
(Un) tant soit peu. En très petite quantité, presque rien. Il suffit de réfléchir un tant soit peu (Villiers de L'I.-A., Contes cruels,1883, p.68).Ivresse publique tant soit peu déshonorante (Bloy, Journal,1893, p.93).
Peu ou prou*.
Peu ou point, peu ou rien. Manière solide, mais d'âme peu ou point (Baudel., Salon,1846, p.177).
Fam. [Pour refuser avec iron. et indignation une hypothèse, une proposition] Très peu pour moi! J'en voyais une [une femme enceinte], l'autre soir, qui prenait le Métro. On aurait dit qu'elle portait un panier à bouteilles sous sa jupe. Non, mais très peu pour moi, je vous prie, de ventre (Toulet, Nane,1905, p.196).
Loc. conj.
Pour peu que + verbe au subj. À la condition (si minime soit-elle) que. Pour peu que nos danseuses se perfectionnent au point de pouvoir tourner sur elles-mêmes aussi vîte et aussi long-tems que les derviches de Sainte-Sophie (Jouy, Hermite,t.4, 1813, p.362).
Si peu que ce soit. Si faible que puisse être la quantité, l'intensité. Que l'on en revienne si peu que ce soit aux sources respiratoires, plastiques, actives du langage (Artaud, Théâtre et son double,1938, p.143).
D. − [En fonction de subst.] Le, ce, mon peu (de)
1. [Corresp. à peu de + subst., avec l'idée que la faible quantité en question est insuffisante par sa petitesse]
[Suivi de de + subst. sing. (compatible avec le partitif)] Les pensées de l'homme elles-mêmes, quand elles sont vraies, ne sont-elles pas invincibles comme les axiomes, malgré le peu de soin qu'il prend de les employer à son profit? (Saint-Martin, Homme désir,1790, p.121).À l'école de théologie, ses professeurs se plaignaient de son peu d'assiduité (Stendhal, Rouge et Noir,1830, p.262).Le peu de tact qu'il devait à sa timidité lui faisait redouter de paraître ridicule en s'occupant de pareilles niaiseries (Balzac, Curé Tours,1832, p.207).
Rem. Lorsque peu, empl. comme subst. et suivi d'un compl. déterminatif, possède une valeur restrictive, c'est gén. lui qui commande l'accord du verbe: Le peu de confiance que vous m'avez témoigné m'a ôté le courage (Littré).
[Suivi de de + subst. plur.] Les quelques. Le peu de mois que Napoléon commanda l'armée de l'intérieur (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène,t.1, 1823, p.342).
2. [Corresp. à peu, nom.] Il te faut si peu! Et de ce peu, tu es assuré (Crèvecoeur, Voyage,t.2, 1801, p.106).D'autres (...) mentent à tout venant, trahissent, manquent de foi, et tiendraient à grand déshonneur d'avoir dit vrai dans un écrit de quinze ou seize pages; car tout le mal est dans ce peu (Courier, Pamphlets pol.,Pamphlet des pamphlets, 1824, p.212).
[Suivi d'une prop. rel.] Le peu que nous croyons tient au peu que nous sommes (Hugo, Voix intér.,1837, p.342).
Par antiphrase. [Pour insister, en ironisant, sur une grande quantité]
Excusez du peu! Il n'est qu'un psychologiste habile et surtout un moraliste. Rien qu'un «psychologiste»! Excusez du peu (Bremond, Hist. sent. relig.,t.4, 1920, p.437).
Merci du peu. Parce qu'il m'a porté sur son testament (...). −Pour combien? −Pour cinq cent mille! −Rien que cela, merci du peu (Dumas père, Monte-Cristo,t.2, 1846, p.3).
Rem. [Corresp. à supra I A, B, C] Peu peut être intensifié par un autre adv. (bien, assez, passablement, si, suffisamment, très, trop): Cela me paraît, je le répète, assez peu important (Destutt de Tr., Idéol. 2, 1803, p.74). Aussi, pour si peu, le chevalier sentit que la mort avait touché ses membres (Boylesve, Leçon d'amour, 1902, p.260). C'est bien peu, n'est-ce pas, messieurs, c'est bien peu (Miomandre, Écrit sur eau, 1908, p.104).
Trop peu de; si peu de; assez peu de. La Reine: C'est donc trop peu de brûler sans pudeur du plus indigne feu! (Legouvé, Mort Henri IV,1806, ii, 2, p.365).Effrayé de perdre son honnêteté pour si peu de chose, il répondit à cette idée diabolique par une idée non moins diabolique (Balzac, Cous. Pons,1847, p.170).
II. − Un peu, quantificateur positif.
A. − [En fonction d'adv., associé à des mots de valeur négative ou interprétés comme tels, indique l'intensité faible, mais déjà appréciable]
1. Un peu + adj.Elle lui jeta un sourire un peu triste, mais plein d'une franche amitié (Ponson du Terr., Rocambole,t.3, 1859, p.334).Un homme un peu brutal, un peu narquois, bougon, négligent, maussade, rongé d'obscures nostalgies (Duhamel, Suzanne,1941, p.21):
6. Monsieur votre père s'alarmait du contre-coup que cette petite escapade pouvait avoir sur votre état de santé, car vous êtes un peu délicat, un peu frêle, je crois. Proust, J. filles en fleurs,1918, p.456.
Rem. Si l'adj. a une valeur positive, il est empl. dans un cont. de virtualité: Un coeur un peu sensible voit l'artifice (Stendhal, Rouge et Noir, 1830, p.263). Il ne saurait rien avancer d'un peu sérieux sans sourire et railler tout de suite après (Lemaitre, Contemp., 1885, p.212). Et sois un peu gentil avec Dorothy, n'est-ce pas? Franchement, tu le peux, après ce que je viens de te dire! (Bourdet, Sexe faible, 1931, III, p.453).
P. iron. Très. Il jugea que par exemple celle-là était un peu raide! (Courteline, Train 8 h 47,1888, 2epart., 10, p.208).On lui a fichu une claque un peu sérieuse, à mon gigot! (G.Herbert ds Bruant1901, p.305).C'était un peu dur à avaler, n'est-ce pas, pour un homme de gauche, toute cette politique militaire de Poincaré (Aragon, Beaux quart.,1936, p.199).C'est un peu facile d'être Judith (Giraudoux, Sodome,1943, ii, 7, p.129).
2. Un peu + adv. ou compl. circ.Nous nous sommes quittés un peu brusquement, lui et moi, avant-hier soir, après une conversation pénible (Bernanos, Crime,1935, p.865).Pourquoi n'en ai-je pas parlé? Ce doit être par orgueil, et puis, aussi, un peu par maladresse (Sartre, Nausée,1938, p.24).Il parlait un peu follement, en zézayant de manière enfantine (Duhamel, Suzanne,1941, p.153):
7. Georges IV me répondit: «Écoutez, Monsieur de Chateaubriand, je vous l'avouerai: la mission de M. Decazes ne me plaisait pas; c'était agir envers moi un peu cavalièrement (...)» Chateaubr., Mém.,t.3, 1848, p.97.
[Avec un adv. d'intensité] L'inquiétude vous gagnait toujours un peu plus (Erckm.-Chatr., Hist. paysan,t.2, 1870, p.108).Gérard se tenait un peu trop sur la réserve (Theuriet, Mariage Gérard,1875, p.95).[Pour exprimer son indifférence quant à la plus ou moins grande quantité de qqc.] Un peu plus, un peu moins!
P. iron. [Le policier:] Ça commence à aller un peu mal pour lui (...). Avec son pedigree (...) il y va de la tête (Simonin, Touchez pas au grisbi,1953, p.71).
[Avec un compar.] Que lui trouvez-vous donc d'extraordinaire à ce vitrail, qui est encore un peu plus sombre que les autres? (Proust, Swann,1913, p.104).
3. Verbe + un peu.De sorte qu'au moins on vît toujours un peu flotter sa robe blanche à travers les feuilles de la forêt (Michelet, Journal,1857, p.351).Pour peu que leurs randonnées à travers la France leur eussent fait connaître un peu le pays de Combray (Proust, Fugit.,1922, p.672).
4. [En fonction d'adv. de phrase] Pop. et fam.
[Empl. seul, comme réponse en forme de défi] Plutôt. Je parie que vous avez servi [= été soldat]? −Un peu, et je m'en flatte (Raban, Marco Saint-Hilaire, Mém. forçat,t.2, 1828-29, p.158).Chaffiou: (...) Avec ça que je me priverai d'habiter ici, moi!... et de donner aussi des concerts! Rabagas, au-dessus de lui: Toi? Chaffiou: Un peu!... avec tout plein de jolies femmes en robe de soie! (Sardou, Rabagas,1872, iii, 9, p.138).
[Renforçant une affirmation] Être un peu là. Mais j'suis là. Il rit. −J'suis même un peu là, comme on dit! Je me lève aussi et lui frappe sur l'épaule. −Tu as raison, mon vieux frère (Barbusse, Feu,1916, p.177).
Un peu que + verbe.[Le collégien:] c'est congé donc! Un peu que je l'ai lâché d'un cran le bahut! (Sardou, Fam. Benoiton,1865, p.40).
P. plaisant. (pour le rapprochement des mots, pour l'assonance). Un peu mon neveu*! Vous auriez aimé une robe? −Un peu, mon neveu! (Vie paris.,1879ds Larch. Suppl. 1880, p.130).
Verbe + un peu.[Sert à mettre au défi, mais gén. par jeu, à menacer, mais sans réelle gravité] Devinez un peu qui je trouve dans la voiture? (About, Roi mont.,1857, p.280).Ah! mes coquins!... Attendez un peu! (Pailleron, Monde où l'on s'ennuie,1869, iii, 5, p.153).Répète un peu! (Zola, Nana,1880, p.1306):
8. Pour qu'on se moque du peuple, ils veulent nommer à la présidence Nadaud, un maçon, je vous demande un peu! Flaub., Éduc. sent.,t.2, 1869, p.251.
B. − Un peu de.[En fonction de prédéterminant du subst., évoque une quantité faible, mais déjà appréciable] Je voudrais bien manger, prendre un peu de lait, de café (Barrès, Cahiers,t.11, 1914, p.5).Un peu de champagne, mais pas trop sec (Proust, Guermantes 2,1921, p.408).Un peu de sueur perlait sur son front (Beauvoir, Mandarins,1954, p.215).
[Le subst. est un mot abstr.] Mon peu de courage. La jeunesse en faisait étalage devant eux comme d'amusements presque normaux; aussi la réprobation des anciens se mêlait d'un peu d'envie (Druon, Gdes fam.,t.1, 1948, p.26).
C. − [En fonction de nom.] Il faisait grand jour, il m'aborda poliment, me priant de lui prêter un peu de mon ombre, après quoi, et sans attendre ma réponse, il s'assit sans façon (Janin, Âne mort,1829, p.67).Un peu me suffira, un peu vaut mieux que rien (Chr. Wimmerds Trav. Ling. Litt. Strasbourg1974t.12 no1, p.252).
Région. Un peu de temps. Enfin, la fumée vient et, au bout d'un peu, elle est bien épaisse (Giono, Regain,1930, p.211).
Dans diverses loc.
Un peu plus* (et) + verbe à l'ind. imp. ou au cond. [Pour indiquer que qqc. est ou a été sur le point de se réaliser] Un peu plus ils étaient morts (Flaub., Bouvard,t.1, 1880, p.87).Un peu plus c'est elle qui l'eût attaqué (Colette, Sido,1929, p.95).
Pour un peu + verbe au cond. [Pour indiquer qu'il manque peu de chose pour que se réalise qqc.] Pour un peu ç'aurait pu devenir amusant (Gide, Si le grain,1924, p.423).
D. − [En fonction de subst.] Le, ce, mon peu (de)
1. [Corresp. à un peu de + subst. avec l'idée d'une quantité faible mais agissante ou utile] Missionnaires, jésuites, aumôniers, y perdent leur peu de latin (Courier, Pamphlets pol.,Au réd. «Censeur», 1820, p.43).
Rem. Lorsque peu, empl. comme subst. et suivi d'un compl. déterminatif, possède cette valeur positive, c'est gén. le compl. qui commande l'accord du verbe: Le peu de confiance que vous m'avez témoignée m'a rendu le courage (Littré).
2. [Corresp. à un peu nom.; suivi d'une prop. rel.] Avec ce revenu et le peu que je gagne elle fait très bien marcher la maison (Duhamel, Confess. min.,1920, p.21).
Rem. 1. Un peu peut être nuancé par l'adj. petit (lui-même pouvant être modifié par un adv.). Laissant voir les cailloux écrasés faire par place un petit peu de farine (Ramuz, Gde peur mont., 1926, p.76). On a pleuré un peu? Un petit peu? Un tout petit peu? (Claudel, Échange, 1954, II, p.765). 2. Un peu alterne avec quelque* peu. Pour remettre Christiane de quelque peu d'étourdissement (Bourges, Crépusc. dieux, 1884, p.147). Cette psychologie, d'abord quelque peu absconse (Béguin, Âme romant., 1939, p.92).
Prononc. et Orth.: [pø]. Homon. peuh! et formes du verbe pouvoir. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. Adv. 1. peu (avec un verbe) a) notion de temps ca 1050 pou (Alexis, éd. Chr. Storey, 109); b) notion de quantité début xiies. poi (St Brendan, éd. E. G. R. Waters, 1224); 1559 [éd.] ne peu ne prou (Amyot, Theagènes et Chariclea, ch. 21 ds Gdf., s.v. preu3); 1600 [éd.] peu ou prou (Ol. de Serres, Théâtre d'agric., p.755); c) ca 1100 por poi que... ne (Roland, éd. J. Bédier, 2789 et 3608); 1369 tant soit po (Miracles N.D. par personnages, XXXI, 720, éd. G. Paris et U. Robert, t.5, p.180); 1549 si peu que (Est.); 2. (un) peu avec une valeur d'intensif en corrélation avec un adj. −tour attributif début xiies. un poi estre + adj. (Jeu Adam, éd. W. Noomen, 222); −juxtaposition 1504 pou + adj. (Lemaire, Temple d'Honneur, IV, 189 ds Hug.); 3. (un) peu −valeur d'adv. a) employé devant un verbe −notion de temps ca 1160 un po (Eneas, éd. J.-J. Salverda de Grave, 6025); −notion de quantité ca 1150 un bien peu (Conte de Flore et Blancheflor, éd. J.-L. Leclanche, 1086, texte propre au ms. A); 1529 (Tory, Champ Fleury, livre I, 2 vods Hug.); 1174 un poi (Guernes de Pont-Ste-Maxence, St Thomas, éd. E. Walberg, 1095); b) employé avec un adv. ou un compl. de lieu, de temps, de quantité ca 1165 un poi plus (Benoît de Ste-Maure, Troie, éd. L. Constans, 1951); ca 1165 un sol poi de (Id., ibid., 30087); ca 1170 un poi aval (Béroul, Tristan, éd. E. Muret, 3876); ca 1180 un poi devant (Marie de France, Fables, éd. K. Warnke, 45, 23); 1250 pau plus, pau mains (Chartes de Douai ds Z. rom. Philol. t.14, p.307); ca 1274 un poi avant (Adenet le Roi, Berte, éd. A. Henry, 445); 1538 un peu après (Est.); 1606 peu souvent (Nicot); 1788 peu agréablement (Fér. Crit.); c) un peu - atténuation, litote ca 1480 «donc (pour atténuer un ordre)» (Mistère du Viel Testament, éd. J. de Rothschild, 31598); 1578 un peu beaucoup (H. Estienne, Deux dialogues du nouv. langage fr. italianizé, II, p.150 ds Quem. DDL t.19); 1717 un peu «oui (avec atténuation)» (Dancourt, Prix de l'arquebuse, sc. 5 ds Littré); d) 1558 [éd.] un petit peu (Bonaventure des Périers, Nouvelles récréations et joyeux devis, V, éd. K. Kasprzyk, p.30); 1530 quelque peu (Palsgr., p.847). B. Valeur de déterminatif indéf. 1. peu + subst. - valeur numérale (animés) ca 1100 poi (Roland, 1940); (inanimés) 1119 poi (Philippe de Thaon, Comput, éd. E. Mall, 1935); - valeur quantitative ca 1140 poi (Geffrei Gaimar, Hist. des Anglais, éd. A. Bell, 6157); 2. peu de + subst. (animés) valeur numérale ca 1100 poi de (Roland, 1050); (inanimés) valeur quantitative ca 1140 poi de (Geffrei Gaimar, op. cit., 5732); ca 1225 poi de cose (Huon de Bordeaux, éd. P. Ruelle, 5912); 3. un peu de + subst. (inanimé) valeur quantitative ca 1100 un poi de (Roland, 300). C. Valeur de n. ou de nom. 1. peu empl. abs. a) désigne des hommes - fonction de suj. ca 1100 poi (ibid., 3632); b) désigne un inanimé - fonction de compl. de verbe début xiies. poi (St Brendan, 414); - fonction d'attribut ca 1165 po ([Chrétien de Troyes], Guillaume d'Angleterre, éd. M. Willmotte, 3104); - fonction de suj. 1174 poi (Guernes de Pont-Ste-Maxence, op. cit., 709); 2. un peu - fonction de suj. début xiies. un poi (St Brendan, 1331); 3. peu (de) précédé de l'art. déf. ou d'un déterm. poss. ou dém. a) ca 1170 cel poi de (Rois, éd. E. R. Curtius, p.26); 1306 ce pou de (Joinville, St Louis, éd. N. L. Corbett, § 618); b) 1559 mon peu de (sens et de littérature) (Amyot, Vies des hommes illustres, foaii vo-aiii ro); c) 1694 le peu que j'ai fait pour vous, le peu qui me reste à vivre, le peu de cas qu'on en fait (Ac.); 1798 excusez du peu (ibid.); 4. début xiies. pur un poi ne «il s'en faut de peu que» (St Brendan, 754); ca 1190 par un poi (Renart, éd. E. Martin, branche VI, 725); ca 1225 poi en faut que (Huon de Bordeaux, 1952); ca 1500 peu s'en faut (Philippe de Commynes, Mémoires, éd. J. Calmette, chap. 3, t.1, p.24); xves. [date du ms.] paul s'en faut que (La jovene puchielle de Nivielle, ms. Valenciennes, fo293a ds Gdf. Compl., s.v. pou2); 1160-74 poi et poi «petit à petit» (Wace, Rou, éd. A. J. Holden, III, 8193); ca 1165 poi et petit (Benoît de Ste-Maure, Troie, 21567); xiiies. poi a poi (Isopet de Lyon, 2685 ds T.-L.); 1487 a pou pres (Vocab. lat.-fr., Loys Garbin, s.v. fere); 5. constr. prép. 1651 depuis peu (Corneille, Nicomède, I, 1); 1671 dans peu (Pomey); 1718 de peu (se contenter, vivre) (Ac.); 1718 attendre un peu (ibid.); 1787 sous peu (Fér. Crit.). D. Adj. - notion de quantité début xiies. poi (St Brendan, 1452); - notion de temps id. (ibid., 1774). Du lat. vulg. paucum, neutre adv. tiré du lat. class. paucus «peu nombreux» (empl. surtout au plur.) qui a éliminé les adv. class. parum «peu» et paulum «un peu» (cf. ital.-esp. poco, port. pouco). Paucum a donné régulièrement pou (forme empl. dans Alexis), var. po, pic. pau, devenu peu vers le mil. du xiies. soit par fermeture de ọṷ en o̱ṷ, l'accent étant devenu secondaire dans des expr. du type pou de témps (R. Haberl ds Z. rom. Philol. t.36, p.309), soit par assimilation d'aperture du 1erélém. au second (Fouché, t.2, p.309). Une autre forme poi (empl. dans Roland) est d'orig. très discutée, v. FEW t.8, p.54b-55a. Pour Hasselrot (St. neophilol. t.17, p.287), elle serait issue de pauci, nomin. masc. plur. de paucus, devenu powi (au lieu de *poydzi) p. anal. avec paucus > *powus. Cette hyp. est étayée par l'empl. fréq. de poi = pauci. À la différence de la plupart des autres lang. rom., le gallo-rom. n'emploie guère paucus que dans sa forme indéclinable. L'empl. de l'adj. lat. ne persiste pas au-delà de l'a. fr. (supra D). Dans les parlers gallo-rom. (en partic. dans l'Ouest), peu est concurrencé par l'expr. un petit att. dès 1135 en a. fr. (petit2*). La loc. pop. un petit peu résulte sans doute de la rencontre de un peu et de un petit. Fréq. abs. littér.: 94144. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 117856, b) 137892; xxes.: a) 133260, b) 145795. Bbg. Anscombre (J.-C.). Échelles argumentatives, échelles implicatives et lois de discours. Semantikos. 1978, t.2, no2/3, pp.43-44. - Blumenthal (P.). À propos de qq. applications de la not. de présupposition. Cah. Lexicol. 1973, no22, pp.51-57. - Cohen 1946, p.60. - Dauzat Ling. fr. 1946, p.29, 34, 157. - Ducrot (O.). La Description de peu et un peu. T. A. Inform. 1969, no1, pp.11-13; Dire et ne pas dire. Paris, 1972, p.62, 191, 257; Lexique et grammaire: peu et un peu. Cah. Lexicol. 1970, t.16, pp.21-52; Les Mots du discours. Paris, 1980, pp.66-69. - Martin (R.). Analyse sém. du mot peu. Lang. fr. 1969, no4, pp.75-86. - Quem. DDL t.19. - Togeby (K.). Il le faut. In: [Mél. Lombard (A.)]. Lund. 1969, p.225. - Wimmer (Chr.). Présupposé et théorie guillaumienne à propos de peu et de un peu. Trav. Ling. Litt. Strasbourg. 1974, t.12, no1, pp.249-279.