| PESÉE, subst. fém. A. − Quantité pesée en une seule fois. (Dict.xixeet xxes.). − BOULANG. Morceau de pain supplémentaire ajouté pour obtenir le poids demandé par le client. Et les gosses du quartier ne sortent plus de chez le boulanger souriants en mangeant la pesée (Prévert, Paroles, 1946, p.246). B. − Opération par laquelle on détermine le poids (de quelqu'un/de quelque chose); résultat de cette opération. Effectuer une pesée avec une balance, une bascule; procédé de la double pesée; pesée du nouveau-né, du nourrisson; pesée des bagages. On met un gramme dans un plateau pour annuler dans l'autre le poids du papier-enveloppe et avoir la pesée exacte (Giraudoux, Suzanne, 1921, p.13): 1. Il rompit solennellement avec la vie mondaine, et ne s'occupa plus que de grand air, de soleil, de régimes alimentaires, de mensurations, de pesées, plongé dans des tableaux synoptiques affolants de tout ce que l'homme doit faire pour demeurer «naturel»...
Montherl., Pitié femmes, 1936, p.1084. − Spécialement ♦ AGRIC. Pesée géométrique. Évaluation du poids et de la qualité d'une récolte de betterave sucrière résultant de la pesée d'un échantillon prélevé sur le champ même dans des conditions déterminées (d'apr. Agric. 1977). ♦ SPORTS. Constatation légale, qui s'effectue avant un combat, une épreuve, de la conformité du poids d'un concurrent avec le poids correspondant à la catégorie à laquelle il appartient. Pesée des haltérophiles. Deux heures avant la pesée D. constata que je dépassais d'une livre et demie la limite (Carpentier, Ma Vie de Boxeur, 1921ds Petiot 1982). − En partic. [Dans l'art chrét.] Pesée des âmes. Scène du Jugement dernier où un ange, souvent saint Michel, juge, sur la balance de la Justice de Dieu, les mérites des âmes qui se présentent à la porte du ciel (d'apr. Foi t.1 1968). Un bel ange qui, au jour du Jugement dernier, préparera pour Dieu, selon leur qualité, la séparation des bons et des méchants et la pesée des âmes (Proust, Prisonn., 1922, p.138). − Au fig. Examen approfondi des diverses données d'un problème; estimation de l'importance, de la valeur d'une chose. Pesée des arguments, des motifs. Des actes conscients et réfléchis, explicables par la pesée d'un résultat avantageux et de moyens comparables ou supposés comparables à ce résultat (Perroux, Écon. XXes., 1964, p.474): 2. ... plus nous avons de distances de base, plus nous nous sommes l'un à l'autre, plus nous nous sommes mutuellement des témoins précieux; uniques (...). Plus nous différons (...) plus nos pesées, plus nos visées sont bonnes (...). Nous nous sommes ainsi des témoins, des lecteurs sans doute irremplaçables.
Péguy, V.-M., comte Hugo, 1910, p.696. C. − 1. P. métaph. Action de faire sentir son poids. Le petit est à la fois gêné et flatté de l'attention que je lui porte. Mais la pesée de mon regard fausse un peu sa direction. (...) Rien n'est plus difficile à observer que les êtres en formation (Gide, Faux-monn., 1925, p.1000). 2. Lourdeur oppressante. Au dehors, c'était sur la ville une pesée d'un ciel de neige, un de ces ciels d'Auvergne où passe par instant le vent glacial des montagnes (Bourget, Disciple, 1889, p.224).On voyait clairement que le printemps (...) allait maintenant s'assoupir, s'écraser lentement sous la double pesée de la peste et de la chaleur (Camus, Peste, 1947, p.1309). 3. Pression, poussée exercée par une personne ou une chose, sur une autre personne ou une autre chose, directement ou à l'aide d'instruments. Pesée de l'épaule (contre une porte); pesée de l'eau sur une digue. La pesée de terrains contre les bois qui faisaient au puits une chemise de charpente, les avait-elle tellement renflés à l'intérieur (...)? (Zola, Germinal, 1885, p.1526).Ses genoux pressaient les côtes de Lépinglard, les écrasaient d'une pesée grandissante (Genevoix, Raboliot, 1925, p.274).Le pied s'ankylose à maintenir toujours exactement la même pesée sur l'accélérateur (Romains, Hommes bonne vol., 1938, p.267): 3. Il la connaissait [la villa] à présent dans ses moindres recoins, ouvrant les portes avec ménagement, à grands coups de souliers, quand une adroite pesée avec un tronçon de baïonnette ne suffisait pas.
Dorgelès, Croix de bois, 1919, p.13. − Au fig. Pression morale exercée par une personne ou un ensemble de personnes; influence prépondérante de quelque chose. Maintenant, la jeune génération israélite a compris la pesée toute-puissante de la critique et l'espèce de chantage qu'on pouvait par elle exercer sur les théâtres et les éditeurs (Goncourt, Journal, 1896, p.911).La pesée que la société et l'opinion publique exercent sur l'être supérieur (Du Bos, Journal, 1926, p.133): 4. ... contre la pesée sur notre âme d'une acquisition de tant de siècles, que peuvent les raisonnements appris ou inventés entre notre quinzième et notre vingt-cinquième année, −période où nous choisissons entre les systèmes de philosophie?
Bourget, Nouv. Essais psychol., 1885, p.71. Prononc. et Orth.: [pəze]. Att. ds Ac. dep. 1740. Étymol. et Hist.1. 1331 «quantité pesée en une fois» (Actes normands de la Chambre des Comptes, éd. L. Delisle, p.28); 2. 1597 poisée «action de déterminer le poids d'un objet» (Pièce ds Espiner-Scott, Doc. concernant la vie et les oeuvres de Cl. Fauchet, p.107); 1611 pesée (Cotgr.; v. aussi Trév. 1721 Additions qui cite une ordonnance pour la Monnoie de 1586); spéc. 1812 pesée des âmes (Boiste, s.v. psychostasie), v. aussi pesage; 3. 1691 (A. C. Daviler, Cours d'archit., 2epart., p.642, s.v. levier: Lorsqu'on pese sur le Levier, on dit Faire une Pesée). Part. passé subst. au fém. de peser*. Cf. chez Gui de Cambrai, Barlaam et Josaphat, éd. C. Appel, 3377, var. ms. C [xiiies.]: (balanche) iuuel pesee «réglée de façon à être précise». Fréq. abs. littér.: 179. |