| PESTIFÉRÉ, -ÉE, adj. et subst. I. − Empl. adj. A. − [En parlant d'une chose, d'un lieu] Infecté de peste (v. ce mot A 2 a). Il venait d'un lieu pestiféré. On brûla ces marchandises comme pestiférées (Ac.).Une écharpe, achetée sur le vaisseau pestiféré le Plymouth, a été envoyée à Sarah (...) −Ah! ils ont peur de la peste? (Dumas père, Laird de Dumbiky,1844, v, 7, p.128). − Qu'on évite à tout prix, où règne la désolation. La présence de Bonaparte avait changé cette île de promission [Sainte-Hélène] en un roc pestiféré: les vaisseaux étrangers n'y abordaient plus (Chateaubr., Mém.,t.2, 1848, p.659).Les députés font le vide autour du banc pestiféré où leur vieil ami [Wilson], blanc comme un linge, déploie des papiers et s'enfonce dans la lecture (Barrès, Appel soldat,1900, p.182): 1. ... sur cette débâcle d'ordures et de chairs, sont semées des profusions d'images religieuses, de cartes postales, de brochures pieuses (...) qui (...) font semblant de fleurir de leurs mille blancheurs de mensonge et de stérilité ces rives pestiférées, cette vallée d'anéantissement.
Barbusse, Feu,1916, p.296. B. − [En parlant d'un animé] Atteint de la peste. On a pu constater chez l'homme pestiféré la présence de Pulex cheopis (Sacquépée, Garcinds Nouv. Traité Méd.fasc. 31927, p.537).Saint Roch, le saint pestiféré (Camus, Peste,1947, p.1292). − Qu'on évite à tout prix, corrompu. Dans cette réaction de dégoût, Anderran voulut serrer la main de Poujard'hieu. L'orateur (...) pestiféré quittait la salle, gagnait la porte de son pas indolent (Vogüé, Morts,1899, p.298).V. hégélisme, rem. s.v. hégélianisme ex. de Péladan. II. − Empl. subst. Personne atteinte de la peste. Buonaparte empoisonne les pestiférés de Jaffa; on fait un tableau qui le représente touchant, par excès de courage et d'humanité, ces mêmes pestiférés (Chateaubr., Mél. pol.,t.1, 1814, p.12).Desgenettes s'inocula à lui-même, (...) le pus d'un bubon prélevé sur un pestiféré de Saint-Jean d'Acre (Sacquépée, Garcinds Nouv. Traité Méd.fasc. 31927p.530): 2. ... les chrétiens d'Abyssinie voyaient dans la peste un moyen efficace (...) de gagner l'éternité. Ceux qui n'étaient pas atteints s'enroulaient dans les draps des pestiférés afin de mourir certainement.
Camus, Peste,1947p.1297. − [Dans une compar.; représente une pers. qu'on évite à tout prix] Fuir, renvoyer, traiter quelqu'un comme un pestiféré. Un pas lent et inquiet rasant la muraille comme s'il s'agissait d'éviter un pestiféré (Janin, Âne mort,1829, p.44).Dans l'escalier, toutes les gamines me regardent comme une pestiférée (Colette, Cl. école,1900, p.188). − Personne qu'on évite à tout prix. Je suis (...) un proscrit, un pestiféré politique (Hugo, Han d'Isl.,1823, p.440).Mille détails de l'oppression de Bonaparte se sont perdus dans la tyrannie générale (...). Le malheureux devenu un pestiféré séquestré du genre humain, demeurait en quarantaine dans la haine du despote (Chateaubr., Mém.,t.3, 1848, p.346).Je ne me sens guère en train. Un pestiféré, n'oubliez pas que je suis un pestiféré, un lépreux. Que j'aie le malheur de laisser mon regard s'égarer sur une de vos créoles... (Audiberti, Quoat,1946, 1ertabl., p.21): 3. Deux de mes camarades (...) ont fait un effort sensible pour ne pas m'apercevoir. Pourquoi? (...) Pour n'avoir pas, sans doute, à me parler de cette affaire embarrassante, car, enfin, je ne suis pas un pestiféré.
Duhamel, Combat ombres,1939, p.224. Prononc. et Orth.: [pεstifeʀe]. Ac. 1694, 1718: pestiferé; dep. 1740: -féré. Étymol. et Hist. 1534 maladie pestiférée [date d'éd.] (Chauliac, Le Guidon en françoys, 113c ds Rom. Forsch. t.32, p.125); 1531 subst. (doc. ds Gdf. Compl.). Dér. de pestifère*; suff. -é*; cf. a. prov. pestiferat subst. «personne attaquée par la peste» (hapax ds Rayn.), pesté subst. «pestiféré» (1580-1615 ds Gdf.). Fréq. abs. littér.: 161. |