| PESTE, subst. fém. A. − 1. Vx. Maladie épidémique caractérisée par une mortalité élevée. La fièvre jaune est une peste qu'on dit originaire d'Amérique. La petite vérole est une peste dont la vaccine nous a délivrés (Ac.1835, 1878). 2. En partic. a) Maladie infectieuse, contagieuse, épidémique, souvent mortelle, due à un bacille découvert par Yersin. Épidémie de peste; être atteint, mourir de la peste; pays, ville ravagé(e) par la peste; la peste et le choléra. C'est une maladie terrible, la peste, le cou gonflé, la bouche ouverte, la langue comme une langue de boeuf (Pagnol,Fanny, 1932, i, 1ertabl., 14, p.54).La peste sévit à l'état endémique en Afrique, aux Indes, en Indochine et en Chine. (...) Si spontanément la mortalité de la peste oscille entre 30 et 75 p.100 selon les formes, par contre le traitement antibiotique sauve 85 à 90 p.100 des malades (BlacqueMéd.1974): 1. Il s'agit d'une fièvre à caractère typhoïde, mais accompagnée de bubons et de vomissements. J'ai pratiqué l'incision des bubons. J'ai pu ainsi provoquer des analyses où le laboratoire croit reconnaître le bacille trapu de la peste.
Camus, Peste,1947, p.1255. ♦ Peste bubonique. Peste transmise à l'homme par la piqûre de puces de rongeurs (en particulier du rat), caractérisée par l'apparition de bubons. V. bubonique ex. 1. ♦ Peste pneumonique/pulmonaire. Peste transmise par contagion entre humains, caractérisée par une inflammation pulmonaire aiguë. On a montré l'association fréquente du pneumocoque et du bacille de Yersin dans les épidémies de peste pneumonique (Ménétrier, Stéveninds Nouv. Traité Méd.fasc. 11926, p.284).V. bubonique ex. 1. ♦ Peste septicémique. Peste transmise à l'homme par la piqûre de puces de rongeurs (en particulier du rat), caractérisée par une septicémie grave apparaissant brutalement. La peste septicémique survient d'emblée ou fait suite à un bubon pesteux. Elle est toujours mortelle (Pt Lar. Méd.1976). − Loc. proverbiale, vx. Dire peste et rage de quelqu'un, ,,En dire tout le mal possible`` (Ac. 1835, 1878). − Loc. adv., fam. Comme la peste/de la peste. Comme un fléau/d'un fléau, au plus haut point. Détester, éviter, fuir, haïr, redouter qqn ou qqc. comme la peste; se garder, se méfier de qqn ou de qqc. comme de la peste; dangereux comme la peste. Le père Caillavaut est un vieil Harpagon, détraqué, mauvais comme la peste (Colette, Cl. école,1900, p.275).Aussi craignait-il comme la peste un rhume pour lequel il eût gardé le lit (Proust, Sodome,1922, p.845).V. fuir B 1 a ex. de G. Leroux. b) P. méton. − Épidémie de cette maladie, ou d'une autre maladie contagieuse caractérisée par une mortalité élevée. À l'époque de la peste d'Athènes, l'an 431 avant notre ère, vingt-deux grandes pestes avaient déjà ravagé le monde (Chateaubr., Mém.,t.4, 1848, p.59).Une peste, quelque effroyable épidémie rapportée d'Orient par les navires avait balayé cette ville (Lorrain, Phocas,1901, p.70): 2. La peste de 1720 à Marseille nous a valu les seules descriptions dites cliniques que nous possédions du fléau. Mais on peut se demander si la peste décrite par les médecins de Marseille était bien la même que celle de 1347, à Florence, d'où est sorti le Décaméron.
Artaud, Théâtre et son double,1938, p.22. ♦ Peste noire. Épidémie de cette maladie ayant ravagé l'Europe au xives. Au XIVesiècle, survient la peste noire, la pandémie la plus terrible qui ait jamais fondu sur l'humanité (Sacquépée, Garcinds Nouv. Traité Méd.fasc. 31927, p.523). − [Chez Zola] Odeur pestilentielle. Synon. infection.Dominant la senteur chaude du bétail, une violente odeur de corne roussie, une peste sortait d'une maréchalerie voisine (Zola, Terre,1887, p.175).V. agonisant ex. 10. 3. P. anal. Maladie contagieuse virale de certains animaux. a) Peste aviaire. ,,Maladie contagieuse due à un ultra-virus, qui frappe les poules (...) caractérisée par une somnolence profonde qui aboutit presque toujours à la mort`` (Garnier-Del. 1958). V. aviaire ex. 1. b) Peste bovine. ,,Maladie contagieuse virale des Bovidés (...) [qui] se manifeste par un état infectieux très grave, avec inflammation et ulcérations des muqueuses`` (Méd. Biol. t.3 1972). Parmi les maladies infectieuses du boeuf non transmissibles à l'homme, il faut citer la peste bovine qui rend la viande suspecte et prohibée (Macaigne, Précis hyg.,1911, p.224). c) Peste équine. ,,Maladie contagieuse virale des Équidés (...) caractérisée notamment par des manifestations pulmonaires`` (Méd. Biol. t. 3 1972). Pour protéger la France, de sévères mesures sont appliquées aux frontières, concernant l'importation des chevaux en provenance de pays touchés par la peste équine (TondraCheval1979). d) Peste porcine. ,,Maladie contagieuse du porc, caractérisée par une atteinte grave de l'état général avec manifestations diverses (...) et aboutissant rapidement à la mort`` (Méd. Biol. t. 3 1972). La peste porcine qui, elle, atteint les jeunes jusqu'à l'âge de cinq mois environ (Garcin, Guide vétér.,1944, p.237). B. − Vieilli, fam. ou par affectation 1. [Empl. dans une imprécation] Peste de + subst.!(La) peste soit de + subst.!Peste de la petite fille sotte et bouchée! (Hugo, N.-D. Paris,1832, p.38).Peste soit des jours envolés! (...) Vive le présent! (Milosz, Amour. init.,1910, p.43).La peste soit des métaphores: on songe irrésistiblement au «char de l'État qui navigue, etc...» (Gide, Ainsi soit-il,1951, p.1204). ♦ Que la peste l'étouffe! V. étouffer. 2. [Empl. comme interj.] a) [Marquant une surprise admirative] J'ai fait la rencontre du maître de cette maison-ci chez M. le cardinal de Rohan. −Peste! Vous allez chez le cardinal de Rohan! (Chamfort, Caract. et anecd.,1794, p.121).Peste, comme vous voilà résolu, changé! J'admire la vertu du déguisement (Arnoux, Roi,1956, p.204): 3. Le Baron Turelure, buvant son café: (...) Heureux terme d'un repas excellent. Que me parlez-vous d'une réception improvisée? Peste! Quel ordinaire, en ce pays perdu!
Claudel, Otage,1911, II, 1, p.249. b) [Marquant une surprise désagréable ou la désapprobation] Peste, qu'il fait froid! (Ac.).Deux heures sonnèrent. «Peste! dit le docteur, voilà l'heure du dîner, et ma soeur Jeannette nous attend! (...)» (Brillat-Sav., Physiol. goût,1825, p.180).Ainsi, tu n'es pas même conscrit; c'est uniquement à cause des beaux yeux de la madame que tu vas te faire casser les os. Peste! Elle n'est pas dégoûtée (Stendhal, Chartreuse,1839, p.36): 4. L'espoir de liquider une fois pour toutes la controverse séculaire qui a mis aux prises tant de bons esprits (...) vous le jugez dénué d'intérêt? Peste, mon cher, vous êtes difficile.
Benoit, Atlant.,1919, p.67. − Vx. La peste! La peste, vous ne m'y prendrez pas! (Ac.1835, 1878).Hé bien, Gringoire! Que dites-vous du moyen? −Je dis (...) qu'on me pendra indubitablement. −Cela ne nous regarde pas. −La peste! dit Gringoire (Hugo, N.-D. Paris,1832, p.448). C. − P. anal. ou au fig. Personne ou chose funeste, pernicieuse. Peste morale, publique. Renards, peste des bergeries (Leconte de Lisle, Poèmes trag.,1886, p.109).À Rome (...) la grande peste d'orgueil nationaliste s'était répandue (Rolland, J.-Chr.,Nouv. journée, 1912, p.1560): 5. Il ne craignait que deux choses au monde: les ennuyeux, et l'air humide. Pour fuir ces deux pestes, il faisait des choses qui eussent donné des ridicules à tout autre...
Stendhal, L. Leuwen,t.2, 1835, p.398. ♦ [P. réf. au fait que les nazis portaient des chemises brunes] La peste brune. Le nazisme. Synon. peste hitlérienne.[Dans Les Damnés de L. Visconti] Dirk Bogarde, Ingrid Thulin et Helmut Berger (...) sont des personnages, effrayants, venus (...) de la peste brune qui s'empara de l'Allemagne avant de ravager l'Europe (Télérama,28 mars 1984, no1785, p.83). − [En antéposition expressive] Mordi! quelle peste d'existence! (Dumas père, Reine Margot,1847, iv, 8, p.157).C'est cette peste de mercière qui mène le branle des potins (Mirbeau, Journal femme ch.,1900, p.325).Cette vieille peste de Saint-Simon (Proust, Prisonn.,1922, p.303). − Fam. (Petite) peste. Enfant, jeune fille, jeune femme malicieuse, insupportable. Vous êtes une petite peste, me dit mon père. Si je vous parle raison, vous me répondez par des plaisanteries (Balzac, Mém. jeunes mariées, 1842, p.206).Dieu sait pourtant si j'ai autre chose à faire aujourd'hui, mais je vais tout de même perdre le temps qu'il faudra et te sauver, petite peste (Anouilh, Antig.,1946, p.181). − Empl. adj. Malicieux, insupportable. Il est un peu peste, elle est un peu peste (Ac.1835, 1878).Pauline Grange (...) un peu peste et rieuse (Pourrat, Gaspard,1925, p.95). Rem. Vx. ,,C'est un petit peste, se dit (...) D'un petit garçon qui est malicieux`` (Ac. 1835, 1878). Prononc. et Orth.: [pεst]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1460 «maladie épidémique» (Chastellain, Chronique, éd. Kervyn de Lettenhove, t.1, p.180); 1564 (fuir, haïr qqn) comme peste (Ronsard, Nouvelles Poésies ds OEuvres, éd. P. Laumonier, t.12, p.11, 174 et p.91, 86); 1650 (haïr, fuir qqn) comme la peste (Scarron, Virgile travesti, V, p.118); b) fig.
α) dans des formules d'imprécation, de malédiction 1579 la peste l'estouffe (Larivey, Vefve, IV, 2); 1649 peste de la sote (Scarron, op. cit., IV, p.8); 1652 la peste soit des satyriques (Loret, Muze histor., 4 févr., p.18);
β) interj. 1648 la peste, que le monde est fou! (Scarron, op. cit., II, p.109); 1664 peste! (Molière, Princesse d'Elide, IIIeIntermède, 2); 2. fig. a) ca 1475 «personne qui cause des troubles, de l'inquiétude» (Chastellain, op. cit., t.5, p.450); 1583 «collégien méchant ou très désagréable» (Bénigne Poissenot, L'Esté in Conteurs fr. du 16es., 1278 ds Quem. DDL t.9); b) ca 1500 «caractère terrible, fléau» (J. d'Auton, Chroniques, éd. Jacob, 62). Empr. au lat. pestis «maladie contagieuse, épidémie, peste, ruine, destruction (au fig.)». Fréq. abs. littér.: 1191. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 1629, b) 1173; xxes.: a) 925, b) 2500. Bbg. Bourciez (E.). L'Âge des mots en fr. R. Philol. fr. 1928, t.40, p.139. _Grimm (J.). Die Literarische Darstellung der Pest in der Antike und in der Romania. München, 1965, 244 p. _Lerat (P.). Le Ridicule et son expr. ds les comédies fr. de Scarron à Molière. Thèse, Lille, 1978, pp.30-35. _Vaganay (H.). Pour l'hist. du fr. mod. Rom. Forsch. 1913, t.32, p.125. |