| PESANT, -ANTE, part. prés., adj., subst. masc. et adv. I. − Part. prés. de peser*. II. − Adjectif A. − Qui pèse, qui a un poids, du poids. 1. Qui est soumis à la pesanteur, aux lois de la gravitation. Nous savons faire voler (...) des corps pesants (Valéry,Variété V, 1944, p.25). 2. Vx. Qui a le poids requis par la loi. Espèces pesantes (Littré). 3. Qui est lourd, massif. Anton. léger.À leurs doigts les bagues et à leurs chevilles les pesants anneaux d'or (Barrès,Jard. Oronte, 1922, p.53).Les récolteurs de caoutchouc (...) furent condamnés à tourner autour de la factorerie sous un soleil de plomb et porteurs de poutres de bois très pesantes (Gide,Voy. Congo, 1927, p.741). B. − Qui donne une impression de lourdeur. 1. Dans le domaine physique ou matériel a) Dont le mouvement est lourd, embarrassé. Anton. agile, léger, souple, vif.Pas pesants; allure, marche pesante. Le cabriolet du médecin partait, avec le trot pesant du vieux cheval (Zola,Joie de vivre, 1884, p.1047).L'homme battait toujours la terre de sa danse pesante, ses mains blotties sous les aisselles et la figure enfouie (Dorgelès,Croix de bois, 1919, p.268).Des blocs se soulèvent, se déplacent soit par bonds pesants, soit en roulant sur les pentes (Valéry,Variété III, 1936, p.108). − Expr. Avoir la main pesante. Manquer de dextérité. (Dict.xixeet xxes.). b) [En parlant d'une partie du corps] Qui donne une impression désagréable de lourdeur. Synon. lourd.Tête pesante; jambes pesantes. Alors Bénin éprouvait une horrible envie d'uriner. Sa vessie devenait pesante et douloureuse (Romains,Copains, 1913, p.74).Chacun se mit à étouffer sous le sac, à traîner des pieds pesants et meurtris (Benjamin,Gaspard, 1915, p.53).Un visage de graisse tombante, jauni par la cirrhose, une paupière bouffie et pesante, les plis des mentons dans le col (Vercel,Cap. Conan, 1934, p.251). c) [En parlant de la nourriture ou de la boisson] Qui est lourd, difficile à digérer, trop riche ou trop copieux. Un Hollandais blond et tirant sur le roux, (...) engraissé par de pesantes bières (Huysmans,Oblat, t.2, 1903, p.122).Toby-Chien ne dort pas, tourmenté par les mouches et par un déjeuner pesant (Colette,Dialog. bêtes, 1905, p.7): 1. ... le café (...) faisait passer la nourriture pesante de ces eating-houses anglaises, avec leurs viandes saignantes et leurs bières lourdes, vestiges gargantuesques de ces temps où le capitaine Kidd gavait ses prisonniers avant de les pendre à sa grande vergue...
Morand,New-York, 1930, p.148. d) [En parlant d'un état] Très profond. Ivresse pesante. Je dormais profondément de ce pesant sommeil si difficile à troubler (Maupass.,Contes et nouv., t.1, Ruse, 1882, p.833): 2. ... après ces excès, il tombait, épuisé, en d'horribles sommes, en de pesants comas, semblables à ces sortes de léthargies qui accablèrent, après ses violations de sépulture, le sergent Bertrand.
Huysmans,Là-bas, t.2, 1891, p.15. e) Qui donne une impression d'oppression, d'étouffement. Atmosphère pesante. La terre chauffée tout le jour par un soleil pesant, par un «gras soleil», comme disent les moissonneurs du val de Vire (A. France,Bonnard, 1881, p.339).Un ciel gris, opaque, pesant, un ciel où le jour se navre où la lumière pleure de la suie (Mirbeau,Journal femme ch., 1900, p.161). f) Dont l'aspect, la forme sont massifs, dépourvus de légèreté. Architecture pesante; colonnes pesantes; homme lourd et pesant. Des landiers pesants, bas de pied, droits de tige (Pesquidoux,Chez nous, 1923, p.113).Imagine une femme de quarante à cinquante ans (...) grande, large et même pesante, avec un énorme chapeau cloche tout alourdi de feuillages (Duhamel,Maîtres, 1937, p.242).De pesants verrous travaillés au marteau et qui ne peuvent se manier que des deux mains (T'Serstevens,Itinér. esp., 1963, p.312). − MAR. Navire pesant. Navire dont les formes sont lourdes, qui marche mal ou se meut malaisément (d'apr. Littré). 2. Dans le domaine intellectuel.[En parlant d'une pers. et, p.méton., de son comportement, ses propos, ses pensées] Dépourvu de vivacité, de légèreté, de pénétration. Synon. ennuyeux.Homme pesant; pesante ironie. Tomber dans un pesant réalisme (Renan,Avenir sc., 1890, p.478).Il s'empressait auprès de la chanteuse et lui prodiguait de pesantes galanteries (Rolland,J.-Chr., Foire, 1908, p.778).Ces romanciers pesants qui ne nous font grâce d'aucun commentaire (Gide,Journal, 1948, p.322). − En partic. Qui manque d'aisance, de légèreté dans l'expression. Style pesant. L'abbé avait bien une manière à lui, pesante et calme, d'appuyer sur certains mots (Martin du G.,Thib., Mort père, 1929, p.1262).Cette grave et lente lamentation, qui par trois fois appuie sur le mot: «peccata», est alourdie par le pesant unisson des cordes (Rolland,Beethoven, t.2, 1937, p.395): 3. Ses homélies [de saint Jean Chrysostome] et ses discours sont de mauvaises et pesantes déclarations de rhétorique (...). Ses lettres mêmes ont la même pesanteur. Les anciens faisaient toujours de la belle phrase et de la rhétorique.
Vigny,Journ. poète, 1837, p.1066. 3. Au fig. Qui est pénible. Ennui, silence pesant; charge, corvée, présence pesante. Les gens du monde (...) croient, en général, qu'on ne quitte l'état ecclésiastique que pour échapper à des devoirs trop pesants (Renan,Souv. enf., 1883, p.359).La pesante monotonie d'une bureaucratie centrale (Jaurès,Ét. soc., 1901, p.147).Les derniers jours de ma vie auront été les plus pesants (Salacrou,Terre ronde, 1938, i, 4, p.164): 4. À quoi avait pu céder Fannie? Ni au vertige des sens, certes, ni à un besoin d'évasion et de libération comme ce fut le cas pour beaucoup de femmes subitement délivrées d'une tutelle maritale trop pesante.
Van der Meersch,Invas. 14, 1935, p.41. C. − Qui exerce une forte pression; qui est appliqué avec violence, force. Il lui ferma la bouche d'un baiser pesant (A. France,Lys rouge, 1894, p.245).Le maréchal laissait à petits coups pesants et clairs retomber son marteau sur l'enclume (Alain-Fournier,Meaulnes, 1913, p.21).L'on eût dit qu'une main pesante courbait cette cohue sous le prêtre (Van der Meersch,Empreinte dieu, 1936, p.111). − Expr. Avoir la main pesante, le bras pesant. ,,Être fort, robuste, donner de grands coups`` (Littré). − MAR. Mer pesante, vagues pesantes. Suite de vagues qui retombent avec violence et fracas. Quand les coups de la mer pesante ébranlent les longs rivages (Claudel,Tête d'Or, 1890, 2epart., p.85).Grain pesant, vent pesant. Grain, vent dont la violence tend à faire incliner le navire outre mesure. (Dict.xixeet xxes.). − Au fig. Une «mainmorte des complexes et des fixations» plus pesante que l'hérédité (Mounier,Traité caract., 1946, p.97). III. − Subst. masc. A. − [Dans certaines expr.] Poids. Il a gagné son pesant d'or! (Villiers de L'I.-A.,Contes cruels, 1883, p.79). − Au fig., fam. [En parlant d'une pers. ou d'une chose] ♦ Valoir son pesant d'or. Être d'une grande valeur, d'un grand intérêt. Savez-vous, cher ami, que cette petite Esther est précieuse! Le renseignement qu'elle m'a donné vaut pour moi son pesant d'or (Vogüé,Morts, 1899, p.163). ♦ Avec souvent une valeur iron. Valoir son pesant de (+ nom de substance comestible de peu de prix). Être cocasse, amusant (d'apr. Rey-Chantr. Expr. 1979). Propos qui vaut son pesant de cacahuètes, de moutarde. B. − ,,Morceau de fer ou de plomb que les tailleurs mettent sur leur ouvrage pour l'assujettir`` (Littré). IV. − Adv., vx. De poids, en poids. Jambon de quinze livres pesant. Mille livres pesant (Littré). Prononc. et Orth.: [pəzɑ
̃], fém. [-ɑ
̃:t]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1121-34 adverbialement (Philippe de Thaon, Bestiaire, éd. E. Walberg, 1042); ca 1140 subst. «poids» (Geoffroi Gaimar, Hist. des Angl., éd. A. Bell, 4998: vint unces de pesant); 1160-74 sun pesant d'or «l'équivalent de son poids en or» (Wace, Rou, éd. A. J. Holden, III, 1374); ca 1270 (Richars li Biaus, 2076 ds T.-L.: destrier Qui son pesant valoit d'or mier); 2. 1680 technol. (Rich.: Pesant. C'est un assez gros morceau de fer, ou de plomb envelopé de toile, ou d'étofe qu'on met sur la besogne pour la tenir lorsqu'on travaille). Part. prés. subst. de peser*. Fréq. abs. littér.: 1704. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 2815, b) 1865; xxes.: a) 2374, b) 2416. Bbg. Barb. Misc. 28 1944-52, pp.345-347. |