| PERFIDIE, subst. fém. Littéraire A.− 1. [Corresp. à perfide A 1] Caractère d'une personne perfide. Synon. déloyauté, fourberie, malignité, scélératesse; anton. fidélité, loyauté.Accuser la perfidie féminine; insinuer qqc. avec perfidie; être d'une extrême perfidie; un monstre de perfidie. Jusqu'au soir elles discutèrent sur la perfidie des hommes, tout le mal que fait la guerre, et la nécessité pour les femmes de se défendre, coûte que coûte (Benjamin, Gaspard,1915, p. 150): 1. Dès les premiers mots, ma grand'mère fondit en larmes, et sans rien écouter, sans rien discuter, elle se servit de son argument accoutumé, argument d'une tendre perfidie et d'une touchante personnalité : « Tu aimes une femme plus que moi, lui dit-elle, donc tu ne m'aimes plus!... etc. »
Sand, Hist. vie,t. 2, 1855, p. 72. 2. [Corresp. à perfide A 2] Caractère de ce qui est perfide, trompeur (sans qu'il y paraisse). Synon. hypocrisie, sournoiserie; anton. franchise, sincérité.Perfidie d'une insinuation d'une intention. Sa perfidie délicieuse et pleine d'ingéniosité empoisonnait sans laisser trace, présentée le sourire aux lèvres, ainsi qu'il eût fait d'une fleur (Courteline, Ronds-de-cuir,1893, 2etabl., 2, p. 74).Lu dans le Journal sous la signature de Jean de Bonnefon, un article d'une malice, d'une perfidie extraordinaire, à propos d'une possédée signalée dans un village de l'Aveyron (Bloy, Journal,1902, p. 102).N'oublie pas, pour tout comprendre, que Rohner n'a même pas une seule fois prononcé le nom de Chalgrin. Tout le monde connaît la querelle et pouvait subodorer la perfidie des allusions (Duhamel, Maîtres,1937, p. 235): 2. ... la marquise d'Espard se pencha pour pouvoir parler à l'oreille de la duchesse de Grandlieu. − Vous croyez donc que ce garçon-là aime beaucoup votre chère Clotilde? lui dit-elle. La perfidie de cette interrogation ne peut être comprise qu'après l'esquisse de Clotilde. Cette jeune personne, de vingt-sept ans, était alors debout. Cette attitude permettait au regard moqueur de la marquise d'Espard d'embrasser la taille sèche et mince de Clotilde qui ressemblait parfaitement à une asperge.
Balzac, Splend. et mis.,1844, p. 112. B.− Action, parole perfide. Synon. fourberie, ruse, trahison, tromperie.Lâche, noire perfidie. Elle avait compris la ruse, et lui lança ce regard énigmatique, ce regard à perfidies qui apparaît si vite au fond de l'œil de la femme (Maupass., Contes et nouv.,t. 1, Femme de Paul, 1881, p. 1225).Il se plaisait à pousser de plus en plus loin ses imaginations mauvaises, parce que, grâce aux perfidies qu'il prêtait à Odette, il la détestait davantage (Proust, Swann,1913, p. 301): 3. ... abusant de la double détresse, physique et intellectuelle, de sa victime dont il paraissait être le bienfaiteur, il parvint − à l'instar d'une maîtresse basse et jalouse, − à éloigner tous les amis anciens, quoi qu'ils pussent faire, et réussit, Dieu sait par quelles pratiques de mensonges et de perfidies! à lui en inspirer l'horreur.
Bloy, Femme pauvre,1897, p. 274. C.− [Corresp. à perfide B] Danger, tromperie (cachés sous des apparences inoffensives). Les perfidies de la nature, du sort. La bise souffla dans ce moment avec une telle perfidie, que l'aide de camp marcha pour ne pas se geler, et que les lèvres du major Philippe se glacèrent (Balzac, Adieu,1830, p. 23).Prenez un chimiste de laboratoire et transportez-le dans l'industrie sans interposer entre lui et la diabolique perfidie des choses un solide contremaître, il vous construira des appareils rebelles et des cornues révoltées (Maurois, Dialog. commandement,1924, p. 86): 4. Le public, qui, sous les mille becs de gaz de l'Opéra, s'abandonne au culte de la forme, ignore les perfidies du coton et de la ouate, dont son œil caresse amoureusement les contours; il ne soupçonne pas les stratagèmes, les illusions du maillot (...). Il croit aux gras de jambes chimériques, et va même plus loin dans cette région de l'idéal. C'est là le triomphe des coussins et de la garniture!
Reybaud, J. Paturot,1842, p. 156. REM. Perfidité, subst. fém.,hapax, synon.Comme Françoise, à mon contact, avait enrichi son vocabulaire de termes nouveaux, mais en les arrangeant à sa mode, elle disait d'Albertine qu'elle n'avait jamais connu personne d'une telle « perfidité » (Proust, Prisonn.,1922, p. 365). Prononc. et Orth. : [pε
ʀfidi]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1510 « action, parole perfide » (Jean d'Auton, Chroniques de Louis XII, éd. R. de Maulde la Clavière, t. 4, p. 267 : O dampnée et detestable perfidye!); 2. 1580 « caractère perfide » (Montaigne, Essais, II, 17, éd. Villey-Saulnier, p. 647). Empr. au lat. perfidia « manque de foi, déloyauté; action perfide », dér. de perfidus (v. perfide). Fréq. abs. littér. : 494. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 161, b) 428; xxes. : a) 664, b) 480. Bbg. Blumenkranz (B.). Perfidia. Arch. Lat. Med. Aev. 1952, t. 22, pp. 157-170. − Weijers (O.). Some notes on fides and related words in Medieval Latin. Arch. Lat. Med. Aev. 1977, t. 40, p. 93. |