| PERFECTIONNER, verbe trans. Rendre parfait ou plus proche de la perfection. A.− Vieilli. Poursuivre jusqu'à son terme, porter à sa plénitude, parfaire (v. ce mot A et B). Synon. achever, compléter, couronner, épanouir, finir, terminer; anton. amorcer, attaquer, commencer, démarrer, entamer.Ce second âge (...) que la nature emploie à perfectionner l'individu et à le mettre en état de se reproduire (Laclos, Éduc. femmes,1803, p. 434).Francon de Cologne (...) la perfectionna [la doctrine du « premier Francon »] et lui mit son dernier sceau (Gastoué, Primit. mus. fr.,1922, p. 52). − Empl. pronom. Synon. s'épanouir.L'union différencie. Les parties se perfectionnent et s'achèvent dans tout ensemble organisé (Teilhard de Ch., Phénom. hum.,1955, p. 291). B.− 1. Développer, augmenter les qualités de quelqu'un ou de quelque chose dans un sens positif. a) Domaine physique, matériel − [Le compl. d'obj. dir. désigne un animal, parfois un végétal ou le corps/une partie du corps, etc.] Faire acquérir les qualités permettant d'approcher ou d'atteindre la perfection physique. Ces mêmes terres sont, pour la plupart très-propres à hâter et à perfectionner la végétation (Cabanis, Rapp. phys. et mor.,t. 2, 1808, p. 253).Les sensations, à force de se répéter et de se réfléchir, ont perfectionné l'organe et étendu la sphère de ses pouvoirs (Brillat-Sav., Physiol. goût,1825, p. 50). ♦ Empl. pronom. passif. Les insectes se sont perfectionnés. Ils ont suivi l'évolution du règne végétal (Boule, Conf. géol.,1907, p. 119).À mesure que les fonctions nerveuses se perfectionnent (...) la sensibilité aux agents toxiques devient de plus en plus grande (Rogerds Nouv. Traité Méd.fasc. 61925, p. 13). − [Le compl. d'obj. dir. désigne gén. une chose] Donner à quelque chose les dernières finitions, doter quelque chose des dernières améliorations du progrès technique. Synon. polir; (fam.) fignoler, lécher, peaufiner; anton. abîmer, bâcler, ébaucher, esquisser.Perfectionner l'/les instrument(s), la/les méthode(s), les moyens, les procédés, le système, la technique; moyen(s) de perfectionner. Un instrument perfectionné par lui et destiné à remplacer l'ancien clavicorde, dont la construction défectueuse ne permettait pas certaines combinaisons de notes (D'Indy, Compos. mus.,t. 2, 1, 1897-1900, p. 85).Ce précieux tubercule (...) qui a été si favorablement acclimaté, répandu, sélectionné et perfectionné (Brunhes, Géogr. hum.,1942, p. 144): 1. Un homme passe dix ans de sa vie à chercher un secret d'industrie (...) il prend un brevet, il se croit maître de sa chose, il est suivi par un concurrent qui, s'il n'a pas tout prévu, lui perfectionne son invention par une vis, et la lui ôte ainsi des mains.
Balzac, Illus. perdues,1847, p. 619. ♦ Empl. pronom. passif. À mesure que les produits céramiques se sont perfectionnés (...) ils ont demandé (...) des secours aux sciences (Al. Brongniart, Arts céram.,t. 1, 1844, p. xi). b) Domaine esthét., intellectuel, affectif, éthique, soc. − [Le compl. d'obj. dir. désigne une pers., son aspect extérieur, sa vie psychique, etc.] Porter au sommet de son accomplissement. Synon. enrichir.Perfectionner les facultés. M'appliquer uniquement à ce qui peut perfectionner mon être intellectuel, me faire bien vivre (Maine de Biran, Journal,1817, p. 90).J'aime les personnes dont la jeunesse annonce la vieillesse (...). La vie les sculpte et les perfectionne. D'ébauche elles deviennent ce qu'elles doivent être et s'y fixent solidement (Cocteau, Diff. d'être,1947, p. 107). ♦ Empl. pronom. réfl. Développer ses qualités (dans tel domaine). Synon. faire des progrès.Pietro Vannucci, dit le Pérugin (1446-1524), eut pour premier maître Alluno, et vint ensuite se perfectionner à Florence (Ménard, Hist. Beaux-Arts,1882, p. 94).Tu te perfectionnes (...) te voilà une faculté de plus (Renard, Poil Carotte,1894, p. 56).Ceux qui comme nous ont profondément cherché pour obtenir un résultat relativement minime, savent combien il est agréable de se perfectionner, afin de pouvoir réaliser les aspirations contenues dans leur âme (Capet, Techn. sup. archet,1916, p. 11). ♦ Perfectionner qqn ou se perfectionner dans (+ subst. désignant une matière).Se perfectionner dans une langue étrangère. Les actrices allemandes ont étudié l'art des attitudes, et se perfectionnent dans cette sorte de grâce (Staël, Allemagne,t. 3, 1810, p. 226).Quelque nabab venu à Paris pour perfectionner son fils unique dans la vie mondaine (Dumas père, Monte-Cristo,t. 2, 1846, p. 73). − [Le compl. d'obj. dir. désigne une chose] Accroître les qualités, la valeur de (quelque chose), rapprocher du modèle idéal. Synon. affiner, bonifier, épurer, parachever, raffiner; anton. dégrader, détériorer, endommager, gâter, ruiner.Perfectionner l'art/les arts. Les Grecs, habiles à perfectionner les inventions du dehors, en modifiant avec un goût exquis la rigidité du canon qui leur venait d'une race svelte et mince [égyptienne] (Ch. Blanc, Gramm. arts dessin,1876, p. 47).Un vrai médecin doit (...) se donner pour but de la perfectionner [la médecine], de concourir à des progrès scientifiques, en même temps qu'on soulage les malades (Cl. Bernard, Princ. méd. exp.,1878, p. 184).L'incroyable pot-pourri de toutes les modes du XVIIIesiècle, travaillées, renouvelées sans cesse, raffinées, perfectionnées, maniées, remaniées tous les jours, par l'imagination de 600 coiffeurs de dames (Stéphane, Art coiff. fém.,1932, p. 128).V. exorde ex. 1 : 2. Ne vaut-il pas mieux essayer (...) de perfectionner pour l'adapter à de nouvelles recherches un instrument qui, perfectionné à son tour par des hommes nouveaux, leur permettra de décrire de façon plus convaincante, avec plus de vérité et de vie des situations et des sentiments neufs...
Sarraute, Ère soupçon,1956, p. 117. ♦ Empl. abs. Ce second travail qui consiste à revoir, à perfectionner, et n'a guères pour objet qu'une correction que j'estime peu nécessaire (Senancour, Rêveries,1799, p. 10).Les intelligences élaboratrices, qui trouvent elles aussi des combinaisons nouvelles, mais à partir de créations déjà acquises; ce sont des intelligences qui perfectionnent (Mounier, Traité caract.,1946, p. 655).V. perfectible ex. 2. ♦ Empl. pronom. passif. À mesure que les signes se perfectionnent, et même à chaque nouveau degré de perfection qu'ils acquièrent, ils sont cause du perfectionnement des idées qu'ils représentent (Destutt de Tr., Idéol. 1,1801, p. 382).Le métier se transmet, certes, se perfectionne, s'affirme, se complique, se gâte, se perd (Faure, Espr. formes,1927, p. 34). 2. Avec une nuance iron. [Le compl. d'obj. dir. implique un jugement négatif ou est interprété dans un sens péj.] Donner une plus grande intensité ou le maximum d'intensité à des caractères (considérés comme) négatifs. Le progrès (...) perfectionne la douleur à proportion qu'il raffine la volupté (Baudel., Nouv. Hist. extr.,1857, p. 9).Ma vilaine trogne (...) dont (...) les ans perfectionnent comiquement la laideur (Gautier, Fracasse,1863, p. 55).La vie est organisée pour cela. On a l'uniformité en tout et l'on travaille à la perfectionner sans cesse (Veuillot, Odeurs de Paris,1866, p. 139). − Empl. pronom. passif. On vit se perfectionner l'art de tromper les hommes pour les dépouiller (Condorcet, Esq. tabl. hist.,1794, p. 23). C.− Domaine moral, relig.[Le compl. d'obj. dir. désigne une pers., un aspect de la vie intérieure, du comportement, etc.] Faire progresser spirituellement, développer la vertu de. Synon. purifier; anton. avilir, corrompre.Les mysteres d'Éleusis, et en général tous les mysteres, avaient pour but d'améliorer notre espece, de perfectionner les mœurs (Dupuis, Orig. cultes,1796, p. 474).Les souffrances sont pour l'homme vertueux ce que les combats sont pour le militaire : elles le perfectionnent et accumulent ses mérites (J. de Maistre, Soirées St-Pétersb.,t. 2, 1821, p. 114).Infliger un châtiment qui l'amende, l'élève, l'éclaire, et la perfectionne [la créature] (P. Leroux, Humanité,1840, p. 333). − Empl. abs. La vérité ne punit point, elle améliore et perfectionne (Saint-Martin, Homme désir,1790, p. 26). − Empl. pronom. réfl. ou réciproque. Synon. de s'améliorer.Se perfectionner chaque jour. V. aimer ex. 91 : 3. Un saint ne travaille pas à se perfectionner, c'est-à-dire en somme à se peindre et à se blanchir, à devenir plus grand, mais plus petit. Si l'amour de Dieu devait ôter de lui les sentiments de componction et d'humilité d'un cœur pénitent, il vaudrait presque mieux qu'il restât dans le péché.
Claudel, Corresp.[avec Gide], 1909, p. 102. D.− PHILOS., MÉTAPHYS., rare. [Le compl. d'obj. dir. désigne l'homme, la nature, etc.] Faire tendre au bien absolu, à l'idéal. Perfectionner l'humanité. Vous l'acceptez [la nature] sans en être pourtant satisfaits et vous prétendez la corriger et la perfectionner suivant un type supérieur que vous avez en vous ou que vous démêlez en elle (P. Leroux, Humanité,1840p. 46): 4. La science ne peut jouer le rôle d'humanisme (...). C'est autre chose d'exercer la puissance de combinaison de son cerveau comme appareil à connaître et à comprendre, ou de perfectionner l'homme tout entier, de le civiliser ou de l'humaniser.
Ruyer, Esq. philos. struct.,1930, p. 361. − Empl. pronom. réfl. ou passif. (Se) rapprocher de la perfection. V. bien3ex. 3 et perfectible ex. de P. Leroux : 5. ... tel bien particulier doit l'être [désiré] en vue du bien suprême. Pour tout être purement physique, par conséquent, se perfectionner c'est se rendre plus semblable à Dieu. À bien plus forte raison en est-il ainsi pour une créature intelligente telle que l'homme, car c'est surtout son intelligence qui lui confère à la fois sa perfection propre et son analogie propre à Dieu.
Gilson, Espr. philos. médiév.,1932, p. 83. REM. Perfectionnant, -ante, part. prés. en empl. adj.Qui perfectionne. Perfectionner un homme, d'autorité, par force majeure et arrêt de la cour, c'est une entreprise neuve (...) mais il n'y a rien de moins perfectionnant (Musset, Lettres Dupuis Cotonet,1836, p. 609). Prononc. et Orth. : [pε
ʀfεksjɔne], (il) perfectionne [pε
ʀfεksjɔn]. Att. ds Ac. dep. 1762. Étymol. et Hist. 1. 1454 perfectionné en « qui est très habile pour (quelque chose) » (Erec en prose, éd. W. Foerster Chrétien de Troyes, Erec, p. 272); 1610 se perfectionner en Geometrie (P. Coton, Institution catholique, II, p. 816 d'apr. H. Vaganay ds R. Philol. fr. t. 43, p. 131); 2. 1611 perfectionner « rendre parfait, mener à la perfection; accomplir, achever totalement » (Cotgr.); 3. av. 1622 se perfectionner « devenir meilleur » (François de Sales, Lettre, Œuvres, V, 429 ds Gdf. Compl.). Dér. de perfection*; dés. -er. Fréq. abs. littér. : 722. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 927, b) 745; xxes. : a) 628, b) 645. DÉR. Perfectionneur, -euse, subst.Personne qui perfectionne (quelque chose). Les perfectionneurs du « métro » (Céline, Mort à crédit,1936, p. 463).− [pε
ʀfεksjɔnœ:ʀ], fém. [-ø:z]. − 1reattest. 1771 (Baudeau, Première Introduction à la Philos. Économique, D, II, p. 724 ds Brunot t. 6, p. 109, note 16); de perfectionner, suff. -eur2*. |