| PELOTONNER, verbe trans. A. − 1. Mettre en peloton (v. ce mot I A); enrouler en boule (du fil, des rubans). Cette bonne Savoyarde (...) qui s'est faite dévideuse de soie et qui pelotonne sans trêve ses écheveaux (Loti,Chât. Belle-au-bois-dorm., 1910, p.250).Anne-Marie l'écouta, pelotonnant sa laine, devant un écheveau passé au dossier d'une chaise (Pourrat,Gaspard, 1931, p.94).V. enfantin rem. ex. de Gide. 2. Mettre en pelote (v. ce mot B); ramasser en un amas compact. V. impulsion A 1 ex. de Bernardin de Saint-Pierre. − Empl. pronom. Le brouillard se tasse, se pelotonne, se floconne (Du Camp,Nil, 1854, p.66).Ceux-ci [les ascaris] peuvent se pelotonner et former de véritables bouchons vermineux (Garcin,Guide vétér., 1944, p.74). − Part. passé et/ou adj. [Des vaisseaux] sont entrelacés et pelotonnés de mille manières, et forment des masses plus ou moins considérables (Cuvier,Anat. comp., t.5, 1805, p.208).L'énergie (...) est pelotonnée sous forme de grains d'énergie (L. de Broglie,Théorie quanta, 1959, p.96). 3. Empl. pronom., vieilli. Se mettre en peloton (v. ce mot II); se rassembler pour former un groupe compact. Lorsqu'un gros de ces pillards maudits s'avança vers nous, notre troupe se pelotonna rapidement et nous fîmes feu (Gobineau,Nouv. asiat., 1876, p.213). B. − En partic. 1. [Le compl. d'obj. désigne une partie du corps] Rassembler, replier vers soi. Synon. recroqueviller.Petite, pelotonnant dans un fauteuil ses rondeurs de jolie brune douillette, elle riait (Zola,Page amour, 1878, p.982).Il insinue sa longue personne sur la poupe de mon radeau, plie ses jambes, ses bras, pelotonne son torse (Colette,Fanal, 1949, p.93). 2. Empl. pronom. réfl., usuel. Replier vers soi ses membres et se mettre en boule. Synon. se blottir, se ramasser, se recroqueviller.Se pelotonner dans un fauteuil, sous les draps, au coin du feu; se pelotonner comme un chat. Il remonta sur son lit, et, là, se pelotonna, se cacha, comme pour se dérober à une arme (Zola,Th. Raquin, 1867, p.106).Il avait besoin de pitié, de caresse. Il se pelotonnait contre elle, dans le noir (Martin du G.,Thib., Été 14, 1936, p.192): . Comme si elle eût voulu récupérer un potentiel nécessaire d'énergie, laisser s'accumuler en elle une réserve suffisante de force, elle s'accroupit sur elle-même, se pelotonna en boule pour rendre à ses muscles épuisés, avec la chaleur que leur portait son sang généreux de jeune bête, la force indispensable pour assurer son salut.
Pergaud,De Goupil, 1910, p.103. − Rare. [Le suj. désigne une partie du corps] Sa main toucha mes doigts, vint se pelotonner sous la mienne (Lacretelle,Am. nupt., 1929, p.209).Les orteils se pelotonnent dans un chausson spécial pour soutenir tout le corps par leurs bouts (Arts et litt., 1935, p.44-7). − Au fig. Synon. se replier, se renfermer.La disette, les épidémies, la guerre, les exactions de ses maîtres l'accablaient [l'homme]. Il se pelotonnait dans des communautés étroites −famille, voisins, métier, paroisse (Lefebvre,Révol. fr., 1963, p.67). 3. Part. passé et/ou adj. Elle dort pelotonnée sur elle-même, en «chien de fusil» (Bernanos,Mouchette, 1937, p.1300).C'est également la tête repliée entre les pattes et tout pelotonné qu'il [un singe] s'endort (Gide,Feuillets d'automne, 1949, p.1114). C. − P. anal., littér. [Le suj. désigne qqc.; corresp. à supra A 3 et B 2] Former un groupe compact et replié sur soi. Des villages en deux étages (...) se pelotonnent et se déroulent sur le flanc de deux montagnes (Hugo,Alpes et Pyr., 1885, p.220). REM. Pelotonnement, subst. masc.Action de pelotonner, de se pelotonner. a) [Corresp. à supra A 2] Chacun de ces lobes peut être considéré comme résultant du pelotonnement d'un tube (E. Perrier,Zool., t.1, 1893, p.953).b) [Corresp.à supra B 2] Les bras contractés dans un pelotonnement frileux (Goncourt,Journal, 1873, p.938).Au fig. La langueur, c'est avant tout un pelotonnement, un refus de se laisser tirer hors du cercle d'un enchantement maléfique (Du Bos,Journal, 1925, p.386). Prononc. et Orth.: [pəlɔtɔne]. Barbeau-Rodhe 1930 je pelotonne [ʒ
əplɔtɔn]. Att. ds Ac. dep. 1762. Étymol. et Hist. 1. 1616 trans. «mettre en peloton» (Oudin, Thresor des deux langues esp. et fr.); 2. 1735 pronom. «s'agglomérer en masses rondes» (Pluche, Spectacle de la nature, III, 365 ds DG); 3. 1784 pronom. «se ramasser sur soi» (Beaumarchais, Le Mariage de Figaro, II, 21, éd. Théâtre complet, NRF, t.2, 1931, p.78). Dér. de peloton*; dés. -er. Fréq. abs. littér.: 177. |